Ainsi, tout était faux. La prétendue pureté du gouvernement islamiste turc. Les grands discours de Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre à l'autoritarisme sultanesque, leader de l'AKP, parti (supposé) de la Justice et du Développement. Aïe, voici cette AKP brusquement décapée de son vernis vertueux. Trois ministres, les plus proches d'Erdogan, dont celui de l'Intérieur et de l'Economie, se retrouvent mouillés jusqu'au cou dans une énorme affaire de fraude et de blanchiment d'argent. Depuis quelques jours, les révélations se succèdent, les démissions s'enchainent: les trois ministres impliqués et des députés AKP en rupture de ban avec le parti. La livre turque plonge. Les cabinets d'analystes financiers alertent sur " une incertitude majeure'". Les manifestations ont repris. Comme on comprend les jeunes Turcs descendus les 25 et 27 décembre dans les rues d'Istanbul, d'Izmir et d'Ankara pour réclamer la démission d'Erdogan... Elle a volé en éclats, cette illusion selon laquelle les valeurs religieuses alliées à l'ultra-libéralisme pouvaient guider le peuple dans la voie du salut matériel et divin! Une fois de plus, le système sur lequel Erdogan a construit le mythique édifice du " modèle islamiste" se révèle un montage cynique, dans lequel les intérêts des puissants et leur gloutonnerie financière ont pris le pas sur le souci du bien public et balayé toute solidarité avec le peuple.
Que la corruption soit une affaire universelle, on en conviendra aisément: mais quand ceux qui la pratiquent sans vergogne ont l'obscénité de se draper dans le manteau de la morale, c'est une autre histoire. Ce dernier volet d'une imposture que je dénonce depuis plusieurs années, dans les colonnes de Marianne comme dans un essai paru en 2011(" L'imposture turque", Grasset) est bien l'aboutissement d'un scandale total. Dans la Turquie révisée et corrigée ( à la dure) par Erdogan, il n'y a pas plus de souplesse démocratique que de liberté d'expression.
L'embastillement de centaines de journalistes a déjà valu au régime de dégringoler en bas du classement international de Reporters sans Frontières. Les simulacres de procès, les condamnations pour présumé "complot" éclairent d'une obscure clarté le fictif chateau de cartes islamo-turc. Comme la déferlante obcurantiste qui consiste à trainer en justice artistes et écrivains; à faire l'apologie de la femme parfaite, voilée et mère au foyer de trois enfants minimum; à interdire raki et autres menus plaisirs chers aux natifs de la sublime Istanbul. Aujourd'hui, le sultan Erdogan est nu et les enfants d'un peuple trompé descendent à nouveau dans la rue, comme en juin dernier, lors de la révolte de Gezi Park. A nouveau, la police charge.
En mars 2014, se dérouleront des élections municipales. En août 2014, Recep Tayyip Erdogan tentera de briguer la présidence, le pouvoir suprême qui lui permettrait d'opérer la métamorphose complète de la république fondée par Atatük. Un enjeu majeur que le dernier scandale de goinfrerie économique du gouvernement "modèle" va peut-être remettre en cause.
Martine GOZLAN, Marianne, le 28 décembre 2013
Que la corruption soit une affaire universelle, on en conviendra aisément: mais quand ceux qui la pratiquent sans vergogne ont l'obscénité de se draper dans le manteau de la morale, c'est une autre histoire. Ce dernier volet d'une imposture que je dénonce depuis plusieurs années, dans les colonnes de Marianne comme dans un essai paru en 2011(" L'imposture turque", Grasset) est bien l'aboutissement d'un scandale total. Dans la Turquie révisée et corrigée ( à la dure) par Erdogan, il n'y a pas plus de souplesse démocratique que de liberté d'expression.
L'embastillement de centaines de journalistes a déjà valu au régime de dégringoler en bas du classement international de Reporters sans Frontières. Les simulacres de procès, les condamnations pour présumé "complot" éclairent d'une obscure clarté le fictif chateau de cartes islamo-turc. Comme la déferlante obcurantiste qui consiste à trainer en justice artistes et écrivains; à faire l'apologie de la femme parfaite, voilée et mère au foyer de trois enfants minimum; à interdire raki et autres menus plaisirs chers aux natifs de la sublime Istanbul. Aujourd'hui, le sultan Erdogan est nu et les enfants d'un peuple trompé descendent à nouveau dans la rue, comme en juin dernier, lors de la révolte de Gezi Park. A nouveau, la police charge.
En mars 2014, se dérouleront des élections municipales. En août 2014, Recep Tayyip Erdogan tentera de briguer la présidence, le pouvoir suprême qui lui permettrait d'opérer la métamorphose complète de la république fondée par Atatük. Un enjeu majeur que le dernier scandale de goinfrerie économique du gouvernement "modèle" va peut-être remettre en cause.
Martine GOZLAN, Marianne, le 28 décembre 2013