Le sigle de l'organisation OTPOR, que tous les moutons tunisiens ont affiché sur leurs pages facebook un certain janvier 2011.
Et soudain l’autre jour, ce devait être mardi ou mercredi, j’ai eu cette révélation que si aujourd’hui Emile Zola publiait son J’accuse, si Camus nous disait son sentiment sur des guerres proches ou lointaines, ils recevraient en retour une bordée d’injures venues de cette masse de charmants anonymes qui inondent de leurs commentaires fétides les pages des journaux mises à leur disposition.
De ceux qui, à l’aide de leur compte Facebook, peuvent tout à leur aise répandre la substantifique moelle de leur pensée atrophiée, interpeller du haut de leurs savoirs microscopiques et de leur langue exsangue, des historiens, des écrivains, des philosophes, des journalistes coupables d’avoir donné leur avis sur un quelconque sujet d’actualité.
A l’heure d’Internet, tout le monde désormais s’imagine un destin de grand intellectuel.
N’importe quel clampin à même d’éjaculer deux phrases écrites dans un français de bouillabaisse vient en tout bien tout honneur déposer son étron au bas d’un article, et tout content de ses basses œuvres, humant la bonne odeur de son savoir ainsi étalé, se repaît d’avoir dit ses quatre vérités au rédacteur d’un article ou d’une tribune qu’il a à peine lu et encore moins compris.
C’est qu’Internet a tout brouillé. Autrefois le lecteur de France Dimanche lisait tranquillement son torchon sans embêter personne, sans se douter un seul instant qu’il puisse exister en ce bas-monde une presse capable de s’intéresser à autre chose qu’aux hémorroïdes supposées de Lady Di ou aux amours clandestins d’une chanteuse avec son majordome.
Egaré dans le brouillard de sa propre incontinence mentale, il cavalait solitaire sur les champs arides de sa parfaite et sublime insignifiance délimités par un périmètre bordé par la Roue de la Fortune, le tirage du loto, la centième rediffusion des Sous-doués passent le bac, la retransmission épisodique d’un match de l’Equipe de France et la grande finale d’Intervilles. Il ignorait qu’un autre monde pouvait exister.
Aujourd’hui ce même ahuri, ce même pétomane, ce même unijambiste de l’intellect, grâce à la gratuité offerte par l’internet, peut en toute tranquillité lire par exemple une tribune de Robert Badinter et se fendre d’un commentaire aussi perspicace que ” Sérieux c est histoire d anti semitisme commence a gonffler, perso chui française, agnostique, mais ce que font les israéliens est insupportable “. (Je n’aborde pas ici le fond du sujet, c’est encore une autre histoire.)
Ou bien : ” Les vrais musulmans ne sont pas antisemistes car croient en Moïse et en tous les prophètes ils sont plutôt anti sionistes qui sont eux mêmes anti judaïsme ” Hein ?
Alors certes j’entends bien que, puisque le suffrage universel existe, tout le monde a le droit à la parole. Qu’après tout on pourrait se réjouir que désormais les frontières aient volé en éclats, que la lecture du Monde ne soit plus réservée à l’élite intellectuelle de ce pays, que quiconque possédant un ordinateur, puisse intervenir et donner son avis au sujet des grandes questions travaillant la société française.
Qu’on n’assiste là à la dernière étape de la démocratisation du "savoir".
Ce serait seulement oublier le tonneau d’insultes, d’injures et de menaces qui accompagnent ces commentaires célestes. “ Il devient gaga le papi anti peine de mort.”
Toute cette haine diffuse qui se répand désormais au détour de n’importe quel papier, ce dégueulis immonde du racisme ordinaire, cette façon d’exprimer au grand jour l’expression de son éternel ressentiment, cette affolante propension à dénigrer l’autre sans l’ombre d’un début de raisonnement, cette capacité à cracher son venin sans jamais se remettre en question, cette appétence à tenir des propos si inconsistants qu’ils sont à peine compréhensibles.
Pas l’ombre d’une réflexion mais juste une diarrhée verbale ânonnée par des esprits manchots capables par exemple dès qu’un essayiste tente un rapprochement avec la période nazie afin d’expliquer la montée d’un parti politique de caqueter comme des perroquets borgnes ” Point Godwin! Point Godwin ! Point Godwin “, alors que leur connaissance de la seconde guerre mondiale doit se résumer à la prestation de Bourvil dans La Grande Vadrouille.
Bien sûr le plus simple serait de ne pas les lire.
Ce serait pourtant se priver d’une radiographie d’une certaine France encline à chercher ailleurs les raisons de son déclin et manquer à son devoir de vigie quand insensiblement une partie de plus en plus conséquente de la société s’enfonce dans les sables mouvants d’un nationalisme fourbissant ses armes à l’ombre de la République.
Laurent Sagalovitsch, sur son blog http://blog.slate.fr/sagalovitsch/
De ceux qui, à l’aide de leur compte Facebook, peuvent tout à leur aise répandre la substantifique moelle de leur pensée atrophiée, interpeller du haut de leurs savoirs microscopiques et de leur langue exsangue, des historiens, des écrivains, des philosophes, des journalistes coupables d’avoir donné leur avis sur un quelconque sujet d’actualité.
A l’heure d’Internet, tout le monde désormais s’imagine un destin de grand intellectuel.
N’importe quel clampin à même d’éjaculer deux phrases écrites dans un français de bouillabaisse vient en tout bien tout honneur déposer son étron au bas d’un article, et tout content de ses basses œuvres, humant la bonne odeur de son savoir ainsi étalé, se repaît d’avoir dit ses quatre vérités au rédacteur d’un article ou d’une tribune qu’il a à peine lu et encore moins compris.
C’est qu’Internet a tout brouillé. Autrefois le lecteur de France Dimanche lisait tranquillement son torchon sans embêter personne, sans se douter un seul instant qu’il puisse exister en ce bas-monde une presse capable de s’intéresser à autre chose qu’aux hémorroïdes supposées de Lady Di ou aux amours clandestins d’une chanteuse avec son majordome.
Egaré dans le brouillard de sa propre incontinence mentale, il cavalait solitaire sur les champs arides de sa parfaite et sublime insignifiance délimités par un périmètre bordé par la Roue de la Fortune, le tirage du loto, la centième rediffusion des Sous-doués passent le bac, la retransmission épisodique d’un match de l’Equipe de France et la grande finale d’Intervilles. Il ignorait qu’un autre monde pouvait exister.
Aujourd’hui ce même ahuri, ce même pétomane, ce même unijambiste de l’intellect, grâce à la gratuité offerte par l’internet, peut en toute tranquillité lire par exemple une tribune de Robert Badinter et se fendre d’un commentaire aussi perspicace que ” Sérieux c est histoire d anti semitisme commence a gonffler, perso chui française, agnostique, mais ce que font les israéliens est insupportable “. (Je n’aborde pas ici le fond du sujet, c’est encore une autre histoire.)
Ou bien : ” Les vrais musulmans ne sont pas antisemistes car croient en Moïse et en tous les prophètes ils sont plutôt anti sionistes qui sont eux mêmes anti judaïsme ” Hein ?
Alors certes j’entends bien que, puisque le suffrage universel existe, tout le monde a le droit à la parole. Qu’après tout on pourrait se réjouir que désormais les frontières aient volé en éclats, que la lecture du Monde ne soit plus réservée à l’élite intellectuelle de ce pays, que quiconque possédant un ordinateur, puisse intervenir et donner son avis au sujet des grandes questions travaillant la société française.
Qu’on n’assiste là à la dernière étape de la démocratisation du "savoir".
Ce serait seulement oublier le tonneau d’insultes, d’injures et de menaces qui accompagnent ces commentaires célestes. “ Il devient gaga le papi anti peine de mort.”
Toute cette haine diffuse qui se répand désormais au détour de n’importe quel papier, ce dégueulis immonde du racisme ordinaire, cette façon d’exprimer au grand jour l’expression de son éternel ressentiment, cette affolante propension à dénigrer l’autre sans l’ombre d’un début de raisonnement, cette capacité à cracher son venin sans jamais se remettre en question, cette appétence à tenir des propos si inconsistants qu’ils sont à peine compréhensibles.
Pas l’ombre d’une réflexion mais juste une diarrhée verbale ânonnée par des esprits manchots capables par exemple dès qu’un essayiste tente un rapprochement avec la période nazie afin d’expliquer la montée d’un parti politique de caqueter comme des perroquets borgnes ” Point Godwin! Point Godwin ! Point Godwin “, alors que leur connaissance de la seconde guerre mondiale doit se résumer à la prestation de Bourvil dans La Grande Vadrouille.
Bien sûr le plus simple serait de ne pas les lire.
Ce serait pourtant se priver d’une radiographie d’une certaine France encline à chercher ailleurs les raisons de son déclin et manquer à son devoir de vigie quand insensiblement une partie de plus en plus conséquente de la société s’enfonce dans les sables mouvants d’un nationalisme fourbissant ses armes à l’ombre de la République.
Laurent Sagalovitsch, sur son blog http://blog.slate.fr/sagalovitsch/