Mezri Haddad appelle à voter massivement pour Béji Caïd Essebsi


21 Novembre 2014

Selon le philosophe tunisien, les élections présidentielles n’opposent pas les anciens du régime aux pseudo-révolutionnaires, mais « les patriotes aux mercenaires, les sages aux névrosés, les rassembleurs aux séparatistes, les modernistes aux obscurantistes ». Autrement dit, Béji Caïd Essebsi, le candidat de la Tunisie et du modernisme, à Moncef Marzouki, « le candidat du Qatar et des intégristes ». Nous n’avons pas été surpris par cette position mais par le fait que cet article ait été publié par nos confrères de Leaders !


Mezri Haddad, philosophe et ancien Ambassadeur de Tunisie à l'UNESCO.
Parce que l’heure est grave et le moment déterminant pour les quinze années à venir, les Tunisiens doivent savoir pour qui ils devraient absolument voter et contre qui ils doivent impérativement se prononcer. Il y va de la dignité et de la souveraineté de la Nation, de la sécurité et de la prospérité des Tunisiens, et surtout de l’avenir des futures générations.

A l’inverse du discours de peur, de haine et de discorde que distille un soi-disant défenseur des droits de l’homme parvenu à la présidence de la République par un caprice de l’Histoire, et que diffuse sa horde, les élections présidentielles n’opposent pas les nostalgiques de l’ancien régime aux idéalistes du paradis promis, ni les démocrates aux autocrates, ni les révolutionnaires aux réactionnaires, ni les bourgeois aux prolétaires, ni les tunisois ou les sahéliens aux gens du sud…

Si ce discours manichéen ne trompe plus les électeurs qui ont fait preuve de maturité politique lors des législatives, il galvanise par contre tous les extrémistes et tous les brigands pour lesquels le désordre, l’anarchie et la guerre civile seraient les meilleurs atouts dans leur sinistre « carrière » et pour leurs sombres desseins.   

Ces élections présidentielles opposent ceux qui entendent reconstruire le pays à ceux qui veulent davantage le détruire. Elles opposent deux projets de société et deux conceptions de la démocratie, de la liberté et de la République assurément antagoniques. Elles opposent les patriotes aux mercenaires, les sages aux névrosés, les compétents aux novices, les rassembleurs aux séparatistes, les modernistes aux obscurantistes. Elles opposent un mouvement politique qui incarne déjà amplement, par sa composition, sa stratification sociale et sa diversité idéologique, l’unité nationale, à un ersatz d’apprentis-sorciers qui, malgré le désaveu cinglant qu’ils ont subi aux élections législatives, s’accrochent désespérément au pouvoir en agitant le spectre de la peur et l’épouvantail de l’hégémonisme du parti unique.

Nidaa Tounes n’est pas et ne peut pas être un parti hégémonique, pour la simple raison que la page du passé est irréversiblement tournée. De plus, pour avoir la majorité parlementaire, comme pour constituer le futur gouvernement, Nidaa Tounes va nécessairement adopter une démarche inclusive en impliquant les autres composantes de l’échiquier politique et probablement pas seulement les partis représentés au sein de l’Assemblée nationale, mais aussi des figures de la société civile.

En cas d’élection de Béji Caïd Essebsi à la tête de l’Etat –ce que je souhaite pour la Tunisie-, il ne constituera aucune menace pour la démocratie compte tenu des pouvoirs que lui confère la nouvelle constitution. Outre ses prérogatives en matière de Défense nationale et d’Affaires étrangères, deux domaines qui ont été fragilisé et malmenés ces quatre dernières années et auxquels Béji Caïd Essebsi peut tout à fait restituer la noblesse et l’effectivité, le rôle du futur président dans les autres affaires de l’Etat sera, en effet, beaucoup plus arbitral que régalien. Et dans cette conjecture, l’âge du président, si décrié par les apôtres du jeunisme, ne sera pas un handicap mais bien au contraire un atout majeur : la Tunisie a effectivement besoin d’un homme sage, rassembleur et charismatique, forgé à l’école bourguibienne et en mesure de rétablir le respect des lois, le prestige et l’autorité de l’Etat dans la concorde civile et le respect des valeurs républicaines.

Malgré cet acquis démocratique dont les Tunisiens peuvent se réjouir et qui leur permet d’élire librement leurs gouvernants, le pays traverse aujourd’hui l’une des périodes les plus périlleuses de son histoire. Socialement, avec près d’un million de chômeurs, la situation est encore plus explosive qu’en 2011. Economiquement, avec un surendettement abyssal,  un déficit budgétaire alarmant, une croissance infinitésimale et une corruption endémique, la Tunisie est exsangue. Sécuritairement, les hordes barbares de Daech stationnent à 80 Km de nos frontières libyennes, et les cellules dormantes de l’islamo-terrorisme n’attendent que la mèche qui mettra le feu à la poudrière. C’est ce triple défi que le prochain gouvernement, le président de la République et l’Assemblée nationale vont devoir relever. D’où l’importance cruciale des élections présidentielles par lesquelles les Tunisiens doivent réitérer, de façon encore plus nette, leur choix exprimé lors des élections législatives.  
      
C’est dans les jours qui viennent que sera fixé le destin de la Tunisie. Aucune étude prospective et aucun sondage ne peuvent aujourd’hui affirmer avec certitude lequel des candidats en compétition sera porté à la magistrature suprême. C’est pourquoi, par-delà l’amitié ou l’estime qu’on peut avoir pour tel ou tel autre candidat, c’est l’intérêt supérieur de la Nation qui doit prévaloir. En d’autres termes, j’appelle mes compatriotes à voter massivement pour que Béji Caïd Essebsi soit élu dès le premier tour. Non guère parce qu’il est plus patriote, plus vertueux ou plus compétent que Kamel Morjane et Mondher Zenaïdi, qui auront toujours un rôle dans la reconstruction du pays, mais parce qu’il a plus de chance de battre le candidat du Qatar et des intégristes, à savoir Moncef Marzouki.

Mezri Haddad, article publié dans Leaders du 20 novembre 2014, sous le titre de « Pourquoi les Tunisiens doivent-ils élire Béji Caïd Essebsi? »