Hassan Asfour, ancien Ministre de l'Autorité palestinienne et l'un des principaux négociateurs des accords d'Oslo.
Le colloque s’est ouvert par un discours du président de CIGPA, Mezri Haddad, dans lequel il a précisé que le but de cette rencontre n’est pas de stigmatiser la Turquie en tant que pays et en tant que peuple mais de dévoiler la nature exacte du régime erdoganien. « En réunissant des spécialistes, des universitaires, des hommes politiques, des diplomates et des journalistes européens et arabes, nous avons voulu étudier de façon objective la situation politique en Turquie et surtout conjecturer l’avenir immédiat, aussi bien sur le plan interne que géopolitique », a insisté Mezri Haddad.
Animé et modéré par José Manuel Lamarque, journaliste à Radio France Inter, le premier panel comptait Hassan Asfour , ancien ministre de l’Autorité palestinienne qui a fait le voyage de Jordanie à Paris. Sa communication en arabe et simultanément traduite au français, traitait de « La Turquie des Frères musulmans est bien néo-ottomane ». Il a remarquablement démontré que, même si Recep Tayyip Erdogan vient de la ramification turque des Frères musulmans, c’est un homme qui n’a aucune contrainte idéologique du moment où le but fixé est la restauration d’un empire néo-ottoman.
Le second à parler est David Rigoulet Roze, rédacteur en chef de la revue « Orients Stratégiques » et spécialiste de questions militaires. Il a traité des ambitions néo-califales d’Erdogan ». Son successeur à la tribune, François Campagnola, chercheur associé à l’IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe, est revenu sur le passage du kémalisme à l’islamisme, « comment la Turquie a basculé de la République laïque à la République islamique ». Pour lui, le système Erdogan n’est pas islamiste dans le sens courant du terme mais un drôle de mélange entre conservatisme religieux et nationalisme.
Après l’intervention du chercheur tunisien Mohamed Troudi, qui a rappelé l’histoire des conflits entre l’Empire russe et l’Empire Ottoman, c’était à Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, de traiter de « La Turquie au Moyen-Orient ou l’art de jouer sur tous les fronts ». Elle a mis en exergue la duplicité et l’hypocrisie d’Erdogan dans tous les conflits qui se jouent dans la région.
Toujours dans ce second panel, l’égyptien Abdel-Latif Menawy, écrivain et patron des la chaine de TV Al-Ghâd, s’est penché sur les relations historiques, idéologiques et politiques entre les Frères musulmans égyptiens et sa section turque. Dans sa conclusion, il a dénoncé l’ingérence du régime turc dans les affaires intérieures égyptiennes et précisé qu’après « la seconde transition démocratique de 2014, l’Egypte avait repris son rôle de leadership dans le monde arabe ».
Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France et auteur de « Tempête sur le Grand-Moyen-Orien », sur le rôle de la Turquie dans la crise syrienne, qui a été selon lui « négatif et même destructeur ». Le diplomate a laissé entendre qu’il existait « des relations troublantes entre le régime d’Erdogan et certains groupes djihadistes, y compris ceux de l’état islamique ». Il a ajouté qu’après avoir été elle-même touché par le terrorisme, « la Turquie a rallié la coalition pour combattre Daech…sans pour autant renoncer au bombardement des troupes Kurdes » !
L’ancienne responsable libyenne de la condition féminine, Zohra Mansour, n’a pas vraiment donné de conférence mais prononcé un discours passionné dans lequel elle a violemment critiqué la Turquie « dont les troupes étaient au sol libyen au moment de la guerre contre la Libye pays ». Elle a conclu par un « J’accuse Erdogan d’avoir commis des crimes dans mon pays ».
Le troisième panel a réuni Charles Million, l’ancien Ministre de la Défense sous la présidence de Jacques Chirac, Renaud Girard, le célèbre géopoliticien et chroniqueur du Figaro, Bernard Godard, l’ancien haut fonctionnaire des Renseignements généraux, Younous Omarjee, Député européen, et JeanMarcou, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Grenoble et grand spécialiste de la Turquie. Ce panel a été animé par Jacques-Marie Bourget, ancien grand Reporter et correspondant de guerre à Paris-Match, et Khaled Zaghloul, correspondant du quotidien égyptien Al-Ahram.
L’ancien ministre de la Défense, Charles Million, a évoqué la question sensible de l’intégration de la Turquie au sein de l’Europe. Selon lui, « il serait désormais très difficile d’accepter la Turquie dans l’Union européenne compte tenu du changement radical du régime turc, notamment sur les questions des droits de l’homme et de la liberté de presse ». Selon l’ancien ministre, les événements de juillet dernier, avec le putsch raté, « ont révélé la véritable nature despotique de ce gouvernement idéologique ».
Renaud Girard a été dans le même sens évoquant l’impossibilité structurelle et indépassable d’intégrer la Turquie à l’UE. Il a ensuite remarquablement fait la démonstration de tous les paradoxes du régime turc, « pas uniquement au niveau de la politique intérieure mais aussi sur le plan international ».
Grand spécialiste de l’islamisme en France, l’ancien cadre des Renseignements généraux a abordé le point névralgique des « réseaux des Frères musulmans de la Turquie en Europe ». Il a indiqué que même si on ne peut pas à proprement parler de réseaux turcs, le militantisme islamiste de certains membres de la communauté turque en Europe est un fait indéniable ».
Le Député européen, Younous Omarjee, qui revient précisément d’une mission d’observation aux frontières turco-syriennes, s’est penché sur la question douloureuses des réfugiés et des candidats à l’émigration vers l’Europe. Selon lui, le gouvernement turc, « malgré ses efforts, n’a pas été à la hauteurs des attentes européennes ».
A la suite d’une conférence magistrale du professeur Jean Marcou, c’était au tour de Pierre Berthelot, responsable des études méditerranéennes de l’IPSE, de faire la synthèse du colloque qui a duré plus de cinq heures. Il a résumé les différentes interventions et estimé que « même en une après-midi entière, la question turque est inépuisable ». « Nos auditeurs, invités et journalistes ont toutefois une meilleure idée sur le gouvernement turque, sur ses orientations politiques et surtout sur les grands enjeux géopolitiques qui se jouent actuellement dans la région ».
C’était enfin au tour de Mezri Haddad de prendre la parole pour insister sur « l’imposture de l’union du politique et du religieux dans toutes les civilisations », pour rappeler que « le régime turc a joué un rôle néfaste dans le printemps arabe qu’il a tenté de soumettre à ses ambitions néo-ottomanes en fleuretant avec des mouvements djihadistes dont certains se sont retournés contre lui » et pour pointer du doigt « la dérive autocratique du régime turc ».
Après avoir remercié tous les conférenciers et invités d’honneurs, dont le doyen des Ambassadeurs africains en France et Ambassadeur du Tchad à Paris, Hissein Brahim Taha, l’Ambassadeur djiboutien Rached Farah, Mikhail Ermakov, l’attaché Naval à l’Ambassade de Russie en France, Evagoras Mavrommatis, le président de la communauté grecque et chypriote en Europe…., Mezri Haddad a clôturé le colloque par un message très diplomatique et subliminal : « Avec la nouvelle tournure dans les relations turco-russes, ont peut espérer que par l’influence de Vladimir Poutine, le président turc changera sa politique à l’égard des pays arabes et renoncera à son ambition néo-califale dans la région ».
Samira Hendaoui
Animé et modéré par José Manuel Lamarque, journaliste à Radio France Inter, le premier panel comptait Hassan Asfour , ancien ministre de l’Autorité palestinienne qui a fait le voyage de Jordanie à Paris. Sa communication en arabe et simultanément traduite au français, traitait de « La Turquie des Frères musulmans est bien néo-ottomane ». Il a remarquablement démontré que, même si Recep Tayyip Erdogan vient de la ramification turque des Frères musulmans, c’est un homme qui n’a aucune contrainte idéologique du moment où le but fixé est la restauration d’un empire néo-ottoman.
Le second à parler est David Rigoulet Roze, rédacteur en chef de la revue « Orients Stratégiques » et spécialiste de questions militaires. Il a traité des ambitions néo-califales d’Erdogan ». Son successeur à la tribune, François Campagnola, chercheur associé à l’IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe, est revenu sur le passage du kémalisme à l’islamisme, « comment la Turquie a basculé de la République laïque à la République islamique ». Pour lui, le système Erdogan n’est pas islamiste dans le sens courant du terme mais un drôle de mélange entre conservatisme religieux et nationalisme.
Après l’intervention du chercheur tunisien Mohamed Troudi, qui a rappelé l’histoire des conflits entre l’Empire russe et l’Empire Ottoman, c’était à Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, de traiter de « La Turquie au Moyen-Orient ou l’art de jouer sur tous les fronts ». Elle a mis en exergue la duplicité et l’hypocrisie d’Erdogan dans tous les conflits qui se jouent dans la région.
Toujours dans ce second panel, l’égyptien Abdel-Latif Menawy, écrivain et patron des la chaine de TV Al-Ghâd, s’est penché sur les relations historiques, idéologiques et politiques entre les Frères musulmans égyptiens et sa section turque. Dans sa conclusion, il a dénoncé l’ingérence du régime turc dans les affaires intérieures égyptiennes et précisé qu’après « la seconde transition démocratique de 2014, l’Egypte avait repris son rôle de leadership dans le monde arabe ».
Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France et auteur de « Tempête sur le Grand-Moyen-Orien », sur le rôle de la Turquie dans la crise syrienne, qui a été selon lui « négatif et même destructeur ». Le diplomate a laissé entendre qu’il existait « des relations troublantes entre le régime d’Erdogan et certains groupes djihadistes, y compris ceux de l’état islamique ». Il a ajouté qu’après avoir été elle-même touché par le terrorisme, « la Turquie a rallié la coalition pour combattre Daech…sans pour autant renoncer au bombardement des troupes Kurdes » !
L’ancienne responsable libyenne de la condition féminine, Zohra Mansour, n’a pas vraiment donné de conférence mais prononcé un discours passionné dans lequel elle a violemment critiqué la Turquie « dont les troupes étaient au sol libyen au moment de la guerre contre la Libye pays ». Elle a conclu par un « J’accuse Erdogan d’avoir commis des crimes dans mon pays ».
Le troisième panel a réuni Charles Million, l’ancien Ministre de la Défense sous la présidence de Jacques Chirac, Renaud Girard, le célèbre géopoliticien et chroniqueur du Figaro, Bernard Godard, l’ancien haut fonctionnaire des Renseignements généraux, Younous Omarjee, Député européen, et JeanMarcou, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Grenoble et grand spécialiste de la Turquie. Ce panel a été animé par Jacques-Marie Bourget, ancien grand Reporter et correspondant de guerre à Paris-Match, et Khaled Zaghloul, correspondant du quotidien égyptien Al-Ahram.
L’ancien ministre de la Défense, Charles Million, a évoqué la question sensible de l’intégration de la Turquie au sein de l’Europe. Selon lui, « il serait désormais très difficile d’accepter la Turquie dans l’Union européenne compte tenu du changement radical du régime turc, notamment sur les questions des droits de l’homme et de la liberté de presse ». Selon l’ancien ministre, les événements de juillet dernier, avec le putsch raté, « ont révélé la véritable nature despotique de ce gouvernement idéologique ».
Renaud Girard a été dans le même sens évoquant l’impossibilité structurelle et indépassable d’intégrer la Turquie à l’UE. Il a ensuite remarquablement fait la démonstration de tous les paradoxes du régime turc, « pas uniquement au niveau de la politique intérieure mais aussi sur le plan international ».
Grand spécialiste de l’islamisme en France, l’ancien cadre des Renseignements généraux a abordé le point névralgique des « réseaux des Frères musulmans de la Turquie en Europe ». Il a indiqué que même si on ne peut pas à proprement parler de réseaux turcs, le militantisme islamiste de certains membres de la communauté turque en Europe est un fait indéniable ».
Le Député européen, Younous Omarjee, qui revient précisément d’une mission d’observation aux frontières turco-syriennes, s’est penché sur la question douloureuses des réfugiés et des candidats à l’émigration vers l’Europe. Selon lui, le gouvernement turc, « malgré ses efforts, n’a pas été à la hauteurs des attentes européennes ».
A la suite d’une conférence magistrale du professeur Jean Marcou, c’était au tour de Pierre Berthelot, responsable des études méditerranéennes de l’IPSE, de faire la synthèse du colloque qui a duré plus de cinq heures. Il a résumé les différentes interventions et estimé que « même en une après-midi entière, la question turque est inépuisable ». « Nos auditeurs, invités et journalistes ont toutefois une meilleure idée sur le gouvernement turque, sur ses orientations politiques et surtout sur les grands enjeux géopolitiques qui se jouent actuellement dans la région ».
C’était enfin au tour de Mezri Haddad de prendre la parole pour insister sur « l’imposture de l’union du politique et du religieux dans toutes les civilisations », pour rappeler que « le régime turc a joué un rôle néfaste dans le printemps arabe qu’il a tenté de soumettre à ses ambitions néo-ottomanes en fleuretant avec des mouvements djihadistes dont certains se sont retournés contre lui » et pour pointer du doigt « la dérive autocratique du régime turc ».
Après avoir remercié tous les conférenciers et invités d’honneurs, dont le doyen des Ambassadeurs africains en France et Ambassadeur du Tchad à Paris, Hissein Brahim Taha, l’Ambassadeur djiboutien Rached Farah, Mikhail Ermakov, l’attaché Naval à l’Ambassade de Russie en France, Evagoras Mavrommatis, le président de la communauté grecque et chypriote en Europe…., Mezri Haddad a clôturé le colloque par un message très diplomatique et subliminal : « Avec la nouvelle tournure dans les relations turco-russes, ont peut espérer que par l’influence de Vladimir Poutine, le président turc changera sa politique à l’égard des pays arabes et renoncera à son ambition néo-califale dans la région ».
Samira Hendaoui
Charles Millon, ancien Ministre de la Défense sous la Présidence de Jacques Chirac, et Caroline Galactéros, officier de réserve au sein des Armées et spécialiste à l'hebdomadaire Le Point.
Abdel-Latif Menawi, patron de la chaîne de télévision égyptienne Al-Ghaad.
Renaud Girard, Professeur à Sciences-Po Paris et géopolitologue du Figaro.
Bernard Godard, ancien haut cadre des Renseignements généraux français et grand spécialiste de l'islamisme.