Taoufik Baccar, ancien Ministre, Gouverneur de la Banque Centrale et fondateur du Centre de Prospective et d'Etudes sur le Développement (CPED)
La Tunisie passe à la 95ème place dans le dernier rapport sur la compétitivité publié par le Forum de Davos. Elle était au 32ème rang en 2010 ! Une descente inexorable. Les marchés financiers se ferment à moins d'accepter de se mettre sous « garantie » de l’étranger, hier les États Unis et le Japon, demain peut être la Chine ou que sais-je encore. L'Allemagne et bientôt la France et peu à peu toute l'Europe conditionneraient désormais, l’aide à la collaboration des pays à la lutte contre le terrorisme et la Tunisie est directement visée par cette démarche.
Le capital sympathie dont bénéficie notre pays depuis six ans maintenant, en tant qu’entité nationale qui vit une transition politique et qu'il faut soutenir économiquement et financièrement, touche à sa fin comme vient de me le confirmer une grande personnalité de rang international. Autant d'ingrédients qui n'augurent rien de bon pour la chère patrie. Entre temps l’opinion publique est désarçonnée, la presse généralement peu soucieuse des préoccupations réelles du pays et s’adonnant à une course effrénée derrière le sensationnel. Une atomisation de la scène politique et des querelles sans fin.
Certaines personnalités se préparent même à lancer de nouveaux « fonds de commerce », dont l’expérience récente a pourtant démontré les limites. Le gouvernement continue, en l’absence d’un plan de développement digne de ce nom, à fonctionner sans une vision claire ni une démarche ordonnée et stratégique. Les réformes entamées, comme celles des banques publiques ou de la fiscalité, sont vite remises en cause, alors que d’autres souffrent d’un mal de cadence.
Notre pays entame pourtant une année de tous les périls avec un niveau record de remboursement de la dette, une croissance atone, un secteur touristique qui bat de l’aile, des déficits attendus élevés et dont le financement ne sera pas de tout repos. Le premier semestre de l’année 2017 sera particulièrement difficile avec un niveau de réserve de change qui décroit (5,4 Milliards de dollars contre 9 en 2010), une récolte oléicole très modeste et des flux de réserves touristiques extrêmement faibles. De sérieux problèmes de paiements extérieurs risquent de se dresser et ils sont beaucoup plus graves que les problèmes des déficits budgétaires.
Les informations en ma possession confirment qu'une nouvelle mission du FMI aura lieu au mois de février et le pays, comme il en a pris l'habitude ces dernières années, retient déjà son souffle, car des conclusions de cette mission dépendra non seulement le déboursement de la tranche du prêt du FMI, mais également celui des prêts consentis par les autres bailleurs de fonds tels la BIRD, la BAD et autres.
Très vraisemblablement, la Tunisie sera amenée à recourir au marché financier international. Or, compte tenu du cours des événements qui marque aujourd’hui les pays partenaires classiques, France, USA, Allemagne etc., il n'y a d'autre choix que de frapper aux portes de l'Asie, le Japon et la Chine en particulier. Faible de son rating au plus bas, sa dernière dégradation au forum de Davos et sa réputation maintenant faite d'un pays instable et au risque sécuritaire élevé, le pays n'aura hélas d'autre choix que de se mettre sous la « garantie » de ces deux pays et entamera davantage ses capacités souveraines de négocier ses relations bilatérales au mieux de ses intérêts. Nul doute que la Tunisie essayera de tirer le maximum de ces marchés indépendamment du coût car les besoins sont énormes et les temps difficiles. Et c'est probablement la dernière fenêtre de tir qui se présente encore au pays.
Face à cela, le gouvernement ne semble pas s'y résoudre et il n’est de salut que dans l’accélération des réformes : réformer la fonction publique à travers un grand plan de redéploiement du personnel vers les secteurs à besoin: contrôle fiscal, administration régionale, douane, lutte contre l'économie parallèle etc., moyennant des formations adaptées, réinitialisation du mécanisme du congé création d'entreprise, incitations au départ à la retraite et dégraissage du personnel recruté à des fins politiques pour ne pas dire politiciennes.
En deuxième lieu, il importe d’engager la réforme de la retraite dont le déficit atteindra, si les choses continuent, 3 milliards de dinars en 2020, et 2020 c'est demain, initier une véritable réforme fiscale qui ne bride pas l'activité et renforce l’équité fiscale et faire voter la loi sur la réconciliation économique, seule à même de remettre l'Administration, les entreprises publiques, les banques et les hommes d'affaire au travail et à l’initiative. En dehors de cela, point de salut.
Taoufik Baccar, ancien Ministre, Gouverneur de la Banque Centrale et fondateur du Centre de Prospective et d'Etudes sur le Développement (CPED), le 18 janvier 2017
Site officiel du CPED :
http://www.cped.tn/
Le capital sympathie dont bénéficie notre pays depuis six ans maintenant, en tant qu’entité nationale qui vit une transition politique et qu'il faut soutenir économiquement et financièrement, touche à sa fin comme vient de me le confirmer une grande personnalité de rang international. Autant d'ingrédients qui n'augurent rien de bon pour la chère patrie. Entre temps l’opinion publique est désarçonnée, la presse généralement peu soucieuse des préoccupations réelles du pays et s’adonnant à une course effrénée derrière le sensationnel. Une atomisation de la scène politique et des querelles sans fin.
Certaines personnalités se préparent même à lancer de nouveaux « fonds de commerce », dont l’expérience récente a pourtant démontré les limites. Le gouvernement continue, en l’absence d’un plan de développement digne de ce nom, à fonctionner sans une vision claire ni une démarche ordonnée et stratégique. Les réformes entamées, comme celles des banques publiques ou de la fiscalité, sont vite remises en cause, alors que d’autres souffrent d’un mal de cadence.
Notre pays entame pourtant une année de tous les périls avec un niveau record de remboursement de la dette, une croissance atone, un secteur touristique qui bat de l’aile, des déficits attendus élevés et dont le financement ne sera pas de tout repos. Le premier semestre de l’année 2017 sera particulièrement difficile avec un niveau de réserve de change qui décroit (5,4 Milliards de dollars contre 9 en 2010), une récolte oléicole très modeste et des flux de réserves touristiques extrêmement faibles. De sérieux problèmes de paiements extérieurs risquent de se dresser et ils sont beaucoup plus graves que les problèmes des déficits budgétaires.
Les informations en ma possession confirment qu'une nouvelle mission du FMI aura lieu au mois de février et le pays, comme il en a pris l'habitude ces dernières années, retient déjà son souffle, car des conclusions de cette mission dépendra non seulement le déboursement de la tranche du prêt du FMI, mais également celui des prêts consentis par les autres bailleurs de fonds tels la BIRD, la BAD et autres.
Très vraisemblablement, la Tunisie sera amenée à recourir au marché financier international. Or, compte tenu du cours des événements qui marque aujourd’hui les pays partenaires classiques, France, USA, Allemagne etc., il n'y a d'autre choix que de frapper aux portes de l'Asie, le Japon et la Chine en particulier. Faible de son rating au plus bas, sa dernière dégradation au forum de Davos et sa réputation maintenant faite d'un pays instable et au risque sécuritaire élevé, le pays n'aura hélas d'autre choix que de se mettre sous la « garantie » de ces deux pays et entamera davantage ses capacités souveraines de négocier ses relations bilatérales au mieux de ses intérêts. Nul doute que la Tunisie essayera de tirer le maximum de ces marchés indépendamment du coût car les besoins sont énormes et les temps difficiles. Et c'est probablement la dernière fenêtre de tir qui se présente encore au pays.
Face à cela, le gouvernement ne semble pas s'y résoudre et il n’est de salut que dans l’accélération des réformes : réformer la fonction publique à travers un grand plan de redéploiement du personnel vers les secteurs à besoin: contrôle fiscal, administration régionale, douane, lutte contre l'économie parallèle etc., moyennant des formations adaptées, réinitialisation du mécanisme du congé création d'entreprise, incitations au départ à la retraite et dégraissage du personnel recruté à des fins politiques pour ne pas dire politiciennes.
En deuxième lieu, il importe d’engager la réforme de la retraite dont le déficit atteindra, si les choses continuent, 3 milliards de dinars en 2020, et 2020 c'est demain, initier une véritable réforme fiscale qui ne bride pas l'activité et renforce l’équité fiscale et faire voter la loi sur la réconciliation économique, seule à même de remettre l'Administration, les entreprises publiques, les banques et les hommes d'affaire au travail et à l’initiative. En dehors de cela, point de salut.
Taoufik Baccar, ancien Ministre, Gouverneur de la Banque Centrale et fondateur du Centre de Prospective et d'Etudes sur le Développement (CPED), le 18 janvier 2017
Site officiel du CPED :
http://www.cped.tn/