La femme qui a négocié l’appartement offert par Hamad à Slim Chiboub


1 Juillet 2013

Nous avons enfin l’identité et un large aperçu sur cette femme de l’ombre qui gérait les biens en France de l’émir déchu. Elle s’appelle Chadia Clot, alias Jihan Sanbar, une affairiste palestinienne née en 1947, patronne notamment de « French Properties Management ». Elle a été auditionnée l’année dernière par la Justice, non pas française ( !) mais belge, qui enquêtait sur les biens mal acquis des Ben Ali. Plus exactement sur le somptueux appartement parisien que Chadia Clot a pu acquérir pour le compte de l’émir déchu du Qatar à 1,25 millions d’euros et que ce dernier a offert à Slim Chiboub pour services rendus à sa patrie : l'Etat mafieux du Qatar. En exclusivité, Tunisie-Secret a révélé cette affaire le 27 avril 2013. Ne manquait à notre article que de plus amples informations sur la très mystérieuse Jihane Sanbar. Celle-ci se fait appeler aussi Chadia Clot. C’est la femme d’affaire en laquelle l’émir déchu avait une confiance aveugle. Epouse d’un ingénieur français, elle est la cousine d’Elias Sanbar, l’ambassadeur de l’autorité palestinienne auprès de l’UNESCO. Voici le portrait au vitriol de cette affairiste qui a été dressé par Sophie Deserts, notre confrère du Nouvel Observateur.


Le secret est son mode d'action, sa force, la condition de sa longévité. Pas de traces, pas d'écrits, pas d'apparitions en public, trois téléphones branchés jour et nuit, son monde est fait d'intermédiaires grassement rémunérés, de consultants, d'avocats d'affaires et de sociétés-écrans basées à l'étranger. Ses bureaux, French Properties Management, situés dans un immeuble cossu du Triangle d'or, à Paris, sont surveillés comme un coffre-fort.

Elle y arrive généralement en fin de matinée, petite femme brune bien campée dans ses Mephisto. Elle est tout en rondeurs et en nonchalance orientale, toujours prête, dit-on, à parler d'art, de poésie, à partager quelques douceurs de traiteurs renommés. Ses voisins la trouvent sympathique. Ses employés, un peu moins. Même ceux qui ne travaillent plus pour elle semblent la craindre : "Ce genre de femme, disent-ils, ça vous brise une carrière. C'est du lourd : secret- défense."

La "patronne"
 
La "patronne" comme ils l'appellent, n'a jamais été photographiée ; elle n'a jusqu'ici parlé à aucun journaliste. Elle s'épanouit dans l'ombre, puissante, sûre d'elle, veillant à ce que personne, jamais, ne mette le nez dans ses affaires. "Allons, pourquoi vous intéresser à moi ?" s'amuse-t-elle, lorsqu'après dix tentatives on réussit enfin à la joindre. La conversation s'abrège dans un éclat de rire forcé. "Soyez gentille, n'écrivez rien. Je ne suis pas grand-chose."
Chadia Clot n'est rien moins que LA femme de confiance de l'émir Al-Thani, en France. Comme pour brouiller les cartes, elle apparaît aussi, dans les documents comptables, sous l'identité de Jihan Sanbar, ce nom de Palestinienne exilée au Liban qu'elle portait avant d'épouser un ingénieur français. C'est elle qui depuis plus de dix ans repère, négocie, achète et gère les affaires du cheikh Hamad al-Thani -démissionnaire le 25 juin en faveuir de son fils Tamim-, et de la famille royale. Elle qui se charge de rentabiliser les biens inoccupés et de faire tourner les autres avec une qualité de services digne d'un 5-étoiles.

On l'appelle en urgence pour un permis de construire, si l'écran plat de telle propriété royale ne fonctionne pas ou que le salon n'est plus du goût de Son Altesse et qu'il faut, fissa, appeler Philippe Starck. Femme d'affaires, janissaire, intendante en chef, chargée de toutes les tâches, des plus triviales aux plus nobles, Chadia Clot est "l'Indispensable".

A la tête d'un empire
 
Avec ses dizaines de sociétés détenues par Mayapan BV, le fonds privé de l'émir, la sexagénaire est à la tête d'un empire riche de sublimes propriétés à Paris : l'hôtel de Coislin, place de la Concorde, l'ancien siège de HSBC sur les Champs-Elysées, plus d'une dizaine d'immeubles place Vendôme, rue Royale, avenue Foch..., un château à Marly-le-Roy, de somptueuses demeures dans la région cannoise, mais aussi en Suisse, en Belgique, au Maroc, à New York et dans les Caraïbes... Ses acquisitions, discrètes jusqu'ici, se limitaient à la pierre. Mais, à la grande surprise des investisseurs, Chadia Clot est désormais sur le point de ravir une entreprise : le Printemps, ses célèbres magasins du boulevard Haussmann et ses 16 boutiques de province, plus de 3.200 employés...

C'est la première fois que l'émir du Qatar en personne acquiert 100% d'un grand groupe sur le sol français et que se dévoilent peu à peu ses méthodes. Les dessous de la cession, progressivement mis au jour par des salariés abasourdis, relèvent du polar et de la comédie humaine. Le Printemps, dont Zola s'est, entre autres, inspiré pour écrire "Au Bonheur des Dames", racontait jadis le triomphe du grand commerce et la fièvre acheteuse du Paris haussmannien. Il parle aujourd'hui d'une autre époque : celle des montages financiers insensés, de l'évitement fiscal, et de la cupidité folle, souvent oublieuse des hommes.

Du luxe rien que du luxe
 
Au comptoir Ladurée, à côté des joailliers et des horlogers de luxe, Maurizio Borletti savoure le spectacle des élégantes venues du monde entier... Visage poupin, teint doré, blazer élégant, le Milanais, héritier d'une grande lignée d'industriels, commande l'un des musts de la maison, le "thé du Roi-Soleil". Il est vrai que les temps, pour lui, sont fastes. Le magasin vieillissant qu'il a racheté 1 milliard d'euros à François Pinault, en 2006, dans un tour de table réunissant d'autres actionnaires (pour 30% des parts) et le fonds Rreef, filiale de la Deutsche Bank (à 70%), va être revendu 1,6 milliard. Sa stratégie haut de gamme, du luxe rien que du luxe, avec de moins en moins de personnel et toujours plus de concessions - ces emplacements loués aux griffes, avec la liberté pour elles de gérer leurs marchandises et leurs salariés - a payé.

Le Printemps a bien changé. Les anciennes vendeuses se sont inclinées devant des démonstratrices aux allures de top model, les bas, les chapeaux et les écharpes du rez-de-chaussée ont été remplacés par Vuitton, Fendi, Prada, Dior, Chanel... La coupole dorée du boulevard Haussmann scintille. Au bonheur des marques. Les Qataris, qui en raffolent, ne pouvaient rester indifférents. D'autant que les bâtiments du Printemps Haussmann, construits en 1865 par Jules et Paul Sédille, sont un morceau de patrimoine et de l'histoire de France. Aux yeux de ces Bédouins nouvellement fortunés, rien n'est plus glamour.

"Chadia fait partie de la famille"
 
Le Printemps fut d'abord proposé au QIA, Qatar Investment Authority, le fonds souverain de l'émirat gazier, qui a racheté Harrods. "Nous l'avons présenté en septembre 2012 pour 1,2 milliard d'euros, confirme son président, Guy Delbes. Mais le dossier n'a pas été retenu." Quelques semaines plus tard, Chadia Clot, prévenue par ses intermédiaires, entrait en scène. La "patronne" connaît bien les goûts de l'émir, et surtout ceux de sa deuxième épouse, la cheikha Mozah. Il y a vingt ans, lorsqu'elle tenait sa petite galerie d'art près de Montparnasse, "Chadia" leur vendait des antiquités. Le couple royal a été séduit par cette esthète, coriace lors des ventes aux enchères et issue d'une famille palestinienne respectée.

Son cousin Elias Sanbar est ambassadeur de la Palestine à l'ONU, l'un de ses frères travaille à la Banque mondiale, un autre, financier, vit à Londres... Elle-même se présente comme une intellectuelle, diplômée en philosophie et en sciences politiques. "Chadia fait partie de la famille, glisse un membre de la famille Al-Thani. Son fils a même été conseiller au Diwan [le palais de l'émir]." Ziyad Clot, qui fut, après des études à l'IEP de Paris, avocat du Fatah, auteur d'un ouvrage engagé sur le conflit israélo-palestinien, confirme ses anciennes fonctions à Doha, tout en indiquant qu'il s'est désormais éloigné du Qatar. Lui aussi refuse de s'étendre sur les affaires de sa mère.

Chadia Clot a constitué une bonne partie du patrimoine personnel de l'émir. Elle a su rendre nombre de services, jusqu'à se retrouver auditionnée l'an dernier par les enquêteurs belges en charge du dossier des biens mal acquis de Ben Ali. Ils voulaient savoir pourquoi la discrète femme d'affaires avait acheté un appartement parisien de 1,25 million d'euros à Slim Chiboub, le gendre de l'ancien despote de Carthage. L'homme avait facilité un projet immobilier à Gammarth, un faubourg chic de Tunis, il fallait le remercier, a-t-elle simplement indiqué aux policiers.

"Un petit cadeau pour la cheikha Mozah"
 
"L'Indispensable" est sur tous les fronts. Dans le même temps, elle aidait la cheikha Mozah à acquérir les œuvres qui constituent aujourd'hui le fonds du Musée d'Art islamique de Doha. Une réelle complicité lie les deux femmes. Chadia Clot pressent que le Printemps peut intéresser Son Altesse. Elle sait qu'elle aime s'y promener incognito sous les coupoles dorées. La femme de Hamad al-Thani, qui a racheté en 2011 l'entreprise de maroquinerie Le Tanneur, basée en Corrèze, ambitionne de concurrencer LVMH avec sa nouvelle marque de luxe baptisée Qela. Les magasins du boulevard Haussmann pourraient être de fabuleuses vitrines. L'émir donne son feu vert.

"Le Printemps ressemble à un petit cadeau pour la cheikha Mozah, avant la passation de pouvoir. Ces temps-ci, elle a accepté de se faire plus discrète afin de calmer les intégristes qui ne l'apprécient guère, et elle a su composer avec la troisième épouse, plus jeune, qui a donné neuf enfants à l'émir, indique un fin connaisseur des mœurs qataries. Ce pourrait être une façon de la remercier, d'autant qu'elle et son fils, Tamim[le propriétaire du PSG, qui vient de succéder à son père] sont très francophiles."

A Doha, le cœur se mêle toujours à l'intérêt. Les grands cabinets de conseil anglo-saxons sont aussitôt priés d'analyser la rentabilité du Printemps. Si les magasins se transforment, davantage encore, en de luxueuses galeries commerciales, elle pourrait être de l'ordre de 12%. Et puis les bâtiments valent cher. Chapeautée par un conseiller de l'émir, un dénommé Victor Nazeem Agha, Chadia Clot enclenche les négociations. En quinze jours, tout doit être plié.

Un contrat en or
 
Fin 2012, Maurizio Borletti est reçu à Doha. Il n'est qu'actionnaire minoritaire, mais ses partenaires l'ont désigné pour choisir l'acheteur. L'entrepreneur milanais aurait aimé garder un pied dans le groupe Printemps. Il n'en est pas question. Quand ils investissent en Europe, les Qataris ont tendance à être de plus en plus gourmands, ils réclament 100% du capital. Chadia Clot a les moyens de le convaincre... Près de 600 millions d'euros, selon les estimations de Mediapart, qui a révélé le pacte. 600 millions en cash et promesses de rémunérations consignées dans un contrat en or.

"Cette somme a été largement surestimée, conteste Maurizio Borletti du bout des lèvres. Elle mélange de l'argent qui revient à mon groupe en tant qu'investisseur sur la vente de nos actions, de la dette et la rémunération future du travail de mes équipes. De toutes les façons, rien ne sera à la charge de l'entreprise." Les Al-Thani ont le geste large : en plus du 1,6 milliard de la vente, ils paient tous les extras, ceux de Borletti et ceux des intermédiaires, comme cet ancien trader, un temps compagnon d'Ophélie Winter, qui devrait toucher après la vente près de 25 millions d'euros...

Chadia Clot aurait préféré que ces petits détails techniques restent confidentiels. S'est-elle attribué une partie des commissions, comme elle le fait, apparemment, dans d'autres opérations (lire ci-dessous). La directrice de French Properties est furieuse, le deal du 21 décembre prévoyait le respect d'un secret absolu. Une société-écran, Disa, au capital dérisoire de 31.000 euros, a même été créée au Luxembourg, afin que le nom du fonds de l'émir, Mayapan, n'apparaisse pas.

Un mystérieux personnage
 
C'est ainsi : les Qataris sont satisfaits de la convention fiscale, cadeau de Sarkozy, qui exonère toutes les plus-values, mais ils préfèrent tout de même exiler leurs opérations financières hors de l'Hexagone. "Ils trouvent votre pays peu sécure, ils disent que tout peut changer à chaque élection", se réjouit un juriste luxembourgeois. Méfiants de nature, parfois même paranoïaques - leur histoire est faite de rivalités claniques et de coups d'Etat -, les Al-Thani sont particulièrement vigilants quand ils investissent en France, seul pays d'Europe à se plaindre de leur prodigalité. Les dirigeants du Printemps ont bien tenté de leur expliquer qu'ils ne pouvaient rester cachés en prenant le contrôle d'un groupe si emblématique, ils n'ont rien voulu savoir. Chadia Clot exigeait le silence. Pouvait-elle prévoir qu'un individu, au cœur de la transaction, allait le briser ?

Il n'apparaît jamais, correspond par mail sous le pseudo "Borletti Gate". Distille les données au compte-gouttes avant chaque échéance importante et rend folle la direction. Avec ce mystérieux personnage, la vente du Printemps tourne au polar économique. "C'est un pro, murmure Maurizio Borletti. Nos ordinateurs ont probablement été piratés. Il y a une évidente volonté de nuire."

S'agit-il d'un concurrent informé en interne, d'un investisseur de Rreef ou d'un avocat scandalisé par les dessous-de-table ? Quand Mediapart les a révélés, les salariés du Printemps se sont interrogés. Puis l'informateur s'est mis à dialoguer avec certains syndicats. Grâce à lui, les salariés ont donc appris que Maurizio Borletti, pour un rôle de simple consultant après la vente, gagnerait près de 30.000 euros par jour pendant cinq ans, versés au Luxembourg et donc défiscalisés. Ils ont découvert, au passage, que leur PDG, De Cesare, toucherait 23 millions de bonus de cession, via une structure à Singapour. Et qu'un plan baptisé "Arthur 3" prévoyait de supprimer les rayons enfant, de réduire le département homme et d'ouvrir un grand espace dédié à l'ameublement de luxe, avec des risques probables sur l'emploi.

 
La taupe ne s'est pas arrêtée là. Récemment, le porte-parole de l'intersyndicale, Bernard Demarcq, a reçu par la poste, sans explication, une enveloppe rédigée d'une écriture d'enfant : à l'intérieur, la photocopie d'un chèque de 455.750 euros adressé à un cadre haut placé. S'agit-il d'une compensation liée à la vente ? Le syndicaliste est sous le choc. La retraite est toute proche mais Le Printemps, c'est sa vie. Entré comme simple vendeur, marié à une collègue du rayon jouets, il a connu tous les propriétaires, des grandes familles d'industriels, les Laguionie, les Maus, les Pinault, jusqu'aux financiers de Rreef et Borletti. Quand ces derniers ont racheté en s'endettant, Bernard Demarcq est allé expliquer aux collègues les subtilités du LBO (leveraged buy-out), avant de les prévenir : "Rreef gère des fonds pensions américains, ils sont là pour obtenir la rentabilité maximale avant de revendre, dans six ans."

Selon ses prévisions, le groupe devait être racheté par les Chinois ou les Galeries Lafayette, qui, en septembre dernier, ont fait une offre de 1,8 milliard. Maurizio Borletti l'avait ignorée. Le syndicaliste comprend aujourd'hui pourquoi : "Jamais on n'imaginait de tels dessous-de-table ! Que peut faire un homme avec 600 millions d'euros ?"

Symbole du luxe à la française
 
Dans les rayons, où la plupart des vendeurs sont au smic, et jusqu'aux étages de la direction, l'écœurement est partagé. La promesse d'une prime de cession et d'une augmentation de salaire de 2,7% - "si la vente s'effectue sereinement" ! - n'a fait que l'aviver. Au comité d'entreprise du 5 mai, un émissaire de Chadia Clot est venu dire : "Les Qataris veulent simplement investir dans un groupe prestigieux, symbole du luxe à la française. Leur ambition est de contribuer à son rayonnement, tant à Paris, qu'en province. Il n'y aura pas de menace sur l'emploi, on effacera la dette."

Vêtu de noir, l'uniforme imposé des vendeurs, Bernard Demarcq s'est levé : "Vous nous promettez la lune, formidable. Mais depuis quand les Qataris font-ils œuvre de charité ?" Il découvrira bientôt que la dette du groupe a été transférée à une société de Doha, qui prend 8% de taux d'intérêt (contre 6,375% aujourd'hui) en empruntant à la Qatar National Bank... Le syndicaliste s'est mis à lire tous les articles et les livres sur l'émirat gazier. Il a répertorié les montages financiers, les rémunérations promises à Borletti. Puis, soutenu par ses collègues, il a écrit au ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et à la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Il a prévenu les services des impôts, déposé en main propre un signalement au procureur de Paris. Un délit de corruption pourrait être établi, lui a dit l'avocate des syndicats.

"Le Qatar est une chance pour le Printemps"
 
A l'heure où le gouvernement Hollande intensifie la lutte contre la fraude fiscale, Bernard Demarcq espère que sa voix portera, que le président, tout juste rentré de Doha, s'intéressera aux tristes histoires du Printemps. "Laissez faire, laissez dire, murmure en coulisses Chadia Clot, qui sait que peu de chefs d'Etat résistent aux Al-Thani. Tout cela se calmera." Seul autorisé à s'exprimer, Maurizio Borletti explique : "Le Qatar est une chance pour le Printemps. Ces investisseurs mettront beaucoup d'argent, l'entreprise va se développer, ouvrir des magasins au Louvre, à Saint- Jean- de-Cagnes et à Marseille. Nous allons embaucher. Tout le monde a intérêt à ce que la transaction se fasse."

C'est peut-être vrai, mais le montant de ses gains futurs le rend inaudible. Il le sait, il a décidé de passer en force. La cession vient d'être secrètement finalisée au Luxembourg, sans même attendre l'avis du comité d'entreprise. Avec l'énergie du désespoir, les syndicats ont lancé une procédure en référé afin de bloquer la vente, ou au moins la retarder. L'audience est fixée au 2 juillet. Bernard Demarcq y croit encore. Les Al-Thani et leurs conseillers se disent que la France est décidément un pays d'illuminés.

Creezy attaque l'émir

L'affaire a été jugée sans lui, et sans bruit, le 13 mai au TGI de Paris. L'ancien émir Hamad al-Thani est accusé d'avoir omis de payer une intermédiaire qui lui aurait permis d'acquérir, pour 400 millions d'euros, l'immeuble de HSBC sur les Champs-Elysées. La procédure a été initiée par Creezy Courtoy, ex-mannequin reconverti dans les relations publiques à Bruxelles. Elle affirme, preuves à l'appui, avoir facilité la transaction. Son avocat, Thierry Daou, a choisi de poursuivre l'émir en personne. Mais, au cœur de sa plaidoirie, il n'y a qu'un personnage : Chadia Clot.

C'est toujours la directrice de French Properties Management qui a tiré les ficelles de cette juteuse transaction. Chargée dès 2006 de suivre l'immeuble de 46.200 mètres carrés qui fait rêver l'émir, dans l'idée de le transformer en palace, elle met sur le coup un de ses fidèles, agent immobilier. Il approche Creezy Courtoy, sachant qu'elle compte dans ses relations de hauts responsables de HSBC. "Le fonds privé de M. Al-Thani veut le building", écrit-il imprudemment : "Il y aura 1% pour vous, 1% pour moi et 1% pour Chadia Clot."

La commission est toujours à la charge des vendeurs. La femme de confiance de l'émir se réserve-t-elle de tels pourcentages sur chaque transaction ? Son employeur est-il au courant ? "Les Al-Thani ont tellement d'argent qu'ils s'en fichent", avance un financier qui les connaît bien. En tout cas, Chadia Clot, après s'être rendue deux fois au siège londonien de HSBC en compagnie de Creezy Courtoy, a conclu la vente. Sans tenir ses engagements. Après avoir tenté en vain d'obtenir ses émoluments par des lettres de menace envoyées à l'ambassade du Qatar, Creezy Courtoy a décidé d'attaquer. Elle réclame 4 millions d'euros. Jugement imminent.
Tunisie-Secret.com

Sophie Deserts,  NouvelObservateur