Cher Jilani Daboussi, je te demande pardon


9 Mai 2014

Lettre de regret et de pardon de Hamid Chabaane, que le défunt Jilani Daboussi ne lira pas. Ils se sont connus à Strasbourg, et le troisième « ami » dont Hamid Chabaane ne cite pas le nom, par précaution ou par mépris, est Moncef Marzouki, qui est complice dans la mort à petit feu de Jilani Daboussi. Comme ultime recours d’un homme en agonie, ce dernier a écrit à l’usurpateur de Carthage, mais sa lettre est restée sans réponse. Et pour cause : Marzouki a cultivé toute sa vie la haine, le mensonge et le ressentiment, jamais les droits de l’homme dont il se targue. Tout le contraire du médecin Daboussi, qui a passé sa vie à s’occuper de sa région, à soigner les déshérités, à circoncire les enfants pauvres…Il sera inhumé aujourd’hui vendredi, au cimetière Sidi Salah, au Bardo. TS présente ses condoléances à son épouse Annie-Clément Charlotte, à sa fille Sarra, à son fils Sami, à son frère Abdelmajid, à toute sa famille, ainsi qu’aux habitants de Tabarka et Aïn Draham, tous témoins de l’humanisme dont faisait preuve leur cher disparu.


Docteur Jilani Daboussi, patriote et humaniste que la Justice de Béji Caïd Essebsi a mis en prison et que la Justice de Mehdi Jomaa a laissé agonir.
Paix à ton âme l'ami de ma jeunesse qui a fait le coup de poing pour moi dans les rues de Strasbourg. Je suis si triste ce soir car je m'étais promis de te rendre visite dans ta prison et tu es parti si vite que je n'ai pu tenir ma promesse.

J'avais commencé à me renseigner sur les formalités à accomplir pour avoir ce droit de visite mais voilà, tu ne m'as pas laissé le temps. Mais tu m'as laissé le regret et le remords d'avoir traîné alors que tu devais être dans l'urgence. Je te demande pardon. Je n'aurais pas été d'un grand secours de toutes façons mais j'imagine que c'eut été pour toi, un petit moment de répit et, je veux le croire, un instant de bonheur.

Je t'ai connu dans nos vingt ans. Tu étais bagarreur, plus gauchiste que moi, adversaire déterminé du despotisme de Bourguiba et du PSD; tu chahutais régulièrement les assemblées de l'UGET. Pour la grande comme pour la petite histoire, je témoigne de ton tabassage un soir par des gros bras destouriens, visage tuméfié et lèvres éclatées.

Nous refaisions tous les jours le monde à la Gallia, parfois avec un autre futur docteur de ta promotion qui ne semblait avoir guère d'intérêt ni pour notre gauchisme ni pour nos rêves de liberté et de démocratie. Destins croisés terribles. Au crépuscule, toi dans une prison lugubre, lui dans un palais provisoire et moi toujours nulle part.
 
Puis, je vous ai perdus de vue très longtemps jusqu'au jour où j'appris par les journaux qu'à l'âge adulte tu as pu retrouver nos rêves de jeunesse dans le parti de Bourguiba. Je suis parti un jour à Ain Draham spécialement pour en discuter et te dire que moi, je ne le y retrouve toujours pas. Mais je n'ai pas eu de chance, ce jour là tu étais à Tunis, peut-être à la Chambre dont tu étais déjà membre je crois.

Tu as continué avec Ben Ali qui m'a banni 20 ans .Tu ne le savais probablement -et même sûrement - pas et la question que je voulais te poser demeurera définitivement sans réponse. Le pire traître à la jeunesse est, dit-on, l'âge adulte. Mais, toi, quelles qu'eussent été tes raisons, je sais qu'elles n'ont rien à voir avec l'opportunisme car tu n'en avais pas besoin. Ceux qui t'ont envoyé en prison sans jugement et qui t'y ont laissé mourir ne méritent d'aucune démocratie et d'aucune révolution. Paix à ton âme mon ami, j'ai tant souhaité te revoir.

Hamid Chabaane, Tunis le 9 mai 2014

L’inhumation de feu Jilani Daboussi aura lieu ce vendredi au cimetière Sidi Salah, au Bardo, et la cérémonie du Fark, le samedi 10 mai, au domicile familial, 12 rue Salammbô, au Bardo.