Tunisie: disparition mystérieuse du procureur général Marouene Bouguerra


5 Juin 2013

Selon nos sources, le lieutenant-colonel Marouene Bouguerra, procureur général à la direction de la Justice militaire aurait été victime d’un infarctus il y a juste un mois. Il n’en est pas mort mais serait « quelque part à se faire soigner ». L'enquête préliminaire de Tunisie-Secret.


Il s’agit en effet d’une disparition mystérieuse. Selon nos sources, le lieutenant-colonel Marouene Bouguerra, procureur général à la direction de la Justice militaire chargé du dossier très sensible des morts déplorés lors des événements de la « révolution du jasmin », a été victime d’un infarctus il y a juste un mois. Il n’en est pas mort mais serait « quelque part à se faire soigner ».

Décidemment, depuis janvier 2011, il y a en Tunisie trop de victimes d’infarctus ! Tarek Mekki, fondateur du Mouvement pour la deuxième république, décédé à Hammamet le 31 décembre 2012 ;  Abdelfattah Amor, président de la Commission nationale d’investigation sur la corruption et la malversation (CNICM), décédé le 2 janvier 2012, un mois après la remise de son rapport en novembre 2011 ; Faouzi Ben Mrad, décédé le 6 avril 2013, avocat qui a été chargé par Farhat Rajhi de plaider pour la dissolution du RCD et qui a été aussi le président du comité de défense de Chokri Belaïd…

Toujours selon nos sources, Marouene Bouguerra se plaignait ces trois derniers mois de subir des pressions énormes au sujet des dossiers dont il est en charge, à savoir les morts déplorés uniquement entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011. Ces pressions viendraient, selon certains , du général Rachid Ammar, dont le lieutenant-colonel Bouguerra n’a jamais été un proche. Il était plutôt proche du général Ahmed Chabir, qui a été mis à la retraite il y a déjà quelques mois et qui serait depuis étroitement surveillé.

Il faut rappeler que c’est durant l’été 2011 que ces affaires graves sur les morts de la « révolutions », sur les anciens ministres ou hauts responsables à qui l’on veut faire porter le chapeau, et sur les fameux snipers, ont été transféré de la Justice civile vers la Justice militaire. C’est à ce titre que le lieutenant-colonel Marouene Bouguerra a été désigné procureur général à la direction du tribunal militaire. En janvier 2011, c’est lui qui a mené les interrogatoires des snipers qui ont été arrêté. Il était au début opposé à l’idée de cacher la vérité sur les snipers, surtout après l’assassinat des trois militaires à Bizerte, le 18 janvier 2011, dont on avait dit qu’ils ont été tués par des snipers, alors que la mère de l’un de ces militaires avait affirmé qu’ils ont été exécutés par des militaires, dans un bateau en pleine mer !

Mais en août 2011, sa position a relativement changé. Lors de la réunion périodique avec les médias, tenue vendredi 19 aout au premier ministère, il a affirmé l’existence des snipers en indiquant –d’où le changement- que les enquêtes ont révélé l’implication d’agents du ministère de l’Intérieur dans ces meurtres. Dans cette conférence, il avait précisé que «ceux qui ont tiré sur des manifestants sont des agents de la sécurité ayant porté des cagoules. Ils ont tiré dans des endroits mortels tels que la tête, le cou et la poitrine». Selon Marouenne Bouguerra, «Parmi les accusés pour meurtre, l’ancien président et deux de ses ministres de l’Intérieur, qui ont donné l’ordre de tuer pendant la période du 17 décembre et le 14 janvier». L’allusion à Rafik Belhaj Kacem et à Ahmed Friaa était évidente et allait dans le sens de la thèse que le général Ammar voulait accréditer !
 
Que s’est-il donc passé depuis ? Y a-t-il eu mésentente ou conflit entre le général Ammar et le lieutenant-colonel Bouguerra ? Dépressif et sous tension, celui-ci est-il devenu incontrôlable ? L’AVC qu’il a fait est quasiment une certitude, mais à quoi est dû ce malaise et où se trouve actuellement Marouene Bouguerra ? Pourquoi personne n’en a parlé jusqu’aux révélations, ce 3 juin, du jeune bloggeur Yassine Ayari. L’affaire reste mystérieuse, mais pas pour longtemps !
Tunisie-Secret.com
Karim Zmerli