La Tunisie se trouve une fois de plus à la croisée des chemins. Mise en place d’un processus électif démocrate, ou dictature religieuse imposée par les Frères musulmans d’Ennahda ?
Le processus enclenché depuis janvier 2011 s’accélère brutalement, avec le meurtre de Mohamed Brahmi, député et fondateur de la Gauche nationaliste tunisienne, deuxième assassinat politique depuis le début 2013, après celui de Chokri Belaid, avocat et président du Front populaire tunisien. Un sit in de l’opposition démocrate se tient tous les soirs, au Bardo, à Tunis, à proximité du siège de l’assemblée nationale constituante tunisienne, depuis une quinzaine de jours. Une manifestation monstre a rassemblé dans Tunis, le samedi 3 août, plus de 450.000 personnes, selon un comptage effectué à partir de données de satellites, par le Pentagone (source CNN).
Les proches de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi, accusent Ennahda et son leader, le sheikh Rachid Ghannouchi, d’être derrière les assassinats politiques des deux leaders démocrates. Rachid Ghannouchi, vrai maître de la Tunisie, depuis la venue d’Ennahda au pouvoir en 2011, est connu pour ses liens actifs avec le FIS, parti des islamistes algériens, et s’est impliqué directement dans des attentats en Tunisie, sous Ben Ali. La frontière entre les Frères musulmans et les mouvances islamistes extrémistes, dont les djihadistes d’Al Qaida, est poreuse.
Les Frères musulmans, que ce soit en Tunisie ou en Egypte, ont un contact permanent avec le bras armé islamiste que représentent ces mouvances pratiquant la violence au nom de l’islam. Quant à Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahda, il faut rappeler que c’est un islamiste pur et dur, et que, comme Rachid Ghanouchi, il veut pour la Tunisie une dictature religieuse basée sur une shaaria restrictive et liberticide, particulièrement à l’égard des femmes, ramenant l’islam aux interdits du VIIe siècle. Dénonçant la mobilisation actuelle de l’opposition démocrate, Hamadi Jebali veut donner le change. Ce n’est pas seulement la Tunisie qui bouge, c’est une même tendance, un même cyclone, partout à l’œuvre en Egypte, en Libye ou au Yémen, voire même en Syrie, pour liquider le Printemps arabe.
Synthèse réductrice, et qui assimile le Printemps arabe aux Frères musulmans portés au pouvoir en Egypte et en Tunisie. Les islamistes d’Ennahda n’étaient pas parmi les révolutionnaires de janvier 2011, à Tunis. Ils se sont montrés après, cueillant les fruits de la révolution tunisienne, de la même manière que cela s’est passé en Egypte. Une majorité qui ne connaissait même pas les détails de leur programme d’islamisation, mais qui leur faisait confiance pour résoudre les sérieux problèmes économiques, et stopper la paupérisation de la population, les a portés au pouvoir. En ce moment, Hamadi Jebali se démarque de Rachid Ghannouchi dans son discours, en parlant d’une compatibilité entre l’islam et la démocratie, et tente de réunir islamistes et démocrates tunisiens autour d’une table ronde.
Mais, derrière cette apparence de conciliation, c’est toujours la shoura (parlement d’un Etat islamique, ou conseil d’administration d’un parti ou d’une institution religieuse islamique) d’Ennahda qui dirige en sous-main la Tunisie, encadrant le gouvernement d’une manière stricte.
Depuis 2011, une lutte impitoyable a ainsi lieu entre Ennahda, et ceux qui veulent une Tunisie démocrate. Ennahda n’a pas respecté l’échéance d’octobre 2012, date à laquelle auraient du avoir lieu de nouvelles élections, et bloque la rédaction de la constitution, au c’ur de laquelle il veut inscrire la primauté de l’islam et de la shaaria. Le parti islamiste a infiltré l’armée, la police (créant une police parallèle islamiste), la justice, et tous les corps de l’Etat. L’islamisation est déjà là en Tunisie, et il ne manque plus qu’une phase de pure violence afin que les Frères musulmans de Tunisie instaurent leur dictature religieuse.
Dans son prêche de l’Aïd, le sheikh Rachid Ghannouchi a ouvert la voie à la guerre civile en Tunisie. Il a insisté sur la valeur du sacrifice : "le sacrifice de soi", "le sacrifice des enfants", "le sacrifice de tout ce que l’on possède", "le sacrifice au nom de Dieu", mettant en exergue l’égorgement, au nom de la religion. Contre la scission actuelle entre islamistes et démocrates, qu’il qualifie de "débandade sociale" (al tadefaa al mojtamaî), Rachid Ghannouchi a incité les islamistes à se préparer à l’affrontement, à partir des exemples égyptien, syrien et palestinien.
Le pire est donc possible en Tunisie et il est temps que le gouvernement français, et François Hollande, arrêtent de se prêter au double jeu des islamistes d’Ennahda. Les Frères musulmans ne veulent pas de la démocratie, incompatible avec leur vision d’une société régie par le Coran. A partir de ce postulat, on doit arrêter de les crédibiliser et de les traiter comme des démocrates respectables.
Michel Le Tallec, Le Monde du 21 août 2013
Le processus enclenché depuis janvier 2011 s’accélère brutalement, avec le meurtre de Mohamed Brahmi, député et fondateur de la Gauche nationaliste tunisienne, deuxième assassinat politique depuis le début 2013, après celui de Chokri Belaid, avocat et président du Front populaire tunisien. Un sit in de l’opposition démocrate se tient tous les soirs, au Bardo, à Tunis, à proximité du siège de l’assemblée nationale constituante tunisienne, depuis une quinzaine de jours. Une manifestation monstre a rassemblé dans Tunis, le samedi 3 août, plus de 450.000 personnes, selon un comptage effectué à partir de données de satellites, par le Pentagone (source CNN).
Les proches de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi, accusent Ennahda et son leader, le sheikh Rachid Ghannouchi, d’être derrière les assassinats politiques des deux leaders démocrates. Rachid Ghannouchi, vrai maître de la Tunisie, depuis la venue d’Ennahda au pouvoir en 2011, est connu pour ses liens actifs avec le FIS, parti des islamistes algériens, et s’est impliqué directement dans des attentats en Tunisie, sous Ben Ali. La frontière entre les Frères musulmans et les mouvances islamistes extrémistes, dont les djihadistes d’Al Qaida, est poreuse.
Les Frères musulmans, que ce soit en Tunisie ou en Egypte, ont un contact permanent avec le bras armé islamiste que représentent ces mouvances pratiquant la violence au nom de l’islam. Quant à Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahda, il faut rappeler que c’est un islamiste pur et dur, et que, comme Rachid Ghanouchi, il veut pour la Tunisie une dictature religieuse basée sur une shaaria restrictive et liberticide, particulièrement à l’égard des femmes, ramenant l’islam aux interdits du VIIe siècle. Dénonçant la mobilisation actuelle de l’opposition démocrate, Hamadi Jebali veut donner le change. Ce n’est pas seulement la Tunisie qui bouge, c’est une même tendance, un même cyclone, partout à l’œuvre en Egypte, en Libye ou au Yémen, voire même en Syrie, pour liquider le Printemps arabe.
Synthèse réductrice, et qui assimile le Printemps arabe aux Frères musulmans portés au pouvoir en Egypte et en Tunisie. Les islamistes d’Ennahda n’étaient pas parmi les révolutionnaires de janvier 2011, à Tunis. Ils se sont montrés après, cueillant les fruits de la révolution tunisienne, de la même manière que cela s’est passé en Egypte. Une majorité qui ne connaissait même pas les détails de leur programme d’islamisation, mais qui leur faisait confiance pour résoudre les sérieux problèmes économiques, et stopper la paupérisation de la population, les a portés au pouvoir. En ce moment, Hamadi Jebali se démarque de Rachid Ghannouchi dans son discours, en parlant d’une compatibilité entre l’islam et la démocratie, et tente de réunir islamistes et démocrates tunisiens autour d’une table ronde.
Mais, derrière cette apparence de conciliation, c’est toujours la shoura (parlement d’un Etat islamique, ou conseil d’administration d’un parti ou d’une institution religieuse islamique) d’Ennahda qui dirige en sous-main la Tunisie, encadrant le gouvernement d’une manière stricte.
Depuis 2011, une lutte impitoyable a ainsi lieu entre Ennahda, et ceux qui veulent une Tunisie démocrate. Ennahda n’a pas respecté l’échéance d’octobre 2012, date à laquelle auraient du avoir lieu de nouvelles élections, et bloque la rédaction de la constitution, au c’ur de laquelle il veut inscrire la primauté de l’islam et de la shaaria. Le parti islamiste a infiltré l’armée, la police (créant une police parallèle islamiste), la justice, et tous les corps de l’Etat. L’islamisation est déjà là en Tunisie, et il ne manque plus qu’une phase de pure violence afin que les Frères musulmans de Tunisie instaurent leur dictature religieuse.
Dans son prêche de l’Aïd, le sheikh Rachid Ghannouchi a ouvert la voie à la guerre civile en Tunisie. Il a insisté sur la valeur du sacrifice : "le sacrifice de soi", "le sacrifice des enfants", "le sacrifice de tout ce que l’on possède", "le sacrifice au nom de Dieu", mettant en exergue l’égorgement, au nom de la religion. Contre la scission actuelle entre islamistes et démocrates, qu’il qualifie de "débandade sociale" (al tadefaa al mojtamaî), Rachid Ghannouchi a incité les islamistes à se préparer à l’affrontement, à partir des exemples égyptien, syrien et palestinien.
Le pire est donc possible en Tunisie et il est temps que le gouvernement français, et François Hollande, arrêtent de se prêter au double jeu des islamistes d’Ennahda. Les Frères musulmans ne veulent pas de la démocratie, incompatible avec leur vision d’une société régie par le Coran. A partir de ce postulat, on doit arrêter de les crédibiliser et de les traiter comme des démocrates respectables.
Michel Le Tallec, Le Monde du 21 août 2013