Au lendemain des attentats obscurantistes qui ont meurtri tout un pays, les liens privilégiés de Nicolas Sarkozy avec le régime qatari posent un problème politique extrêmement grave.
Nicolas Sarkozy est plus qu’un ami pour le régime qatari : il constitue un investissement. Le livre enquête de Vanessa Ratignier et de Pierre Péan est à cet égard édifiant.
En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy obtient la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus par Mouammar Kadhafi, c’est l’émir du Qatar qui paye la Libye. Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy exempte le Qatar de taxation sur les plus-values immobilières en France. Le 11 décembre 2012, c’est au Qatar qu’a lieu son tout premier discours public d’ex-président, pour le Doha Goals, un événement se voulant être « le Davos du sport ». Enfin, selon le Financial Times, lorsque après sa défaite de 2012 il envisage de créer le fonds d’investissement Columbia Investments pour se lancer dans la finance, le Qatar se montre prêt à y investir 250 millions d’euros.
Or, en conscience, Nicolas Sarkozy ne peut pas ignorer que tantôt directement, tantôt indirectement, le régime qatari finance le terrorisme obscurantiste wahhabite. Interrogé sur ces activités de financeur par RTL le lundi 12 janvier, il a déclaré : « Je n’en ai aucune preuve ». L’intervieweur citant les accusations du gouvernement américain dans ce sens, il a répondu : « vous savez, moi, je suis partisan de l’indépendance de la France ». Problème : Nicolas Sarkozy ne peut pas ignorer que deux anciens dirigeants du renseignement français dressent le même constat sur le Qatar.
Louis Caprioli, ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme à la DST, le dit : le 8 octobre 2012, il déclare ainsi sur C dans l’air que « des Français vont en Tunisie s’entraîner dans des camps djihadistes tunisiens financés par le Qatar, ou en Libye, notamment dans la région de Derna, où des gens s’entraînent avant d’aller faire le djihad en Syrie ». Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, le dit : le même jour, il explique à La Dépêche du Midi, concernant les réseaux islamistes radicaux : « il y a aussi le problème de l’argent qui est alloué par des pays salafistes ». Puis, plus précis : « On n’ose pas parler de l’Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d’alimenter de leurs fonds un certain nombre d’actions préoccupantes ».
Par ailleurs, effectivement, le gouvernement américain le dit lui aussi : le 4 mars 2014, David Cohen, sous-ministre des Finances pour le terrorisme et le renseignement financier, a publiquement constaté que le Qatar laissait opérer sur son territoire les collecteurs de fonds du terrorisme, mentionnant également le Koweït. Revue de référence, Foreign Policy le dit également : le 30 septembre 2014, un article d’investigation d’Elizabeth Dickinson expose qu’en Syrie, le Qatar a directement financé les combattants islamistes parmi les plus radicaux jusqu’en 2013 ; et que depuis, il sous-traite ce financement.
À cela s’ajoute que le Qatar est sponsor notoire du Hamas : pour rappel, à son article 9, la charte de ce mouvement armé palestinien islamiste prévoit l’établissement d’une théocratie. À cela s’ajoute également la bienveillance du régime qatari envers Youssef al-Qaradawi, idéologue islamiste très proche de la famille régnante. Il dispose de sa propre émission de prêche, La Charia et la vie, sur Al-Jazeera. Son courant islamiste, la Wasatiyya, considère entre autres qu’il faut tuer les homosexuels et battre sa femme si elle se montre « fière et rebelle ». Plus grave, en 2003, le Conseil européen de la fatwa et de la recherche qu’il préside a émis une fatwa jugeant conformes au Coran les attentats suicides…
C’est dire si, incidemment, le frère de l’émir du Qatar n’avait décemment pas sa place dans la marche républicaine du 10 janvier.
Nicolas Sarkozy doit donc, de toute évidence, rompre en urgence ses liaisons dangereuses avec le régime qatari. Il y va de la survie de ses ambitions politiques pour l’avenir. Mais surtout, après les attentats qui ont blessé notre pays, il y va de son honneur.
Thomas Guénolé, politologue, enseignant à HEC, tribune publiée dans Le Monde du 14 janvier 2015.
Nicolas Sarkozy est plus qu’un ami pour le régime qatari : il constitue un investissement. Le livre enquête de Vanessa Ratignier et de Pierre Péan est à cet égard édifiant.
En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy obtient la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus par Mouammar Kadhafi, c’est l’émir du Qatar qui paye la Libye. Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy exempte le Qatar de taxation sur les plus-values immobilières en France. Le 11 décembre 2012, c’est au Qatar qu’a lieu son tout premier discours public d’ex-président, pour le Doha Goals, un événement se voulant être « le Davos du sport ». Enfin, selon le Financial Times, lorsque après sa défaite de 2012 il envisage de créer le fonds d’investissement Columbia Investments pour se lancer dans la finance, le Qatar se montre prêt à y investir 250 millions d’euros.
Or, en conscience, Nicolas Sarkozy ne peut pas ignorer que tantôt directement, tantôt indirectement, le régime qatari finance le terrorisme obscurantiste wahhabite. Interrogé sur ces activités de financeur par RTL le lundi 12 janvier, il a déclaré : « Je n’en ai aucune preuve ». L’intervieweur citant les accusations du gouvernement américain dans ce sens, il a répondu : « vous savez, moi, je suis partisan de l’indépendance de la France ». Problème : Nicolas Sarkozy ne peut pas ignorer que deux anciens dirigeants du renseignement français dressent le même constat sur le Qatar.
Louis Caprioli, ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme à la DST, le dit : le 8 octobre 2012, il déclare ainsi sur C dans l’air que « des Français vont en Tunisie s’entraîner dans des camps djihadistes tunisiens financés par le Qatar, ou en Libye, notamment dans la région de Derna, où des gens s’entraînent avant d’aller faire le djihad en Syrie ». Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, le dit : le même jour, il explique à La Dépêche du Midi, concernant les réseaux islamistes radicaux : « il y a aussi le problème de l’argent qui est alloué par des pays salafistes ». Puis, plus précis : « On n’ose pas parler de l’Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d’alimenter de leurs fonds un certain nombre d’actions préoccupantes ».
Par ailleurs, effectivement, le gouvernement américain le dit lui aussi : le 4 mars 2014, David Cohen, sous-ministre des Finances pour le terrorisme et le renseignement financier, a publiquement constaté que le Qatar laissait opérer sur son territoire les collecteurs de fonds du terrorisme, mentionnant également le Koweït. Revue de référence, Foreign Policy le dit également : le 30 septembre 2014, un article d’investigation d’Elizabeth Dickinson expose qu’en Syrie, le Qatar a directement financé les combattants islamistes parmi les plus radicaux jusqu’en 2013 ; et que depuis, il sous-traite ce financement.
À cela s’ajoute que le Qatar est sponsor notoire du Hamas : pour rappel, à son article 9, la charte de ce mouvement armé palestinien islamiste prévoit l’établissement d’une théocratie. À cela s’ajoute également la bienveillance du régime qatari envers Youssef al-Qaradawi, idéologue islamiste très proche de la famille régnante. Il dispose de sa propre émission de prêche, La Charia et la vie, sur Al-Jazeera. Son courant islamiste, la Wasatiyya, considère entre autres qu’il faut tuer les homosexuels et battre sa femme si elle se montre « fière et rebelle ». Plus grave, en 2003, le Conseil européen de la fatwa et de la recherche qu’il préside a émis une fatwa jugeant conformes au Coran les attentats suicides…
C’est dire si, incidemment, le frère de l’émir du Qatar n’avait décemment pas sa place dans la marche républicaine du 10 janvier.
Nicolas Sarkozy doit donc, de toute évidence, rompre en urgence ses liaisons dangereuses avec le régime qatari. Il y va de la survie de ses ambitions politiques pour l’avenir. Mais surtout, après les attentats qui ont blessé notre pays, il y va de son honneur.
Thomas Guénolé, politologue, enseignant à HEC, tribune publiée dans Le Monde du 14 janvier 2015.