Constitution tunisienne : le torchon est fin prêt !


29 Décembre 2013

Article que Seif Ben Kheder a bien voulu nous adresser et dans lequel il décrit la future constitution tunisienne, celle que les Tunisiens attendent depuis octobre 2012, date à laquelle les membres de l'ANC auraient dû s'éclipser. C'est la constitution des tocards de la Troïka, qui remplacera celle des pères fondateurs de la défunte République. Responsable de cette régresion historique, le Beldi révolutionnaire, Yadh Ben Achour, que l'auteur de cet article cite, et la gauche tunisienne qui est à l'origine de cette idée lumineuse: une assemblée constituante.


Une constitution de toutes les antinomies, enveloppée par les ambiguïtés héritées de ses précédentes et garnie par les intérêts partisans, vient d'être finalisée et sera bientôt soumise au vote de ceux même qui l'ont façonné à leur pointure. Une constitution, pour laquelle, semble-t-il, le peuple s'est révolté afin de remettre de l'ordre dans sa vie, espérant un avenir meilleur pour ses descendants.

Une constitution qui a coûté la vie de plusieurs militants civils, de cadres politiques, de soldats, de policiers, de gardes, d'activistes, ou encore de contestataires inconnus. Une constitution qui nous a valu tous les tristes records de tous les temps, dans l'histoire de ce pays, en déficit budgétaire, en inflation, en taux de pauvreté, en taux de chômage, en endettement, en déficit commercial, en taux de croissance, en dépendance financière, en dépendance énergétique, en taux de criminalité, en taux d'accidents, en tensions socio-ethniques, en violence politique, en nombre d'attentats terroristes, en taux de radicalisation, en pollution des rues, en épidémies d'un autre âge, et j'en passe.

Une constitution où l'on ne verra nulle part inscrite la phrase "Nous, peuple de Tunisie", où la souveraineté ne lui revient dans aucun chapitre, où son identité baigne dans l'ambivalence de la république des confusions préméditées. Une constitution où la nation est réduite à un état, où l'état est ramené au gouvernement, où les pouvoirs sont compactés, où le régime n'est ni parlementaire ni présidentiel, ni semi parlementaire ni semi présidentiel, ni républicain ni monarchique, à la merci de la trouvaille de Ben Achour, premier responsable de cette débâcle et son origine même depuis sa mise à la tête de l'instance pré-électorale, qui qualifiait ce nouveau régime par "rationalisé".

Une constitution où l'islam d'état continuera à régner en maître sur toutes nos législations et demeurera otage des interprétations de ceux qui sont au pouvoir, à travers une cour constitutionnelle forcément partisane de-par sa composition et les modalités du choix de ses membres. Une constitution où la notion d’état civil est à l’encontre de celle d’un état doté d’une religion et surtout pas synonyme de séculaire. Où l’état est gardien de la religion, en article défini qui ne renvoie guère aux autres cultes et encore moins à la liberté de ne pas croire.

Une constitution où rien, ou presque rien, ne garantie la non-discrimination des résidents étrangers sur notre sol, ni celle des citoyens tunisiens, qui serait établie sur la base d’une croyance, d’une opinion, d’une couleur ou d’une race. Le meilleur exemple vous le trouverez dans le chapitre se référent aux conditions requises pour la candidature aux présidentielles.
Une constitution où l’esclavage n’est pas interdit et l’exploitation n’est pas mentionnée. Où les termes « sacré » et « pudeur » n’ont de définition que dans la rançon exigée par l’agent en service.

Une constitution où les droits de l’enfant, comme ceux du bébé, comme ceux de l’adolescent ne sont indiqués en aucun endroit. Où il n’y aura de toutes les manières aucune émancipation de leur mère en tant qu’égale de l’homme dans ses droits et ses devoirs. Une constitution où les générations futures seraient des autofécondées, héritant d’un paysage dantesque sans savoir par où commencer, ni comment faire, ni par quels moyens le faire. Où les terres ne seront pas les leurs, où l’eau se fera très rare, où le soleil sera payant et où l’air sera asphyxiant.
Une constitution où les mots « stratégie », « souveraineté nationale », « contrôle démocratique », « état décentralisé », « démocratie locale », « bonne gouvernance », « administration dématérialisée », « progrès », « modernité », « prospérité », ou encore « bonheur », ne connaissent pas de place dans ce torchon truffé de mines anti-temporelles.

Il n’est guère flatteur de dire qu’on avait raison d’alerter l’opinion publique durant ces deux années de galère, sur cette éventuelle fin tragi-comique, débouchant sur une impasse qui ne mènera qu’à des tensions supplémentaires et qui seraient de plus en plus dangereuses au fil du temps. Mais il était peut être nécessaire d’en arriver là, pour pouvoir prendre conscience de la supercherie de cette classe politique faisant partie d’un mercenariat international, associée à une élite intellectuelle des plus vendues dans le marché des consciences. Un tel texte mènera inévitablement à l’explosion sociale et aux affrontements des classes, sur fond de conflits confessionnels et ethniques, dont le chef de bande se félicitait aujourd’hui, dans sa conférence de presse, de la splendeur de l’œuvre.

Seif Ben Kheder