Habib Bourguiba avec Béji Caïd Essebsi alors ministre des Affaires étrangères.
La Tunisie a élu son nouveau président, Béji Caïd Essebsi, espoir de tous les traumatisés de l'expérience islamiste. Un nouveau départ dans le sillage du père fondateur de l'Etat tunisien, Habib Bourguiba.
Chapeau ! En quatre ans - la révolution a commencé en décembre 2010 - la Tunisie s'est offert successivement un renversement de régime qui a inauguré le tremblement de terre arabe, une expérience islamiste d'abord enthousiaste puis calamiteuse, un nouveau renversement de régime, pacifique, et enfin une consultation démocratique qui a remis en selle non pas « l'ancien régime » comme le susurraient les médias parisiens toujours à la rescousse des islamistes, mais la véritable réforme politico-civilisationnelle inaugurée jadis par Habib Bourguiba.
Le nouveau président, Béji Caïd Essebsi, a certes 88 ans mais ce n'est pas pour un vieillard qu'ont voté les 55,68 % d'électeurs qui lui ont assuré la victoire face au très agité et manipulateur Moncef Marzouki, adoubé par les islamistes (hélas aussi par les Européens bêlants) et champion toutes catégories de la contre-vérité. Ce n'est pas pour un passé qui ne reviendra plus : le ben alisme du beni oui ouisme. C'est pour une expérience dont le monde arabe a voulu liquider l'intelligence, la jeunesse, la fraîcheur et qui, amplifiée, étendue à d'autres pays, lui aurait assuré le progrès, la modernité et la citoyenneté. Cette expérience a été menée jadis par un homme politique de génie, Habib Bourguiba. C'est en raison des racines qu'il avait planté solidement dans le terreau spirituel tunisien que Carthage, ces dernières années, n'a pas été détruite par la barbarie qui ravage ses voisins proches et lointains.
La vigueur de l'expérience a été interrompue par la volonté de Ben Ali et de ses sbires, quand ils ont invoqué la maladie pour destituer Bourguiba, déjà coupé de ses héritiers potentiels par un système policier machiavélique. Le grand réformateur arabe avait deux types d'ennemis : le dictateur au petit pied, comme celui qui lui a succédé, et l'islamiste qui voyait avec le bourguibisme s'achever le règne de l'obscurantisme et du mépris. A commencer par le mépris de la femme. J'ai déjà rappelé à de nombreuses reprises les appels au meurtre de Bourguiba lancés naguère depuis les minarets saoudiens, lesquels ont protégé les islamistes tunisiens en fuite et accordent aujourd'hui un touchant réconfort à Ben Ali et à sa chère Leila, métamorphosée sous un voile pudique...
Il était logique que l'immense travail d'ouverture à la modernité accompli par Bourguiba, patriote qui avait à la fois défié la France et intégré ses valeurs universalistes, soit combattu par ces deux formes du mensonge politique et culturel que sont la dictature des imbéciles et la tyrannie des bigots. La Tunisie est passée par ces deux phases successives et son organisme, immunisé par la médecine bourguibienne, les a successivement rejetées.
Elle reprend aujourd'hui sa croissance au point où on avait tenté de l'interrompre. Ce n'est pas à un vieil homme qu'elle a donné sa confiance mais à la jeunesse de l'idéal qu'il promet de revivifier. Cela, nos bons médias aux ordres de toutes les bien-pensances, se sont bien gardés d'y réfléchir et de l'écrire en faisant l'effort de revisiter la passionnante histoire tunisienne. Ils ont répercuté comme des perroquets la fausse alternative présentée, selon eux, aux électeurs par Béji Caïd Essebsi : le « retour à l'ancien régime »...
Pourquoi ? Parce que l'expérience de Bourguiba, en ce qu'elle recélait de potentialités pour un peuple arabe et musulman, dérangeait énormément. Parce que la liberté de conscience, de culte, l'appel à s'affranchir de tous les fanatismes, était totalement révolutionnaire dans les années 1960. Et il le reste d'autant plus aujourd'hui, à l'heure du pseudo-califat des égorgeurs et des invites à l'extermination de tout ce qui n'est pas eux.
Béji Caïd Essebsi est le président de cette Tunisie dont la jeunesse et l'ardeur intellectuelle veulent refleurir. A ce qu'il représente et à ce qui recommence avec le peuple qui l'a élu, bonne chance !
Martine Gozlan, Marianne du 22 décembre 2014
Chapeau ! En quatre ans - la révolution a commencé en décembre 2010 - la Tunisie s'est offert successivement un renversement de régime qui a inauguré le tremblement de terre arabe, une expérience islamiste d'abord enthousiaste puis calamiteuse, un nouveau renversement de régime, pacifique, et enfin une consultation démocratique qui a remis en selle non pas « l'ancien régime » comme le susurraient les médias parisiens toujours à la rescousse des islamistes, mais la véritable réforme politico-civilisationnelle inaugurée jadis par Habib Bourguiba.
Le nouveau président, Béji Caïd Essebsi, a certes 88 ans mais ce n'est pas pour un vieillard qu'ont voté les 55,68 % d'électeurs qui lui ont assuré la victoire face au très agité et manipulateur Moncef Marzouki, adoubé par les islamistes (hélas aussi par les Européens bêlants) et champion toutes catégories de la contre-vérité. Ce n'est pas pour un passé qui ne reviendra plus : le ben alisme du beni oui ouisme. C'est pour une expérience dont le monde arabe a voulu liquider l'intelligence, la jeunesse, la fraîcheur et qui, amplifiée, étendue à d'autres pays, lui aurait assuré le progrès, la modernité et la citoyenneté. Cette expérience a été menée jadis par un homme politique de génie, Habib Bourguiba. C'est en raison des racines qu'il avait planté solidement dans le terreau spirituel tunisien que Carthage, ces dernières années, n'a pas été détruite par la barbarie qui ravage ses voisins proches et lointains.
La vigueur de l'expérience a été interrompue par la volonté de Ben Ali et de ses sbires, quand ils ont invoqué la maladie pour destituer Bourguiba, déjà coupé de ses héritiers potentiels par un système policier machiavélique. Le grand réformateur arabe avait deux types d'ennemis : le dictateur au petit pied, comme celui qui lui a succédé, et l'islamiste qui voyait avec le bourguibisme s'achever le règne de l'obscurantisme et du mépris. A commencer par le mépris de la femme. J'ai déjà rappelé à de nombreuses reprises les appels au meurtre de Bourguiba lancés naguère depuis les minarets saoudiens, lesquels ont protégé les islamistes tunisiens en fuite et accordent aujourd'hui un touchant réconfort à Ben Ali et à sa chère Leila, métamorphosée sous un voile pudique...
Il était logique que l'immense travail d'ouverture à la modernité accompli par Bourguiba, patriote qui avait à la fois défié la France et intégré ses valeurs universalistes, soit combattu par ces deux formes du mensonge politique et culturel que sont la dictature des imbéciles et la tyrannie des bigots. La Tunisie est passée par ces deux phases successives et son organisme, immunisé par la médecine bourguibienne, les a successivement rejetées.
Elle reprend aujourd'hui sa croissance au point où on avait tenté de l'interrompre. Ce n'est pas à un vieil homme qu'elle a donné sa confiance mais à la jeunesse de l'idéal qu'il promet de revivifier. Cela, nos bons médias aux ordres de toutes les bien-pensances, se sont bien gardés d'y réfléchir et de l'écrire en faisant l'effort de revisiter la passionnante histoire tunisienne. Ils ont répercuté comme des perroquets la fausse alternative présentée, selon eux, aux électeurs par Béji Caïd Essebsi : le « retour à l'ancien régime »...
Pourquoi ? Parce que l'expérience de Bourguiba, en ce qu'elle recélait de potentialités pour un peuple arabe et musulman, dérangeait énormément. Parce que la liberté de conscience, de culte, l'appel à s'affranchir de tous les fanatismes, était totalement révolutionnaire dans les années 1960. Et il le reste d'autant plus aujourd'hui, à l'heure du pseudo-califat des égorgeurs et des invites à l'extermination de tout ce qui n'est pas eux.
Béji Caïd Essebsi est le président de cette Tunisie dont la jeunesse et l'ardeur intellectuelle veulent refleurir. A ce qu'il représente et à ce qui recommence avec le peuple qui l'a élu, bonne chance !
Martine Gozlan, Marianne du 22 décembre 2014