Mezri Haddad, ancien Ambassadeur de Tunisie à l'UNESCO.
Il s’agit du limogeage à peine déguisé d’Habib Essid, un technocrate de « l’ancien régime », sans charisme et sans aucune envergure politique, et de son remplacement par un certain Youssef Chahed, tout juste sorti de « l’élite » post-révolutionnaire, dont certains médias aux ordres du pouvoir politique ou des nouveaux réseaux financier nous dressent les multiples qualités objectives ou imaginées : sa jeunesse, sa filiation par rapport à Radhia Haddad, ses hautes « compétences » universitaires en matière d’agronomie, son remarquable parcours au sein de l’ambassade des Etats-Unis et au service de son pays ( !), et même son look européen, une qualité majeure pour ceux, nombreux encore au pays du jasmin, qui souffrent du complexe du colonisé.
Comme à l’époque où un illustre inconnu, Mehdi Jomaa, squattait le même fauteuil qu’occupaient jadis et naguère Hédi Nouira, Mohamed Mzali, Hamed Karoui et Mohamed Ghannouchi, j’ai lu les nombreux commentaires et appréciations de mes amis sur facebook ; j’en partage certains et rejette d’autres. J’ai également lu les articles dithyrambiques de certains médias vis-à-vis de Youssef Chahed, et les billevesées qui le stigmatisent. Ce qui m’a le plus tristement amusé, ce sont les propos laudateurs qui ressemblent fort bien à des demandes d’embauche. A vos CV les amis, l’Etat en faillite recrute encore et les cabinets ministériels, pas encore constitués, sont à la recherche des « hautes compétences » qui foisonnent en Tunisie depuis que la médiocrité et l’incompétence sont au pouvoir ! Que c’est affligeant tout cela. Que c’est triste pour un pays qui, de 1956 à 2011, avait fait de la méritocratie et du patriotisme les seuls critères de sélection pour la gouvernance.
L’annonce du futur et hypothétique gouvernement devrait pourtant me réjouir ne serait-ce que parce qu’il compte en son sein plusieurs ministres et secrétaires d’Etat amis qui viennent précisément du régime méritocratique que les conspirateurs et les traîtres ont détruit. Si leur nomination est officialisée, je leur souhaite bon courage et les félicite de retrouver les fonctions ministérielles qu’ils occupaient sous la République souveraine de Ben Ali. Si tel n’est pas le cas, je les félicite aussi de rester à l’écart des compromissions et en réserve de la République Souveraine qui rejaillira des entrailles du patriotisme non encore vaincu.
On a beaucoup glosé sur les raisons qui devaient porter à la chefferie du gouvernement, et je ne dis pas au premier ministère, le jeune Chahed, et beaucoup moins sur les causes de renvoi du pas assez vieux Habib Essid. Mais nul ne s’est posé la question essentielle : pourquoi Béji Caïd Essebsi et son complice et alter ego Rached Ghannouchi ont-ils décidé maintenant de virer celui que le sacro-saint dogme du « consensus » a désigné comme chef de gouvernement, que le quartet nobélisé a cautionné et que l’Assemblée « nationale » des opportunistes, des suivistes et des équilibristes a légitimé ?
Pour moi, un tel revirement ne vient pas d’en bas mais de haut, de très haut, par-delà le ciel tunisien ! Nos « libérateurs », nos bailleurs qui obéissent à la seule loi de l’argent et aux exigences mercantilistes de leurs gouvernements, ont décrété la fin de la récréation « révolutionnaire » et très « démocratique ». Plus question que les « gueux » fassent la loi. Des sacrifices sociaux vont devoir s’imposer, des décisions de gestion rigoureuse des finances publiques et privées vont devoir être prises. Sinon, plus aucun dollar ou euro de crédit, si onéreux soit-il pour le contribuable tunisien s’il en reste ! Plus de crédit, cela signifie en clair plus d’investissements étrangers, plus de liquidité pour payer les salaires de l’armada de fonctionnaires, dès le mois d’octobre prochain. Cela signifie plus de pension de retraite ni de remboursement de la caisse de sécurité sociale. Cela signifie quasiment plus rien à manger pour les 85% de Tunisiens…Cela signifie faillite de l’Etat dont le gouverneur de la Banque centrale désigné par les Frères musulmans locaux diffère d’ailleurs l’annonce depuis près de deux ans.
Pourquoi donc les hauts dirigeants et supplétifs de Nidaa Ennahda ont-ils décidé de changer de Premier ministre ? Je pense, j’en suis quasiment certain, parce qu’un tournant décisif, en matière de Souveraineté (privatisation du foncier agricole et des terres domaniales) et de politique économique (davantage de libéralisation) va être pris dans les semaines qui viennent. Béji Caïd Essebsi s’est ainsi trouvé obligé de changer de gouvernement en contrepartie des crédits en suspend et de concessions, à des pays et des entreprises étrangères, inédites dans l’Histoire de la Tunisie, à l’exception peut-être de celles exigées par l’Etat colonial avant et après le traité du Bardot en 1881.
On m’objecterait que M.Essid aurait pu exécuter les nouvelles exigences de nos “libérateurs” d’autant plus que la loi sur la privatisation des terres agricoles a été finalisée par son gouvernement et qu’elle est en phase d’adoption par des députés vendus. Sans doute. Mais en l’occurrence, le « libérateur » préfère avoir comme maître d’œuvre un novice en politique, qui plus est rompu aux compromis et compromissions avec l’USAID, dont il a été un fonctionnaire chargé des questions agricoles et alimentaires, plutôt qu’un ancien technocrate de l’ancien régime.
C’est probablement en raison de la gravité des décisions qui ont été prises, qui vont être appliquées dans les semaines qui viennent et qui figuraient peut-être dans le document que Mohsen Marzouk a signé à Waashington, que Béji Caïd Essebsi, qui est au crépuscule de sa vie et qui est très soucieux du tribunal de l’Histoire, a voulu impliquer le maximum de personnalités politiques respectables, qu’elles viennent de l’ex RCD ou de l’opposition libérale.
En proposant leurs noms dans la composition du futur gouvernement, le locataire de Carthage et architecte de la débourguibisation n’est point dans la reconnaissance des seules compétences capables de redresser ce pays, encore moins dans la réconciliation nationale, mais dans une démarche machiavélique qui leur fera perdre leur crédibilité en même temps qu’elle achèvera ce qui reste de la Souveraineté tunisienne.
Mezri Haddad
Comme à l’époque où un illustre inconnu, Mehdi Jomaa, squattait le même fauteuil qu’occupaient jadis et naguère Hédi Nouira, Mohamed Mzali, Hamed Karoui et Mohamed Ghannouchi, j’ai lu les nombreux commentaires et appréciations de mes amis sur facebook ; j’en partage certains et rejette d’autres. J’ai également lu les articles dithyrambiques de certains médias vis-à-vis de Youssef Chahed, et les billevesées qui le stigmatisent. Ce qui m’a le plus tristement amusé, ce sont les propos laudateurs qui ressemblent fort bien à des demandes d’embauche. A vos CV les amis, l’Etat en faillite recrute encore et les cabinets ministériels, pas encore constitués, sont à la recherche des « hautes compétences » qui foisonnent en Tunisie depuis que la médiocrité et l’incompétence sont au pouvoir ! Que c’est affligeant tout cela. Que c’est triste pour un pays qui, de 1956 à 2011, avait fait de la méritocratie et du patriotisme les seuls critères de sélection pour la gouvernance.
L’annonce du futur et hypothétique gouvernement devrait pourtant me réjouir ne serait-ce que parce qu’il compte en son sein plusieurs ministres et secrétaires d’Etat amis qui viennent précisément du régime méritocratique que les conspirateurs et les traîtres ont détruit. Si leur nomination est officialisée, je leur souhaite bon courage et les félicite de retrouver les fonctions ministérielles qu’ils occupaient sous la République souveraine de Ben Ali. Si tel n’est pas le cas, je les félicite aussi de rester à l’écart des compromissions et en réserve de la République Souveraine qui rejaillira des entrailles du patriotisme non encore vaincu.
On a beaucoup glosé sur les raisons qui devaient porter à la chefferie du gouvernement, et je ne dis pas au premier ministère, le jeune Chahed, et beaucoup moins sur les causes de renvoi du pas assez vieux Habib Essid. Mais nul ne s’est posé la question essentielle : pourquoi Béji Caïd Essebsi et son complice et alter ego Rached Ghannouchi ont-ils décidé maintenant de virer celui que le sacro-saint dogme du « consensus » a désigné comme chef de gouvernement, que le quartet nobélisé a cautionné et que l’Assemblée « nationale » des opportunistes, des suivistes et des équilibristes a légitimé ?
Pour moi, un tel revirement ne vient pas d’en bas mais de haut, de très haut, par-delà le ciel tunisien ! Nos « libérateurs », nos bailleurs qui obéissent à la seule loi de l’argent et aux exigences mercantilistes de leurs gouvernements, ont décrété la fin de la récréation « révolutionnaire » et très « démocratique ». Plus question que les « gueux » fassent la loi. Des sacrifices sociaux vont devoir s’imposer, des décisions de gestion rigoureuse des finances publiques et privées vont devoir être prises. Sinon, plus aucun dollar ou euro de crédit, si onéreux soit-il pour le contribuable tunisien s’il en reste ! Plus de crédit, cela signifie en clair plus d’investissements étrangers, plus de liquidité pour payer les salaires de l’armada de fonctionnaires, dès le mois d’octobre prochain. Cela signifie plus de pension de retraite ni de remboursement de la caisse de sécurité sociale. Cela signifie quasiment plus rien à manger pour les 85% de Tunisiens…Cela signifie faillite de l’Etat dont le gouverneur de la Banque centrale désigné par les Frères musulmans locaux diffère d’ailleurs l’annonce depuis près de deux ans.
Pourquoi donc les hauts dirigeants et supplétifs de Nidaa Ennahda ont-ils décidé de changer de Premier ministre ? Je pense, j’en suis quasiment certain, parce qu’un tournant décisif, en matière de Souveraineté (privatisation du foncier agricole et des terres domaniales) et de politique économique (davantage de libéralisation) va être pris dans les semaines qui viennent. Béji Caïd Essebsi s’est ainsi trouvé obligé de changer de gouvernement en contrepartie des crédits en suspend et de concessions, à des pays et des entreprises étrangères, inédites dans l’Histoire de la Tunisie, à l’exception peut-être de celles exigées par l’Etat colonial avant et après le traité du Bardot en 1881.
On m’objecterait que M.Essid aurait pu exécuter les nouvelles exigences de nos “libérateurs” d’autant plus que la loi sur la privatisation des terres agricoles a été finalisée par son gouvernement et qu’elle est en phase d’adoption par des députés vendus. Sans doute. Mais en l’occurrence, le « libérateur » préfère avoir comme maître d’œuvre un novice en politique, qui plus est rompu aux compromis et compromissions avec l’USAID, dont il a été un fonctionnaire chargé des questions agricoles et alimentaires, plutôt qu’un ancien technocrate de l’ancien régime.
C’est probablement en raison de la gravité des décisions qui ont été prises, qui vont être appliquées dans les semaines qui viennent et qui figuraient peut-être dans le document que Mohsen Marzouk a signé à Waashington, que Béji Caïd Essebsi, qui est au crépuscule de sa vie et qui est très soucieux du tribunal de l’Histoire, a voulu impliquer le maximum de personnalités politiques respectables, qu’elles viennent de l’ex RCD ou de l’opposition libérale.
En proposant leurs noms dans la composition du futur gouvernement, le locataire de Carthage et architecte de la débourguibisation n’est point dans la reconnaissance des seules compétences capables de redresser ce pays, encore moins dans la réconciliation nationale, mais dans une démarche machiavélique qui leur fera perdre leur crédibilité en même temps qu’elle achèvera ce qui reste de la Souveraineté tunisienne.
Mezri Haddad