L’ambassadeur épicier et la journaliste brocanteuse


27 Février 2016

Entre Boris Boillon et Catherine Graciet, il n’existe a priori aucun point commun. Le premier a été l’étoile filante de la diplomatie française sous la présidence du plus grand chef d’Etat que la France n’a jamais connue. Et la seconde a été la journaliste la plus engagée dans la défense des peuples arabes contre leurs dictatures corrompues.


Le 31 juillet 2013, à 16h30, à la gare du Nord, sur le quai en partance vers Bruxelles, les douaniers contrôlent des passagers prêts à monter dans le train Thalys. Parmi les voyageurs, un beau goss à la physionomie athlétique, vêtu d’un jean et d’un polo. Les douaniers ne le reconnaissent pas, mais il s’agit de Boris Boillon, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie.

L’épicerie de Boris à Belleville

Selon Médiapart du 31 août 2013, les douaniers demandent à Boris Boillon  s’il transporte des devises. Son ex-Excellence répond par la négative, mais les douaniers le fouillent quand même et découvrent dans son sac des « enveloppes contenant des billets de banque de 500 euros ». Total de la prise : 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide.

Tout de suite après ce scoop de Médiapart, la presse malveillante  y est allée chacune de son interprétation sans fondement. Les uns ont laissé entendre qu’il s’agissait d’argent libyen, plus précisément du Libya Africa Investment Portfolio, un fonds de plusieurs milliards de dollars détenu par Bachir Saleh, l’ex homme de confiance du colonel Kadhafi. Les autres ont prétendu que cet argent avait été versé par des clients irakiens et devait servir à créer une filiale de sa société de conseil, Spartago (Paris Match 11 septembre 2013).

Si nos confrères français avaient un peu plus poussé leurs investigations, ils auraient découvert que cet argent n’avait aucune provenance douteuse. L’ex ambassadeur plénipotentiaire aurait pu ouvrir une épicerie à Belleville, qu’il aurait pu appeler « B-B-B », pour gagner honnêtement sa vie !

La brocante de Catherine à Marrakech

Le 27 août 2015 à Paris, à l'issue d'une rencontre avec Hicham Naciri, l'émissaire-négociateur du secrétariat particulier du roi du Maroc Mohammed VI, Catherine Graciet et Éric Laurent sont interpellés par la police. Selon Le Figaro du 26 janvier 2016, les deux journalistes d’investigation repartaient chacun « avec deux enveloppes contenant une avance de 40.000 euros en coupures de 100 et un «contrat» signé dans lequel ils s'engageaient «à ne plus rien publier sur le royaume».

Toujours selon le très malveillant Paris Match en date du 29 août 2015, les deux journalistes français seraient « soupçonnés d'avoir fait chanter le royaume du Maroc en demandant 3 millions d'euros pour ne pas publier un livre contenant des informations compromettantes » sur « Le Roi prédateur », pour reprendre cette expression au titre de leur livre précédent, publié aux éditions du Seuil en mars 2012.
  
Certes, mis en examen pour « chantage » et « extorsion de fonds » à l'encontre du roi du Maroc, les deux journalistes d’investigation bénéficient cependant du doute et ils ont droit à la présomption d’innocence. Si les montants découverts sur chacun des journalistes à leur sortie de l'hôtel Raphaël du XVIe arrondissement parisien, ont été constatés par les policiers qui les ont interpellés, rien ne prouve qu’ils exigeaient du « Roi prédateur » 3 millions d’euros en échange de la non publication de leur second livre sur le Maroc. Même les 40 000 euros saisis auraient pu provenir de la boutique de brocante que Catherine Graciet aurait pu ouvrir à Marrakech.

Lilia Ben Rejeb