Lettre ouverte d'Ali Gannoun à Kalthoum Kannou


9 Aout 2016

Kalthoum Kannou, magistrate et femme politique tunisienne, s'est récemment exprimée sur le fait que les actuels ou éventuels futurs ministres doivent renoncer à leur double nationalité pour prétendre aux hautes fonctions. Ali Gannoun, universitaire franco-tunisien, lui a répondu sur sa page facebook.


Ali Gannoun, professeur franco-tunisien.
Bonjour Kalthoum Kannou !

Je ne vais pas écrire une lettre à un esprit fermé et je mesure aujourd'hui, malgré les déboires de la présidence actuelle, le danger auquel nous avons échappé si elle était élue présidente de ce pays. Celle qui doit juger en son âme et conscience a perdu son âme et sa conscience en les noyant dans le populisme primaire et primitif et a rejoint la horde des aboyeurs contre des privilèges fictifs supposés être accordés aux binationaux.

Elle a quoi Madame la Magistrate contre les binationaux? Elle leur reproche quoi au juste? D'appartenir à une bi-culture? D'avoir réussi? D'aimer leur pays d'origine où ils continuent d'investir, de construire et de prêter main forte à leur famille?

Mme Kannou a déraillé pour plaire à un racisme latent et une jalousie exécrable contre une partie des Tunisiens qui ont la double nationalité, ces "nouveaux criminels" qui font tant de mal à la Tunisie. Elle en veut à leur patriotisme, à leur correction, à leur éducation. Elle ne supporte pas qu'ils soient restés tunisiens jusqu'au bout des ongles, qu'ils réfléchissent tunisien, qu'ils vibrent tunisien, qu'ils décident tunisien.

Elle ne supporte pas leur deuxième passeport qui les a aidé à s'intégrer, à s'ouvrir d'autres portes du savoir et de la connaissance, à occuper des postes-clés qui ont souvent servi à aider leurs autres compatriote qui n'ont pas eu le privilège d'être binationaux.

Madame la Juge est tombée dans les travers d'un nationalisme acerbe, obtus et sans consistance qui plait à ceux qui ont fait de la paresse intellectuelle et de la fermeture d'esprit un vrai mode de vie. 

Celle qui est censée faire respecter la loi et assurer la justice pour tous se réjouirait de mettre 800 000 tunisiens en marge de la république, soit un tunisien sur treize. 

La terre entière a compris l'importance des binationaux et des pays phares les dorlotent et les chérirent pour en faire le fer de lance de leur économie et finance et de leur rayonnement international dans tous les domaines.

Renseignent pris, ces pays n'ont pas des Kannou pour tracer leur politique mais des hommes et des femmes qui ont suffisamment de clairvoyance pour comprendre l'importance, l'apport et l'utilité de leurs citoyens à deux ou plusieurs passeports et pour ne jamais les considérer comme des citoyens de deuxième rang.

Pour être traître et vendu, nul n'a besoin d'un deuxième passeport, vous voulez des exemples? Le passeport unique n'est pas la garantie d'un bon citoyens ; vous voulez des exemples?

Le patriotisme n'est pas un bout de papier, c'est un sentiment profond qui vous accompagne partout et, en cas de besoin, le patriote ne tardera jamais pour être en première ligne pour défendre, aider et aiguiller!

Je pensais que Mme Kannou était une grande dame. Avec son excitation partisane, nationaliste et sectaire je ne vois en elle que l'image pâle d'une piètre politicienne.

Finalement, le délire en politique n'est pas une spécialité de Si Anderraouf Ayadi, Mme Kannou nous l'a bien montré!

Ali Gannoun