Redressement économique, il est encore temps pour bien faire, par Rachid Sfar


1 Février 2016

Avec Hédi Nouira et Mansour Moalla, il a été l’un des meilleurs économistes du pays. C’est à lui qu’on doit le redressement économique de la Tunisie lorsqu’elle était (1986) dans une situation aussi chaotique qu’aujourd’hui. Que les décideurs politiques écoutent donc cet éminent patriote de "l'ancien régime" plutôt que de suivre les recettes scolaires de certaines "hautes compétences" embarquées de France pour sauver la Tunisie!


Rachid Sfar, dans son bureau à la Kasbah, à l'époque du relèvement économique de la Tunisie.
Je viens de lire la note d'orientation dite "stratégique" du nouveau plan 2016-2020. Il y a certes des améliorations notamment dans la partie consacrée au diagnostic et avec l'accent mis pour le développement d'un troisième secteur à savoir l'économie sociale et participative, mais cela reste quand même un simple " listing" de bonnes intentions qu'on ne peut qu'approuver généralement....

On trouve, hélas, très peu d'indications sur le contenu et le détail des reformes devant être engagées et sur les instruments devant être mis en œuvre pour réussir cette restructuration indispensable et de grande envergure de notre tissu économique. On ne trouve dans les 90 pages de la Note d'orientation aucune indication sur les orientations des politiques sectorielles...pratiquement rien pour le secteur agricole et rien pour celui des industries manufacturières.

A titre d'exemple simplement et pour monter l'urgence et la nécessité d'une ample restructuration de notre tissu économique si nous voulons apporter une solution réelle et saine au chômage, je rappelle que nous savons qu'environ 80 % de notre tissu économique est fragile et que ces cinq dernières années ont encore fragilisé ce tissu..Oublient-on a ce point que notre tissu économique selon les statistiques officielles de l'INS est constitué essentiellement de micro-entreprises....que nous appelons avec inconscience des PME....Sur environ 600.000 entreprises recensées Il y a uniquement environ 6000 entreprises qui répondent aux critères fixés par l'UE pour ses PME à savoir : avoir notamment au moins 200 ouvriers et employés...

Nous avons raté pendant les quinze dernières années, -notamment via les programmes de mise à niveau- la précieuse occasion de transformer ces micro-entreprises en véritables PME performantes, correctement capitalisées et réalisant de véritables remontées de filières qui donnent la véritable augmentation de la valeur ajoutée de nos produits...

Nous devons pour ce nouveau plan tirer toutes les erreurs du passé et revenir vers une véritable planification qui fixe clairement et dans le menu détail les objectifs qualitatifs et quantitatifs dans tous les secteurs ainsi que les stratégies véritables et les instruments de mise en œuvre ainsi que le contenu des réformes et leur timing…Il est encore temps de bien le faire.

Rachid Sfar, économiste et ancien Premier ministre de Bourguiba