Sami Fehri, premier journaliste emprisonné sous la démocrature islamiste


11 Juillet 2013

C’est demain, vendredi 12 juillet, que se déroulera l’interminable procès de Sami Fehri, qui est en prison depuis bientôt une année. Le calvaire de ce journaliste et producteur prendra t-il fin, et est-ce qu’un terme sera mis à ce scandale à la fois politique, juridique et financier ? Serait-ce la fuite en avant d’un pouvoir discrédité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ou l’arrêt d’une injustice qui n’a que trop longtemps durée ?


Pour avoir été les tous premiers à défendre les prisonniers politiques lorsque d’autres pratiquaient l’omerta et la basse vengeance, nous sommes ravis par les dernières libérations, notamment celles de Mohamed Gariani, d’Abdallah Kallel, de Boubakher Lakhzouri et de Mahmoud Bellalouna. Tous ont été arbitrairement arrêtés et jetés en prison. Mais Tunisie-Secret n’oublie pas les centaines d’autres prisonniers politiques, connus ou anonymes, qui ont été emprisonné au nom de la pseudo-révolution du jasmin. Ce soir, une fois de plus, le cas de Sami Fehri.

Son avocat, maître Abdelaziz Essid a annoncé aujourd’hui, à la radio Mosaïque FM, que son client comparaitra ce vendredi devant la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis. Il s’agit du procès faisant suite à la plainte de la Télévision nationale contre la société Cactus Prod, dont 49% du capital appartient à Sami Fehri et 51% à l’Etat, anciennement au voyou Belhassen Trabelsi.

Chronologie d’une parodie de justice 

24/08/2012 : La chambre d'accusation de la cour d'appel de Tunis émet un mandat de dépôt à l’encontre de Sami Fehri, accusé d'usage illicite des ressources de l'Établissement de la télévision tunisienne.
30/08/2012 : Sami Fehri  se rend aux autorités de son plein grès. 
28/11/2012 : La Cour de cassation ordonne la libération de Sami Fehri. Une décision rejetée par le parquet expliquant que la cassation n'est pas concerné par le mandat de dépôt.
13/12/2012 : La demande de libération provisoire  de Sami Fehri rejetée par la Chambre des mises en accusation à la Cour d’Appel de Tunis.
18/12/2012 : Sami Fehri entame une grève de la faim à la prison civile de Mornaguia.
19/12/2012 : Sami Fehri accepte, après avoir rencontré les deux députés Iyed Dahmani et Issam Chebbi, de suspendre sa grève de la faim pendant quatre jours.
22/12/2012 : Sami Fehri reprend  à nouveau sa grève de la faim sauvage après les déclarations du ministre de la justice à l’époque, Noureddine Bhiri.
29/12/2012 : Sami Fehri décide de suspendre sa grève de la faim sauvage à la suite d’une rencontre entre son épouse et le chef du gouvernement, Hamadi Jebali.
05/04/2013 : La cour de cassation décide de casser le verdict de la chambre d'accusation de la cour d'appel portant sur l'emprisonnement et l'inculpation du patron de Cactus Prod. La décision est, une nouvelle fois, rejetée.
24/04/2013 : La chambre d’accusation au sein de la cour d’appel rejette la demande de libération de Sami Fehri et décide de transférer l’affaire à la chambre criminelle du tribunal de 1ère instance de Tunis.
12/06/2013 : La chambre d'accusation du tribunal de première d'instance de Tunis émet un mandat de dépôt à l'encontre de Sami Fehri, présumé impliqué dans une affaire de contrats publicitaire « suspects » pour la poste.
01/07/2013 : Alors que l’opinion publique fête déjà sa sortie de prison, la cour de cassation refuse la libération de Sami Fehri et rejette le recours introduit par ses avocats.

Et pendant ces longs onze mois, la mère, l’épouse, les enfants, les proches et les nombreux amis de Sami Fehri pleurent le calvaire de l'enfant prodige et du bouc-émissaire des nouveaux clans mafieux au pouvoir. Le 19 décembre 2012, du fond de sa prison, Sami Fehri avait adressé une lettre émouvante et digne à l'indigne ministre islamiste de la Justice, le Frère Freedom House, Noureddine Bhiri. Ponctuée à chaque phrase par "je vous félicite monsieur le ministre", Sami Fehri montrait à l'opinion publique tunisienne que la Liberté qu'exprime un prisonnier est plus vaillante et puissante que la liberté dont se gargarisent certains ministres de la démocrature islamiste (voir vidéo).   
 
Nous avons déjà écrit, et ce n’est un secret pour personne, que sous le règne des familles, il n’y avait pas un projet qui se montait, pas une affaire qui se concluait, sans que l’un des membres du clan mafieux n’y mettait son nez pour prélever sa « part » ou entrer dans le capital de gré ou de force. Les Trabelsi, les Mabrouk, les Chiboub, les Matéri…tous profitaient de ce système dont les hommes d’affaires tunisiens comme étrangers avaient accepté les règles « déontologiques » !

Sami Fehri devait se soumettre ou disparaitre. Entrepreneur et créateur, il avait lancé son affaire avec le partenaire qu’on lui a imposé. Lorsque Belhassen Trabelsi s’est évadé au Canada, c’est son partenaire et néanmoins victime qu’on a jeté en prison. Mais il n’y avait pas que l’extrême droite islamiste et l’extrême gauche populiste à exiger la tête de Sami Fehri, au nom du « Le Peuple veut ». Il y avait aussi les affairistes véreux et les concurrents déloyaux qui voulaient s’accaparer Attounisiya TV. Mon collègue Karim en a dévoilé les noms et dénoncé les turpitudes. Il y avait enfin la rue, la fameuse rue qui n’aime pas les riches, les pauvres, les entrepreneurs, les brillants et j’ajouterai –mon mari n’étant pas jaloux- les beaux goss aussi. Sami Fehri avait toutes les qualités pour catalyser la haine des envieux, des véreux, des odieux et des piteux.
 
Puisque l’ère du « Peuple veut » n’est plus qu’un lointain souvenir, la justice tunisienne doit libérer demain Sami Fehri, non seulement parce qu’il est innocent, mais parce que la campagne internationale en sa faveur  va passer à une vitesse supérieure. La trinité Ennahda-Ettakatol-CPR, qui a fait main basse sur la Tunisie, n’a pas besoin d’un tel scandale, surtout après le coup de balais des islamistes en Egypte. Le gouvernement provisoire et très vulnérable n’a aucun intérêt à suivre les conseils de ceux qui ne désespèrent pas de faire tomber Attounisiya TV, ou à se l’accaparer. Comme l’a très bien résumé le courageux Tahar Ben Hassine, « L’emprisonnement de Sami Fehri prendra fin le jour où Attounisiya TV fermera ses portes » !
Tunisie-Secret.com

Samira Hendaoui