Sami El Fehri : Campagne européenne pour sa libération


10 Décembre 2012

Tunisie : L’initiative d’une campagne européenne vient d’être prise par un groupe de jeunes tunisiens vivants en Belgique, à laquelle des ONG occidentales, dont Reporter Sans Frontière (RSF) semble s’associer. Contactée par les initiateurs, Tunisie-Secret va contribuer activement à cette campagne pour la libération immédiate de Sami el-Fehri, le patron de la la chaîne Attounissia. Pas tant parce qu’il serait totalement innocent que parce qu’il est arbitrairement détenu sans jugement.


C’est le cri d’indignation et de désespoir de sa sœur qui nous a sensibilisé au cas de Sami el Fehri, l’un des meilleurs professionnels de l’espace télévisuel tunisien, arbitrairement emprisonné depuis août 2012 pour une affaire montée de toute pièce par les nouveaux maitres de la Tunisie, avec la complicité massive de quelques hommes d’affaire contrariés par le succès fulgurant de la chaîne de télévision Attounissia. Plutôt que la concurrence loyale et l’émulation, l’élimination d’un homme dont le succès dérange et la liberté irrite.
 
Ce producteur de télévision qui suscite les jalousies et les haines a été en réalité jugé deux fois. La première, par la meute des internautes téléguidés par des hommes de l’ombre qui ont le pouvoir de l’argent. Une meute qui soi-disant veut « dégager » les hommes de l’ancien régime, fussent des journalistes ou des producteurs de télévision qui n’avaient pas d’autres choix que de travailler dans les conditions et selon les règles fixées par ce régime. En réalité, cette chasse aux sorcières exprime notre allergie de tout ce qui est réussite, notre jalousie à l’égard de tous ceux qui se distinguent de la multitude par leur talent, par leur don ou par leur mérite.
 
C’est le cas de Sami el-Fehri, un jeune qui s’est fait lui-même et qui doit sa réussite d’abord à ses qualités intrinsèques. Il a commencé son long parcours au début des années 1990 en tant qu’animateur sur RTCI. Créateur et imaginatif, il a pu se faire un nom et une réputation dans le milieu audio-visuel. En janvier 2002, il fonde la société « Cactus Prod », une boite de production naturellement amenée à travailler avec la Télévision tunisienne. Pour travailler avec la chaîne publique, nous savons tous qu’il fallait avoir ses entrées au palais, ou plus exactement auprès des Trabelsi. Sur ce plan là, Sami el-Fehri n’était sans doute pas blanc comme neige. Fort de ses relations avec la famille « royale », il a bénéficié d’un quasi-monopole sur les contrats publicitaires avec la Télévision tunisienne et se faire ainsi beaucoup d’argent.
 
C’est ce que lui reproche la « justice » tunisienne, qui a gardé les mêmes pratiques et les mêmes reflexes que sous le régime de Ben Ali. Pire encore, selon ses avocats, le cas de Sami el-Fehri est inédit dans l’histoire de la justice tunisienne ces trente dernières années. Dossier bâclé, droits de la défense empêchés, émission de mandat d’arrêt sans aucun respect de la procédure, maintien en prison en toute illégalité…Sami el-Fehri a été dépouillé de tous ses biens et avoirs, et sa société « Cactus Prod » a été placée sous administration judiciaire, ce qui arrangerait paradoxalement certains animateurs vedettes de la chaîne Attounissia dont il est le propriétaire !
 
L’un des rares à dénoncer cette injustice est Skander Khélil, lui aussi un homme de la profession et par ailleurs précurseur des guignols dans le monde arabe. Position d’autant plus noble et méritoire qu’il dit (sur facebook) n’avoir aucune relation personnelle ou professionnelle avec Sami el-Fehri et que dans le cadre de ses projets télévisuelles en Tunisie, il avait subi d’énormes préjudices. Son article en arabe, publié sur facebook, « La place de Sami el-Fehri n’est pas derrière les barreaux mais derrière une caméra », dénote son sens de l’honneur. Ira-t-il jusqu’à soutenir la campagne européenne pour la libération de Sami Fehri ?
  
La position de Skander Khélil est à l’inverse de la position qui se fait passer pour une dénonciation de cette injustice, à savoir celle de l’hypocrite et corrompu Mohamed Abbou. Dans une interview accordée à Samir el-Wafi, le maestro de la prostitution journalistique en Tunisie, il a déclaré que l’affaire Sami el-Fehri a été bouclée en une semaine, que la procédure n’a pas été respectée et que de tels agissements font penser à l’ancien régime. A bien l’écouter, ce membre de la Troïka ne défend pas Sami el-Fehri mais regrette le manque de professionnalisme et de subtilité juridique de l’appareil judiciaire tunisien qui est aux ordres de l’islamiste et membre de la Freedom House, Noureddine Bhiri. En d’autres termes, Mohamed Abbou, dont l’épouse Samia Abbou a d’ailleurs déposée plainte contre Sami el-Fehri, pense qu’on aurait dû agir dans les règles de l’art procédural avant de mettre el-Fehri en prison. Le summum de l’hypocrisie et du cynisme. Mais le record a été battu par l’épouse de monsieur le ministre de la justice, qui a eu l’insolence de se rendre à la cellule de Sami el-Fehri pour lui proposer un marché, comme au bon vieux temps de la dictature. Cela nous donne une idée sur la justice transitionnelle ! Les termes du marché : soit tu cèdes ta télévision, soit tu moisis en prison. Cette femme, Madame Bhiri vient d’être décorée par le président provisoire, Moncef Marzouki, en raison de son combat pour les droits de l’homme ! 
 
Pourquoi Sami el-Fehri a-t-il été jeté et maintenu en prison ? Selon nos informations, cet acharnement n’a strictement rien à voir avec des questions de malversation ou d’argent mal acquis. Les quatre dernières années, Sami el-Fehri n’était pas plus proche du régime que certains autres patrons de télévision. L’affaire est donc résolument politique. Et comme dans beaucoup d’autres dossiers de chasse aux sorcières, l’affairiste mafieux Kamel Eltaïef y a joué un rôle important. Mais il n’y a pas que lui. D’autres agissent dans l’ombre par vengeance, ou par esprit de concurrence dans le sens arabe et sous-développé du terme. Ils pensent ainsi consolider leurs positions sans se rendre compte qu’ils creusent leurs propres tombeaux. Car, lorsqu’on se met au service de la dictature, tôt ou tard, on se fait broyer par elle.
http://www.tunisie-secret.com
 
Lilia Ben Rejeb