L’irruption dans nos murs de l’agitateur islamo-atlantiste patenté et chantre de la nouvelle droite française, Bernard-Henri Lévy, a fait des remous. La mobilisation citoyenne a été prompte et décisive. Les autorités ont réagi et l’auraient considéré persona non grata tout en lui enjoignant de plier bagage et rentrer en France. Il était venu avant-hier en fin de soirée, sur la pointe des pieds, rasant les murs, ou presque. Mais le choc n’en fut pas moins brutal.
Arrivé via le vol de Paris, il a eu droit à un comité d’accueil hostile, et a dû être exfiltré par des portes dérobées. Dieu sait par qui. N’empêche, la société civile tunisienne s’est mobilisée. Les intellectuels et faiseurs d’opinion aussi. C’est que, chez nous, Bernard-Henri Lévy a une bien triste réputation. D’Irak au Soudan, de Syrie en Libye, via Gaza et le Liban, il est l’abonné pour ainsi dire de tous les coups tordus et autres manigances meurtrières fomentées dans le monde arabe. En même temps, il se distingue par son support inconditionnel de l’armée d’occupation israélienne et de ses expéditions meurtrières dans les territoires occupés palestiniens et libanais notamment. En 2011, il a fait bloc avec le président français Sarkozy pour occuper la Libye et renverser le régime de Kadhafi. Avec l’appui des Qataris, des Turcs, des Américains et des forces de l’Otan. On le voyait alors sur les écrans français, calfeutré dans quelque bunker ou à ciel ouvert à Benghazi, prônant le bombardement de tel ou tel quartier de Tripoli. Des bombardements qui avaient coûté la vie à des milliers de civils libyens.
Bernard-Henri Lévy a campé des postures analogues, caméras de télé à l’appui, au Pakistan, en Afghanistan, en Irak et ailleurs. En 2006, il avait soutenu la guerre israélienne au Liban et avait commis des articles dans le journal Le Monde à cet effet.
Et puis le voilà en Tunisie, étrangement, à la veille de l’élection présidentielle et moins d’une semaine après les élections législatives. La coïncidence ne serait guère fortuite. Une première pour Bernard-Henri Lévy qui s’était tenu jusqu’ici à l’écart de la scène tunisienne, du moins apparemment.
Entretemps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la révolution. La clochardisation des institutions est telle que la Tunisie est devenue la Mecque de tous les comploteurs et zélateurs de la planète. On y entre et on en ressort comme dans un moulin. Les gouvernements de la Troïka sortante ont encouragé la venue des prédicateurs wahabites de la haine de tout poil. Les chefs de réseaux de recrutement et d’embrigadement de nos jeunes pour les organisations terroristes en Libye, Syrie et Irak ont évolué comme un poisson dans l’eau chez nous. En toute impunité. Voire moyennant des complicités en haut lieu. Des fauteurs de guerre comme le néoconservateur américain McCain ont été accueillis à bras ouverts. Sa fameuse accolade chaleureuse avec Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement et secrétaire général du mouvement Ennahdha, est restée dans les annales.
L’ampleur de la mobilisation citoyenne contre la venue de Bernard-Henri Lévy en a étonné plus d’un. La société civile tunisienne est particulièrement dynamique et attentive aux questions de souveraineté. Aux dernières nouvelles, Bernard-Henri Lévy a été prié de plier bagage et quitter la Tunisie par le premier vol vers Paris. Le gouvernement tunisien a ouvert une enquête pour déterminer la partie qui a invité l’agitateur politique et militaire français sans en référer aux autorités. Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement, serait même courroucé. On dit que la visite a été fomentée secrètement par des parties impliquées dans la guerre civile libyenne. Des noms de courtiers malhonnêtes tunisiens et étrangers circulent. Parmi eux, le membre du bureau politique d’un parti politique tunisien et un Libyen ayant également la nationalité américaine et négociant en armes. Les services de renseignements n’ont rien vu. Etrangement.
Le billet d’avion de Bernard-Henri Lévy a été payé depuis Tunis. Les frais de son séjour également, à l’hôtel The Residence, à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis, où une chambre a été réservée en son nom jusqu’à jeudi prochain.
Sa visite impromptue en Tunisie comprenait, croit-on savoir, une tournée à Bizerte, Hammamet et Sfax. D’où des interrogations sérieuses sur les réseaux tunisiens suppôts de Bernard-Henri Lévy et leurs desseins secrets. Un attentat au processus démocratique en cours sous nos cieux n’est pas à exclure. On craint aussi des accointances avec les nébuleuses terroristes agissant en Tunisie, en Libye et en Algérie, moyennant des soutiens de pays du Golfe. Une visite qui sent le soufre en somme.
Encore une fois, le laxisme de l’establishment envers tout ce qui attente à la souveraineté tunisienne déroute. Et le silence du président de la République à ce propos est pour le moins estomaquant.
Soufiane Ben Farhat, journaliste et écrivain tunisien. Article déjà publié dans le quotidien La Presse le 2 novembre 2014.
Arrivé via le vol de Paris, il a eu droit à un comité d’accueil hostile, et a dû être exfiltré par des portes dérobées. Dieu sait par qui. N’empêche, la société civile tunisienne s’est mobilisée. Les intellectuels et faiseurs d’opinion aussi. C’est que, chez nous, Bernard-Henri Lévy a une bien triste réputation. D’Irak au Soudan, de Syrie en Libye, via Gaza et le Liban, il est l’abonné pour ainsi dire de tous les coups tordus et autres manigances meurtrières fomentées dans le monde arabe. En même temps, il se distingue par son support inconditionnel de l’armée d’occupation israélienne et de ses expéditions meurtrières dans les territoires occupés palestiniens et libanais notamment. En 2011, il a fait bloc avec le président français Sarkozy pour occuper la Libye et renverser le régime de Kadhafi. Avec l’appui des Qataris, des Turcs, des Américains et des forces de l’Otan. On le voyait alors sur les écrans français, calfeutré dans quelque bunker ou à ciel ouvert à Benghazi, prônant le bombardement de tel ou tel quartier de Tripoli. Des bombardements qui avaient coûté la vie à des milliers de civils libyens.
Bernard-Henri Lévy a campé des postures analogues, caméras de télé à l’appui, au Pakistan, en Afghanistan, en Irak et ailleurs. En 2006, il avait soutenu la guerre israélienne au Liban et avait commis des articles dans le journal Le Monde à cet effet.
Et puis le voilà en Tunisie, étrangement, à la veille de l’élection présidentielle et moins d’une semaine après les élections législatives. La coïncidence ne serait guère fortuite. Une première pour Bernard-Henri Lévy qui s’était tenu jusqu’ici à l’écart de la scène tunisienne, du moins apparemment.
Entretemps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la révolution. La clochardisation des institutions est telle que la Tunisie est devenue la Mecque de tous les comploteurs et zélateurs de la planète. On y entre et on en ressort comme dans un moulin. Les gouvernements de la Troïka sortante ont encouragé la venue des prédicateurs wahabites de la haine de tout poil. Les chefs de réseaux de recrutement et d’embrigadement de nos jeunes pour les organisations terroristes en Libye, Syrie et Irak ont évolué comme un poisson dans l’eau chez nous. En toute impunité. Voire moyennant des complicités en haut lieu. Des fauteurs de guerre comme le néoconservateur américain McCain ont été accueillis à bras ouverts. Sa fameuse accolade chaleureuse avec Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement et secrétaire général du mouvement Ennahdha, est restée dans les annales.
L’ampleur de la mobilisation citoyenne contre la venue de Bernard-Henri Lévy en a étonné plus d’un. La société civile tunisienne est particulièrement dynamique et attentive aux questions de souveraineté. Aux dernières nouvelles, Bernard-Henri Lévy a été prié de plier bagage et quitter la Tunisie par le premier vol vers Paris. Le gouvernement tunisien a ouvert une enquête pour déterminer la partie qui a invité l’agitateur politique et militaire français sans en référer aux autorités. Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement, serait même courroucé. On dit que la visite a été fomentée secrètement par des parties impliquées dans la guerre civile libyenne. Des noms de courtiers malhonnêtes tunisiens et étrangers circulent. Parmi eux, le membre du bureau politique d’un parti politique tunisien et un Libyen ayant également la nationalité américaine et négociant en armes. Les services de renseignements n’ont rien vu. Etrangement.
Le billet d’avion de Bernard-Henri Lévy a été payé depuis Tunis. Les frais de son séjour également, à l’hôtel The Residence, à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis, où une chambre a été réservée en son nom jusqu’à jeudi prochain.
Sa visite impromptue en Tunisie comprenait, croit-on savoir, une tournée à Bizerte, Hammamet et Sfax. D’où des interrogations sérieuses sur les réseaux tunisiens suppôts de Bernard-Henri Lévy et leurs desseins secrets. Un attentat au processus démocratique en cours sous nos cieux n’est pas à exclure. On craint aussi des accointances avec les nébuleuses terroristes agissant en Tunisie, en Libye et en Algérie, moyennant des soutiens de pays du Golfe. Une visite qui sent le soufre en somme.
Encore une fois, le laxisme de l’establishment envers tout ce qui attente à la souveraineté tunisienne déroute. Et le silence du président de la République à ce propos est pour le moins estomaquant.
Soufiane Ben Farhat, journaliste et écrivain tunisien. Article déjà publié dans le quotidien La Presse le 2 novembre 2014.