Longtemps feutrés, les désaccords au sein de l'exécutif sur le délicat dossier des biens et sociétés confisqués lors de la chute du régime Ben Ali s'étalent désormais au grand jour.
Les deux ministres en pointe sur ce dossier ont ainsi tenu deux événements distincts, le 15 novembre. Tandis que le ministre des finances Elyès Fakhfakh réunissait banquiers et hommes d'affaires pour une journée d'information sur les travaux de la Commission de gestion des sociétés et biens confisqués (qu'il préside) à l'Hôtel Africa, son homologue chargé des domaines de l'Etat Slim Ben Hmidane conviait la presse au siège du gouvernement pour résumer les actions de la Commission de confiscation, placée sous son autorité. Derrière ce télescopage calendaire pointent des divergences profondes.
Selon nos sources, Slim Ben Hmidane veut lancer un nouveau round de confiscations, allongeant la liste des personnalités visées pour leurs liens avec le clan de l'ex-président. L'idée n'est pas totalement nouvelle mais elle n'a pas les faveurs d'Elyès Fakhfakh, qui préconise, au nom de la protection de l'économie, de favoriser les transactions amiables avec les entrepreneurs suspectés. Véritable maître des dossiers économiques, le ministre conseiller auprès du premier ministre Noureddine Bhiri n'a pas encore arbitré. Partisan d'une ligne "dure", ce Nahdaoui pure souche sait toutefois faire des exceptions, comme dans le cas du gendre de Ben Ali, Marouane Mabrouk.
La gestion des avoirs déjà confisqués est tout aussi chaotique. Selon nos sources, la Commission de gestion s'émeut de la désobéissance de certains administrateurs judiciaires placés à la tête de sociétés confisquées. Elyès Fakhfakh a même chargé le Contrôle général des finances d'enquêter sur d'éventuelles malversations… Enfin, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), jeune institution qui s'est vu confier la gestion des "pépites" parmi les biens confisqués, pourrait être tentée de jouer sa propre partition. Elle a certes été placée sous la tutelle du ministre des finances, mais ses dirigeants ont des liens avec l'ancien régime… et avec le principal parti d'opposition Nidaa Tounes.
Tout est à vendre… mais quand ? Pour le ministre des finances Elyès Fakhfakh, la cause est entendue : à l'exception de certaines participations "stratégiques" - dans Tunisie sucre et Carthage Cement -, toutes les entreprises et biens confisqués aux proches de Zine El Abidine Ben Ali sont destinés à être vendus. Il espère retirer près de 600 millions d'euros de ces opérations en 2014. Elyès Fakhfakh veut cependant se hâter lentement : un trop grand nombre de cessions risquerait de déséquilibrer le marché financier, et celui de l'immobilier de luxe (200 appartements et villas haut de gamme sont entre les mains de l'Etat).
De nombreux députés, dans les rangs d'Ennahda notamment, le pressent au contraire d'aller le plus vite possible pour renflouer le budget de l'Etat. Les télécoms en suspens. Les participations de l'Etat dans Tunisiana (10%) et Orange Tunisie (51%) seront aussi mises à l'encan, à condition de trouver des opérateurs intéressés. Il faudra cependant trancher le sort des 26% d'Orange détenus par Marouane Mabrouk, toujours placés sous séquestre (MC nº1023), alors que les actions au nom de son épouse Cyrine Ben Ali (25%) ont été confisquées.TunisieSecret
Maghreb Confidentiel No 1087, du 21 novembre 2013
Les deux ministres en pointe sur ce dossier ont ainsi tenu deux événements distincts, le 15 novembre. Tandis que le ministre des finances Elyès Fakhfakh réunissait banquiers et hommes d'affaires pour une journée d'information sur les travaux de la Commission de gestion des sociétés et biens confisqués (qu'il préside) à l'Hôtel Africa, son homologue chargé des domaines de l'Etat Slim Ben Hmidane conviait la presse au siège du gouvernement pour résumer les actions de la Commission de confiscation, placée sous son autorité. Derrière ce télescopage calendaire pointent des divergences profondes.
Selon nos sources, Slim Ben Hmidane veut lancer un nouveau round de confiscations, allongeant la liste des personnalités visées pour leurs liens avec le clan de l'ex-président. L'idée n'est pas totalement nouvelle mais elle n'a pas les faveurs d'Elyès Fakhfakh, qui préconise, au nom de la protection de l'économie, de favoriser les transactions amiables avec les entrepreneurs suspectés. Véritable maître des dossiers économiques, le ministre conseiller auprès du premier ministre Noureddine Bhiri n'a pas encore arbitré. Partisan d'une ligne "dure", ce Nahdaoui pure souche sait toutefois faire des exceptions, comme dans le cas du gendre de Ben Ali, Marouane Mabrouk.
La gestion des avoirs déjà confisqués est tout aussi chaotique. Selon nos sources, la Commission de gestion s'émeut de la désobéissance de certains administrateurs judiciaires placés à la tête de sociétés confisquées. Elyès Fakhfakh a même chargé le Contrôle général des finances d'enquêter sur d'éventuelles malversations… Enfin, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), jeune institution qui s'est vu confier la gestion des "pépites" parmi les biens confisqués, pourrait être tentée de jouer sa propre partition. Elle a certes été placée sous la tutelle du ministre des finances, mais ses dirigeants ont des liens avec l'ancien régime… et avec le principal parti d'opposition Nidaa Tounes.
Tout est à vendre… mais quand ? Pour le ministre des finances Elyès Fakhfakh, la cause est entendue : à l'exception de certaines participations "stratégiques" - dans Tunisie sucre et Carthage Cement -, toutes les entreprises et biens confisqués aux proches de Zine El Abidine Ben Ali sont destinés à être vendus. Il espère retirer près de 600 millions d'euros de ces opérations en 2014. Elyès Fakhfakh veut cependant se hâter lentement : un trop grand nombre de cessions risquerait de déséquilibrer le marché financier, et celui de l'immobilier de luxe (200 appartements et villas haut de gamme sont entre les mains de l'Etat).
De nombreux députés, dans les rangs d'Ennahda notamment, le pressent au contraire d'aller le plus vite possible pour renflouer le budget de l'Etat. Les télécoms en suspens. Les participations de l'Etat dans Tunisiana (10%) et Orange Tunisie (51%) seront aussi mises à l'encan, à condition de trouver des opérateurs intéressés. Il faudra cependant trancher le sort des 26% d'Orange détenus par Marouane Mabrouk, toujours placés sous séquestre (MC nº1023), alors que les actions au nom de son épouse Cyrine Ben Ali (25%) ont été confisquées.TunisieSecret
Maghreb Confidentiel No 1087, du 21 novembre 2013