Quand l’Egypte passa, dans les années 1950, d'un régime monarchique bon enfant à une dictature militaire nationaliste, les Occidentaux eurent déjà le plus grand mal à bien gérer le tournant. Comme s'il y avait une malédiction diplomatique propre au delta du Nil, soixante ans plus tard, les puissances occidentales sont à nouveau prises de court par les événements du Caire.
En 2011, personne, dans les Chancelleries et dans les universités américaines et européennes, n'avait prévu la chute de Moubarak, dans une révolution de rue que l'armée laissait faire. Ensuite, personne n'avait prévu une victoire électorale aussi massive des Frères musulmans, lesquels, après tout, n'avaient pris qu'en route la révolution. Enfin, à peine l'Amérique s'était-elle persuadée que les Frères musulmans, islamistes mais procapitalistes, étaient la bonne solution pour le monde arabo-musulman, à peine Washington avait-il persuadé ses alliés qu'il fallait partout au Moyen-Orient soutenir les Frères sunnites contre l'axe chiite présidé par l'Iran, que ce modèle se mettrait à s’effriter dangereusement, en Tunisie d'abord, puis en Turquie, et maintenant en Égypte.
Quand les tentatives de prospective des ministères, des think-tanks et des médias se trouvent régulièrement démenties par les faits, le pilotage stratégique devient extrêmement difficile au Moyen-Orient, même si les Occidentaux ont renoncé au rêve néoconservateur d'y imposer l'État de droit par la force.
L'armée égyptienne formée, équipée et financée par les Américains
Ils ne manquent pas pour autant de leviers. Le premier est celui de l'armée égyptienne, formée, équipée et financée par les Américains, qui lui conseillent la modération et le «maintien d'une dynamique démocratique» dans le pays. Le secrétaire d'État John Kerry suit personnellement le dossier, lui qui a décidé de consacrer sa mandature à «l'arc de crise» en général et au Levant en particulier. Quand le Quai d'Orsay appelle de ses vœux un «signe démocratique fort» venant du Caire, il est en plein accord avec le département d'État américain et le Foreign Office britannique. Il s'agit de constituer un gouvernement d'union nationale, où entreraient des technocrates compétents et des personnalités de l'opposition anti-islamiste.
L'opposition n'a ni leader, ni programme
Les Occidentaux ne peuvent aller plus loin dans leurs initiatives, car ils ont constaté l'aporie devant laquelle se trouve l'opposition. Cette dernière est la simple addition des anti-islamistes classiques et des déçus de Morsi, qui avaient cru aux promesses de restauration économique et sociale du président Frère musulman. Les foules sont nombreuses dans la rue, mais l'opposition n'a ni leader, ni programme, ni ciment idéologique. Les Occidentaux le regrettent, mais elle n'est pas pour le moment une solution de remplacement!
Paris, Londres et Washington ne veulent pas d'élections immédiates dans une atmosphère aussi chaude. Mais ils sont conscients qu'il est devenu presque impossible à Morsi de finir tranquillement son mandat.
Tunisie-secret.com
Renaud Girard,Le Figaro du 3 juillet 2013
En 2011, personne, dans les Chancelleries et dans les universités américaines et européennes, n'avait prévu la chute de Moubarak, dans une révolution de rue que l'armée laissait faire. Ensuite, personne n'avait prévu une victoire électorale aussi massive des Frères musulmans, lesquels, après tout, n'avaient pris qu'en route la révolution. Enfin, à peine l'Amérique s'était-elle persuadée que les Frères musulmans, islamistes mais procapitalistes, étaient la bonne solution pour le monde arabo-musulman, à peine Washington avait-il persuadé ses alliés qu'il fallait partout au Moyen-Orient soutenir les Frères sunnites contre l'axe chiite présidé par l'Iran, que ce modèle se mettrait à s’effriter dangereusement, en Tunisie d'abord, puis en Turquie, et maintenant en Égypte.
Quand les tentatives de prospective des ministères, des think-tanks et des médias se trouvent régulièrement démenties par les faits, le pilotage stratégique devient extrêmement difficile au Moyen-Orient, même si les Occidentaux ont renoncé au rêve néoconservateur d'y imposer l'État de droit par la force.
L'armée égyptienne formée, équipée et financée par les Américains
Ils ne manquent pas pour autant de leviers. Le premier est celui de l'armée égyptienne, formée, équipée et financée par les Américains, qui lui conseillent la modération et le «maintien d'une dynamique démocratique» dans le pays. Le secrétaire d'État John Kerry suit personnellement le dossier, lui qui a décidé de consacrer sa mandature à «l'arc de crise» en général et au Levant en particulier. Quand le Quai d'Orsay appelle de ses vœux un «signe démocratique fort» venant du Caire, il est en plein accord avec le département d'État américain et le Foreign Office britannique. Il s'agit de constituer un gouvernement d'union nationale, où entreraient des technocrates compétents et des personnalités de l'opposition anti-islamiste.
L'opposition n'a ni leader, ni programme
Les Occidentaux ne peuvent aller plus loin dans leurs initiatives, car ils ont constaté l'aporie devant laquelle se trouve l'opposition. Cette dernière est la simple addition des anti-islamistes classiques et des déçus de Morsi, qui avaient cru aux promesses de restauration économique et sociale du président Frère musulman. Les foules sont nombreuses dans la rue, mais l'opposition n'a ni leader, ni programme, ni ciment idéologique. Les Occidentaux le regrettent, mais elle n'est pas pour le moment une solution de remplacement!
Paris, Londres et Washington ne veulent pas d'élections immédiates dans une atmosphère aussi chaude. Mais ils sont conscients qu'il est devenu presque impossible à Morsi de finir tranquillement son mandat.
Tunisie-secret.com
Renaud Girard,Le Figaro du 3 juillet 2013