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Exclusif : Le parlement tunisien s’apprête t-il à blanchir les corrompus ?


5 Juin 2016

Demain 6 juin, la loi sur les banques va repasser en seconde lecture au Palais du Bardo. Objectif apparent, l’assainissement du secteur bancaire selon les « normes » du FMI et de la Banque mondiale, pour liquider toutes les banques en faillite. But non déclaré, le règlement à l’abri des curieux et entre mafieux du boulet BFT. Principaux acteurs de cette affaire d’Etat : Mansour Moalla, Chedly Ayari, Slim Chaker, Mohamed Rekik, Ridha Saïdi, Salim Ben Hamidane, Mounir Klibi.


En haut de gauche à droite, Chedly Ayari et Mansour Moalla. En bas de gauche à droite, Salim Ben Hamidane et Slim Chaker.
En haut de gauche à droite, Chedly Ayari et Mansour Moalla. En bas de gauche à droite, Salim Ben Hamidane et Slim Chaker.
Tunisie-Secret a déjà évoqué l’affaire de la BFT, la Banque Franco-Tunisienne que l’Etat traine tel un boulet depuis 1981 (voir lien ci-dessous). C’est peut-être demain 6 juin, au sein du parlement, que le sort de cette banque sera scellé en toute « légalité » et impunité. Les députés, pas trop au fait des en-dessous de cette affaire et de ses enjeux multiples, vont en effet discuter en seconde lecture la loi sur les banques que le FMI et la Banque mondiale ont exigé comme préalable à tout crédit. L’adoption de cette loi, en l'absence de recherche des responsabilités et du comblement du passif, entraînerait ipso facto la liquidation de la BFT, ce qui permettrait à tous les affairistes véreux qui lui doivent de l’argent de ne pas rembourser leurs créances. Cela signifie clairement que ce serait à l’Etat de supporter cette dette ; autrement dit aux contribuables Tunisiens.

Faire endosser au contribuable tunisien la dette des affairistes véreux  
   
En effet, selon le Maghreb Confidentiel du 27 octobre 2013, « La fermeture de la BFT permettrait d’éviter un audit de ses comptes, réclamé par ABCI dans le cadre de l’arbitrage. Celui-ci risque de révéler certains agissement des hauts fonctionnaires qui administraient la banque lorsqu’elle servait de tirelire aux proches du régime Ben Ali, et pour la plupart encore en poste. Mais la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), qui viennent d'avoir vent de ce projet de liquidation, ne l'entendent pas ainsi. Ces bailleurs, qui financent le redressement du secteur bancaire, comprennent mal que Tunis raye d'un trait de plume les 550 millions de dinars de "créances irrécouvrables" détenues par la BFT. Si l'établissement disparaissait, ce "trou" passerait aussitôt dans les comptes de sa maison mère, la STB (Société tunisienne de banque)». Simples précisions : primo il n’y avait pas que les proches de Ben Ali à profiter des crédits de la BFT, secundo le montant des créances irrécouvrables n’est pas 550 millions de dinars mais s’élève aujourd’hui à 700 millions de dinars. Comme nous allons le démonter à la fin de cet article, c’est le contribuable tunisien qui va finalement rembourser les créances des affairistes véreux.

Accusé numéro 1 : Mansour Moalla

Ce politicien doué en affaires passe pour être l’un des meilleurs économistes du pays, ce qui n’est pas totalement faux. Il passe aussi pour le Monsieur propre de Tunisie, ce qui est une imposture. Lorsqu’on remonte l’histoire tumultueuse du différent entre la BFT et l’Etat tunisien, c’est lui qu’on retrouve à l’origine. Et pour cause.

Au début des années 1980, un jeune brillant avocat tunisien qui venait de faire fortune dans le projet de pont entre l’Arabie Saoudite et le Bahreïn, décide d’investir dans son pays d’origine. Abdelmajid Bouden, c’est son nom, persuade des actionnaires arabes de l’accompagner dans cette aventure. Ce fut en effet une véritable aventure !

C’est ainsi que l’ABCI a été fondé et qu’elle est devenue en 1982 l’actionnaire majoritaire de la BFT avec 53,6% des droits de vote. Mais la BFT ne pouvait pas faire une telle acquisition sans obtenir l’agrément du gouvernement tunisien dont le chef était à l’époque Mohamed Mzali. L’agrément a été accordé avec d’autant plus de facilité que la politique de Mzali allait dans le sens du renforcement des relations Sud-Sud dont l’ouverture du secteur bancaire aux pays du Golfe n’était qu’un axe.

A la fin des années 1970, Mansour Moalla quitte la Banque centrale pour s’occuper de ses propres affaires. C’est ainsi qu’en 1976, en obtenant un crédit de la STB, il fonde la BIAT en mettant la main sur la Société marseillaise de Crédit et la British Bank of the Middle East (actuelle HSBC), sous prétexte de tunisification du secteur bancaire. La BIAT mise en orbite, il retourne en 1981 au sein du gouvernement Mzali. Usant de son pouvoir de ministre des Finances, il décide en septembre 1981 une augmentation de capital de toutes les banques en Tunisie. Le but, obliger la BFT et l’Arab Bank (actuellement l’ATB) de fusionner avec la BIAT, aux conditions de la BIAT ! Autrement dit, contraindre ces deux banques à se faire absorber par la banque de Monsieur Moalla. Outil de chantage utilisé par le Monsieur propre de Tunisie, remettre en cause les deux agréments dont bénéficiaient ces deux banques.

Détenu par des Palestiniens et présidée par Abdel Majid Choumane, l’Arab Bank a pu échapper à ce hold up à la suite d’une intervention de Yasser Arafat auprès de Bourguiba. Ce dernier aurait mis en garde son ministre des Finance de « ne pas mélanger business sfaxien et intérêts supérieurs de l’Etat » ! Il ne restait plus à Mansour Moalla que de jeter son dévolu sur la BFT, qui est devenu pour lui un objectif stratégique, en gelant ses fonds. Mais là aussi, sur intervention de Bourguiba après sa rencontre avec Abdelmajid Bouden, le plan Moalla échouât en mai 1983. Mohamed Mzali n’avait plus le choix que d’exécuter les ordres de Bourguiba, d’où son conflit plus tard avec Mansour Moalla que certains ont fait passer pour un différent politique, ce dernier laissant croire qu’il était un ardent défenseur de l’ouverture démocratique. C’est ainsi que l’affaire de la BFT est née.

Accusé numéro 2 : Chedly Ayari

Après avoir été ministre du Plan (1969-1970, 1974-1975), ministre de la Jeunesse et des Sport (1970), ministre de l’Education nationale (1970-1971) et ministre de l’Economie (1972-1974), Chedly Ayari a pris la tête de la Banque Arabe de Développement Economique de l’Afrique (BADEA) en 1975 pour ne la quitter qu’en 1987 à la demande de Bourguiba et sous la pression de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis et du Koweït. Après le changement du 7 novembre 1987, Ben Ali a voulu l’intégrer au sein du gouvernement formé par Hédi Baccouche mais l’Arabie Saoudite a vu ce retour d’un mauvais œil. Les Saoudiens lui reprochent en effet d’avoir dépouillé la BADEA dont ils étaient avec le Koweït et les Emirats Arabes Unis les principaux actionnaires. Certains parlent de 48 millions de dollars volatilisés, d’autres avancent le montant de 98 millions de dollars. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Comme par hasard, les seuls qui ont essayé de le couvrir à cette époque sont Mansour Moalla et Béchir Ben Yahmed !

Malgré sa nomination, en janvier 2010, par décret présidentiel (Ben Ali) en tant que membre de la Chambre des conseillers (sénateur), il a été bombardé en juillet 2012 gouverneur de la Banque centrale en remplacement de Mustapha Kamel Nabli, grâce à son ami et voisin Mustapha Ben Jaafar et à sa platitude à l’égard de Rached Ghannouchi. Les islamistes aiment bien travailler avec les responsables qui s'y connaissent en affaires et en magouilles.

Outre le rattachement direct de la Banque centrale tunisienne à la Banque mondiale, Chedly Ayari avait pour mission de régler à sa manière l’affaire de la BFT ! C’est que pour les nouveaux dirigeants de l’Etat mafieux, cette affaire est devenue un véritable boulet qui empoisonne en plus les relations entre la Tunisie et ses pourvoyeurs de fonds ainsi que ses partenaires économiques européens.

Accusé numéro 3 : Salim Ben Hamidane and Co

Dans la décision, prise dès 2012, de mettre en application la liquidation de la BFT, Salim Ben Hamidane, qui était alors ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières (2011-2014), a prétendu qu’il n’était pas au courant du protocole d’accord à l’amiable conclu le 31 août 2012 entre la BFT et l’Etat. Mais comme vient de lui faire remarquer le juge d’instruction Faouzi Oueslati (le 29 avril 2016), qui est chargé de l’affaire, comment peut-il ne pas être au courant alors qu’il avait envoyé ce protocole à Hamadi Jebali le 20 octobre 2012 ? C’est notamment pour cette raison que cet individu qui avait usurpé le titre d’avocat avant d’usurper la fonction de ministre au sein du gouvernement de la troïka est récemment passé du statut de témoin à celui d’accusé (Voir lien de Kapitalis ci-dessous). Terré à Paris, cet individu continue à crier son « innocence ». Mais avant de fuir la Tunisie, en parfait accord avec ses protecteurs d'Ennahda, Salim Ben Hamidane a engagé une plainte contre X dans le but de l'utiliser plus tard comme monnaie d'échange et au besoin, comme moyen de chantage contre l'ABCI et Abdelmajid Bouden.

Comme l’attestent les documents en PDF, qui sont des PV que la rédaction de TS a pu obtenir, tout a été fait dès 2012  pour que l’affaire de la BFT soit réglée à la tunisienne ! C’est-à-dire par un arrangement entre un Etat mafieux et des affairistes véreux. Si l’on met en lien, le PV du 15 décembre 2015 et celui du 28 août 2015 avec le PV du 13 décembre 2012 (Conseil interministériel présidé par l’islamiste Ridha Saïdi, alors ministre auprès du chef de gouvernement chargé des affaires économiques et financières), l’on se rend compte que la décision de liquider la BFT a été prise dès le départ. Mieux encore, le PV du 28 août 2015 est copier-coller de la thèse de Mansour Moalla en 1982, à savoir que l’agrément accordé à la BFT par le gouvernement Mzali et sous la signature de Moalla lui-même était invalide. Plus grave encore, lors de son conseil interministériel, le gouvernement avait continué à nier la validité d’un agrément que la cours de Cassation de Tunis avait déclaré le 15 octobre 2012 « légal dès son attribution en 1982 ».

Les affairistes véreux profitent des crédits et le peuple rembourse

C’est pour dire que, selon même le PV du 15 décembre 2015, le gouvernement a menti aux députés lorsqu’il a présenté son projet de loi sur les banques, que les acteurs de ce mensonge d’Etat sont Chedly Ayari, Ridha Saïdi, Slim Chaker et Salim Ben Hamidane, et que Mansour Moalla, Mohamed Rekik et Mounir Klibi (le frère d’Aïda Klibi, l’ex-ATCE aujourd’hui conseillère en communication de BCE) sont des complices actifs de cette escroquerie que certains cherchent à légaliser.

Le 12 mai dernier, en réponse à la question du député Abderraouf al-May, « Vous visez uniquement la BFT ? », Mohamed Rekik, vice-gouverneur islamiste de la Banque centrale a dit qu’aucune banque ne sera liquidée. Abderraouf al-May a alors proposé un délai de deux ans pour redresser la situation financière de la BFT, mais les députés Nahdaoui et Nidaïstes l’ont rejeté.

Les 700 millions de dinars de crédits accordés aux affairistes véreux et jamais remboursés, c’est finalement l’Etat tunisien (donc le peuple tunisien) qui va les supporter. Plus révoltant encore, Mansour Moalla exige de l’Etat 3 millions de dinars de compensation sous le prétexte fallacieux que sa BIAT lui a été confisqué par Ben Ali au profit des Mabrouk. Plus révoltant encore, le cabinet britannique Hubert Smith, qui a été choisi en 1989 par déjà Mounir Klibi pour représenter les intérêts de l’Etat tunisien dans son différent avec l’ABCI et qui a été reconduit par Chedly Ayari, a déjà empoché 50 millions d’euros ! Le même Chedly Ayari qui vient de déclarer que la situation économique du pays est très inquiétante, « qu’il faut plus d’1 milliard de dinars par mois pour payer les salaires des 670 000 fonctionnaires » !!! Il a oublié de préciser que les 670 000 fonctionnaires, c'était à cause des milliers de délinquants de droit commun et de terroristes que Rached Ghannouchi a fait recruter de force. Comme il a oublié que la seconde cause de faillite de la Tunisie, outre la corruption d'un Etat super-mafieux, c'est l'abandon de recouvrement des crédits, ou plus exactement le recyclage de dettes privées en dette publique. 

Nebil Ben Yahmed

http://kapitalis.com/tunisie/2016/06/02/affaire-bft-slim-ben-hmidane-sur-le-banc-des-accuses/
 
http://www.tunisie-secret.com/L-affaire-de-la-banque-franco-tunisienne-une-bombe-a-retardement_a670.html

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