C'est l'une des pages les plus sombres de la découverte des Indes par le Portugal. Lors de sa deuxième expédition dans l'océan Indien, à la tête de la quatrième armada, Vasco de Gama ordonne un massacre qui vaut bien celui des Islamistes : il met le feu à un navire de pèlerins de retour de La Mecque avec femmes et enfants à bord. Il y a plusieurs centaines de victimes. Du reste, ce massacre gratuit est condamné par la majorité de ses lieutenants. C'est "un jour dont je me souviendrai toute ma vie", écrit Thomé Lopes, un des chroniqueurs de l'expédition.
Le 3 octobre 1502, la flotte d'une quinzaine de navires de Vasco de Gama approche du but de son voyage, la ville de Calicut sur la côte de Malabar (Kerala). Lors d'une précédent visite, le navigateur s'était fait refouler par le Zamorin ("souverain de la mer") quand il avait montré les marchandises apportées du Portugal pour commercer : du miel, des chapeaux et des... pots de chambre. Véridique. Vasco avait alors promis de revenir pour se venger. Une vengeance qu'il promet d'être d'autant plus terrible que ce même roitelet arabe avait, par la suite, exterminé l'équipage d'un compatriote, celui de Pedro Àlvares Cabral.
"Vous devez être brûlés"
Le 3 octobre, donc, les vigies du navire de Vasco de Gama aperçoivent au loin un énorme navire. Il s'agit du Miri, appartenant à l'un des plus riches marchands de Calicut nommé Al-Fanqi. Les Portugais le prennent aussitôt en chasse. Celle-ci ne dure guère car le Miri qui transporte quatre cents pèlerins revenant de la Mecque, dont une cinquantaine de femmes et des enfants, n'est pas de taille à lutter. Al-Fanqi qui est à bord préfère payer une rançon pour recouvrer la liberté plutôt que de mourir dans une bataille perdue d'avance. Or, voilà que Vasco de Gama, contrairement aux usages de l'époque, fait savoir qu'il ne réclame pas de rançon. Il ordonne à son équipage de mettre le feu au navire des pèlerins.
N'en croyant pas ses oreilles, le capitaine du Miri demande à être reçu par l'amiral portugais : "Monsieur, vous n'obtiendrez aucun gain en ordonnant de nous tuer. Faites-nous mettre aux fers et amenez-nous à Calicut. Et si, là-bas, ils ne remplissent pas vos navires de poivre et d'épices, alors vous pourrez donner l'ordre de nous brûler..." Réponse du Portugais : "Vivant, vous devrez être brûlé parce que vous avez conseillé au roi de Calicut de tuer et de piller l'agent portugais et ses compagnons ; et puisque vous êtes devenu si puissant à Calicut que cela vous oblige à remplir gratuitement mes navires, je dis que pour rien au monde je ne me priverai de vous occasionner une centaine de morts, si je peux le faire."
Les lieutenants de l'amiral portugais tentent de le ramener à la raison en lui disant qu'il serait trop bête de ne pas profiter de la belle rançon pouvant être tirée de leurs prisonniers. (... ) Gama explique à ses hommes que s'il renonce à punir ses prisonniers pour en tirer de l'argent, les musulmans se croiront tout permis à l'avenir.
Lutte désespérée
Se voyant définitivement condamnés à mort, les musulmans tentent le tout pour le tout en se précipitant sur des armes traînant encore à bord du Miri. Ils parviennent à tuer plusieurs marins portugais et sont sur le point de couper les câbles reliant leur navire à ceux de l'armada quand ils sont écrasés sous le nombre. Les marins du Miri tombés à l'eau sont poursuivis et exterminés à coups de lance. Les survivants sont enfermés dans la cale du navire. Les femmes ont beau tendre éperdument leurs enfants vers les Portugais, Vasco ne flanche pas. Droit dans ses bottes, il fait mettre le feu au bâtiment, puis ordonne de le couler au canon. La scène atroce dure plusieurs jours. Certains des chroniqueurs portugais affirment que Vasco de Gama aurait sauvé une vingtaine d'enfants pour les faire baptiser. Rien n'est moins sûr.
En commettant cet acte abominable, Vasco de Gama gagne la réputation d'un homme cruel, et tous les Portugais seront longtemps haïs dans cette région du monde. Après son forfait, le marin portugais échoue à soumettre par la force le Zamorin de Calicut. Du coup, malgré le riche butin qu'il rapporte à Lisbonne, il est accueilli froidement par le roi Manuel qui lui reproche son échec militaire. Mais aussi de ne pas avoir trouvé le royaume du prêtre Jean. En revanche, pas un mot de reproche pour sa tuerie. Vasco de Gama devra attendre vingt ans que le souverain lui confie le commandement d'une troisième et ultime expédition en Inde. Histoire probablement de ranimer la flamme.
Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos, Le Point du 2 octobre 2012, sous le titre de « 3 octobre 1502. Vasco de Gama fait brûler vifs des femmes et des enfants musulmans revenant de La Mecque ».
Le 3 octobre 1502, la flotte d'une quinzaine de navires de Vasco de Gama approche du but de son voyage, la ville de Calicut sur la côte de Malabar (Kerala). Lors d'une précédent visite, le navigateur s'était fait refouler par le Zamorin ("souverain de la mer") quand il avait montré les marchandises apportées du Portugal pour commercer : du miel, des chapeaux et des... pots de chambre. Véridique. Vasco avait alors promis de revenir pour se venger. Une vengeance qu'il promet d'être d'autant plus terrible que ce même roitelet arabe avait, par la suite, exterminé l'équipage d'un compatriote, celui de Pedro Àlvares Cabral.
"Vous devez être brûlés"
Le 3 octobre, donc, les vigies du navire de Vasco de Gama aperçoivent au loin un énorme navire. Il s'agit du Miri, appartenant à l'un des plus riches marchands de Calicut nommé Al-Fanqi. Les Portugais le prennent aussitôt en chasse. Celle-ci ne dure guère car le Miri qui transporte quatre cents pèlerins revenant de la Mecque, dont une cinquantaine de femmes et des enfants, n'est pas de taille à lutter. Al-Fanqi qui est à bord préfère payer une rançon pour recouvrer la liberté plutôt que de mourir dans une bataille perdue d'avance. Or, voilà que Vasco de Gama, contrairement aux usages de l'époque, fait savoir qu'il ne réclame pas de rançon. Il ordonne à son équipage de mettre le feu au navire des pèlerins.
N'en croyant pas ses oreilles, le capitaine du Miri demande à être reçu par l'amiral portugais : "Monsieur, vous n'obtiendrez aucun gain en ordonnant de nous tuer. Faites-nous mettre aux fers et amenez-nous à Calicut. Et si, là-bas, ils ne remplissent pas vos navires de poivre et d'épices, alors vous pourrez donner l'ordre de nous brûler..." Réponse du Portugais : "Vivant, vous devrez être brûlé parce que vous avez conseillé au roi de Calicut de tuer et de piller l'agent portugais et ses compagnons ; et puisque vous êtes devenu si puissant à Calicut que cela vous oblige à remplir gratuitement mes navires, je dis que pour rien au monde je ne me priverai de vous occasionner une centaine de morts, si je peux le faire."
Les lieutenants de l'amiral portugais tentent de le ramener à la raison en lui disant qu'il serait trop bête de ne pas profiter de la belle rançon pouvant être tirée de leurs prisonniers. (... ) Gama explique à ses hommes que s'il renonce à punir ses prisonniers pour en tirer de l'argent, les musulmans se croiront tout permis à l'avenir.
Lutte désespérée
Se voyant définitivement condamnés à mort, les musulmans tentent le tout pour le tout en se précipitant sur des armes traînant encore à bord du Miri. Ils parviennent à tuer plusieurs marins portugais et sont sur le point de couper les câbles reliant leur navire à ceux de l'armada quand ils sont écrasés sous le nombre. Les marins du Miri tombés à l'eau sont poursuivis et exterminés à coups de lance. Les survivants sont enfermés dans la cale du navire. Les femmes ont beau tendre éperdument leurs enfants vers les Portugais, Vasco ne flanche pas. Droit dans ses bottes, il fait mettre le feu au bâtiment, puis ordonne de le couler au canon. La scène atroce dure plusieurs jours. Certains des chroniqueurs portugais affirment que Vasco de Gama aurait sauvé une vingtaine d'enfants pour les faire baptiser. Rien n'est moins sûr.
En commettant cet acte abominable, Vasco de Gama gagne la réputation d'un homme cruel, et tous les Portugais seront longtemps haïs dans cette région du monde. Après son forfait, le marin portugais échoue à soumettre par la force le Zamorin de Calicut. Du coup, malgré le riche butin qu'il rapporte à Lisbonne, il est accueilli froidement par le roi Manuel qui lui reproche son échec militaire. Mais aussi de ne pas avoir trouvé le royaume du prêtre Jean. En revanche, pas un mot de reproche pour sa tuerie. Vasco de Gama devra attendre vingt ans que le souverain lui confie le commandement d'une troisième et ultime expédition en Inde. Histoire probablement de ranimer la flamme.
Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos, Le Point du 2 octobre 2012, sous le titre de « 3 octobre 1502. Vasco de Gama fait brûler vifs des femmes et des enfants musulmans revenant de La Mecque ».