Ce que Youssef Chahed doit à Rached Ghannouchi: le grand secret du petit Poucet


14 Novembre 2016

Exclusif: si certains ont cru que les américains étaient derrière sa nomination à la Casbah, d’autres ont laissé entendre qu’il doit son poste à ses liens de parenté avec le Bey de Carthage. En fait, c’est d’abord au chef des Frères musulmans, Rached Ghannouchi, que notre jeune agronome doit sa fulgurante ascension.


Avec son diplôme en agronomie et son expérience auprès de l’ambassade des Etats-Unis en Tunisie, Youssef Chahed aurait pu faire un excellent ministre de l’Agriculture dans un pays où l’on criait famine en janvier 2011 et où il n’y aura bientôt que des navets et des pommes de terre à manger.
 
Arrivé à la Kasbah le 27 août dernier, le très jeune Youssef Chahed devait remplacer le très médiocre Habib Essid. Dans cette renaissance politique miraculeuse, il y a un secret bien gardé et partagé entre l’oligarchie des Beldi et la secte des Frères musulmans. Le consensus sur le nom de ce jeune agronome ne s’est pas établi à la suite d’une « recommandation » américaine, comme certains l’ont laissé croire, mais d’une entente « familiale » entre le Bey sans couronne, Béji Caïd Essebsi et l’Ayatollah sans imamat, Rached Ghannouchi.

Le consensus s’est établi spontanément et naturellement. On savait que Youssef Chahed est un lointain parent à Béji Caïd Essebsi (le gendre de Béji est le frère de l’épouse de l’oncle de Youssef Chahed !). Mais on ne savait pas que sa grand-mère maternelle, Radhia Ben Ammar épouse Haddad était une amie fidèle à Fatma, la première épouse de Rached Ghannouchi.

Les deux dames se sont connues au siège du journal d’opposition Erraï, que dirige Hassib Ben Ammar (1924-2008), le propre frère de Radhia (1922-2003). Le journal Erraï (1977-1987) était le seul journal d’opposition à l’époque et son fondateur, Hassib Ben Ammar, est un destourien de la première heure qui a été directeur du PSD (1969-1970), ministre de la Défense (1970-1971) et ambassadeur, avant de se faire récupérer par Ben Ali qui le nomme en 1987 membre du Conseil constitutionnel, puis président de l’Institut arabe des droits de l’homme.

Dans le livre de la canadienne Lise Garon, Hassib Ben Ammar confie que «Nous avons ouvert nos colonnes à tous. Même à Rachid Ghannouchi (islamiste) et à Mohamed Harmel (communiste), alors que nous n’épousions pas leurs positions. Cela au nom de la liberté d’expression. J’ai même publié un éditorial qui prenait la défense des intégristes.» (Le silence tunisien : les alliances dangereuses au Maghreb, édition L’Harmattan, 1998).

C’est à cette époque (1981) que Radhia Haddad fait la connaissance de Fatma Ghannouchi, dont l’époux purgeait une peine de onze ans de prison pour appel à la violence et actes terroristes. Fatma se rendait régulièrement au siège du journal Erraï pour donner des nouvelles de son mari emprisonné et que ce journal relayait. Nous sommes à l’époque de l’ouverture démocratique que prônait Mohamed Mzali (1925-2010), alors premier ministre et dont l’épouse Fathia Mzali était à la tête de l’Union nationale des femmes tunisiennes (UNFT) d’où avait été écartée auparavant Radhia Haddad.

C’est ainsi que l’ancienne militante féministe et opposante à Bourguiba au sein du MDS d’Ahmed Mestiri, deviendra la bienfaitrice amie de la jeune et « pauvre » Fatma. Et c’est en raison de cette attitude que le très « affectif » et « reconnaissant » Rached désignera Youssef Chahed en tant que premier ministre de Béji Caïd Essebsi, le Beldi qui haïssait Bourguiba et qui était l’un des cofondateurs du journal Erraï !

Lilia Ben Rejeb