BCE a beau avoir l’âge de ses vaisseaux, ses réflexes politiques restent justes, par Maher Haffani


31 Aout 2014

A la fois très belle lettre et très profond message politique, ce texte est à lire et à méditer. Son auteur n’est ni philosophe, ni un professionnel de la politique, mais un docteur en médecine, spécialiste en pédiatrie, qui ne manque pas d’intelligence politique et surtout de patriotisme. Il s’est impliqué politiquement dès janvier 2011, en rejoignant le PDP d’Ahmed Néjib Chebbi. Désenchanté, il le quitte pour Nidaa Tounes, parti auquel il consacre beaucoup de son temps au prix de sa famille et de sa profession. Conscient des dissensions et des démissions qui peuvent affecter Nidaa Tounes au moment des prochaines élections, il milite activement auprès de Taïeb Baccouche pour créer l’UPT, dans le but de capter tous les déçus du caïd-essebsisme. « J’aurai vu en l'UPT un allié solide pour le Nidaa », écrit-il avec amertume. Peine perdue et il s’en explique pourquoi.


Docteur Maher Haffani, un pédiatre tourmenté par la nurserie politique tunisienne !
Après des mois et des mois de militantisme et de sacrifices divers, j'en suis arrivé aux conclusions suivantes :

1. De ceux que j'ai côtoyés depuis le 14 janvier 2011 et qui pensent faire de la politique, seules une ou deux personnes, malheureusement d'un âge avancé, connaissent la vérité historique des équilibres sociaux et régionaux de notre pays.

2. La plupart jouent à faire de la politique au risque de plus en plus imminent de s'en bruler. Qu'ils brulent alors, mais pourvu qu'ils n'entrainent pas tout le pays dans leur brasier. Chose qui semble malheureusement de plus en plus plausible.

3. À ce jour, plus de 500 listes électorales pour les législatives ont été inscrites. Un non sens politique. Qu'ont retenu les tunisiens des anciennes élections ? N'ont-ils pas crié à l'immaturité et scandé haut et fort à qui veut l'entendre des oraisons contre l'éparpillement des voix ? Les revoilà repartis pour un tour.

4. Jamais rien de bon ne pourra être construit dans l'avenir de notre pays tant que ces apprentis politiciens continuent à se faire passer pour des messies.

5. Je me suis longtemps demandé pourquoi est ce que le principal composant de l'UPT s'en est-il écarté ? J'avoue même lui en avoir politiquement voulu car j'ai, comme beaucoup, cru que toutes les tendances politiques non idéologiquement marquée par la religion pouvaient et devaient se regrouper pour faire face au péril qui menace notre pays. Notre voisin, lui, a souffert de ses conséquences pendant plus de 12 ans laissant au passage une facture amère s'élevant à plus de 200 mille morts et une fracture sociétale qui n'est pas prête à être consolidée. Personne de ces politiciens à la mémoire courte ne semble tirer de leçon. A croire qu'ils sont tous nés après les événements d'Algérie et qu'ils n'ont pas pris la peine de s'en informer. Tout compte fait, si BCE a beau avoir l'âge de ses vaisseaux mais sa vision est intacte et ses réflexes politiques justes.

Que faire alors ?

Je comprends beaucoup de mes amis et connaissances qui m'ont fait part de leur hésitation et je suis aussi intrigué que tout le monde. Je suis d'autant plus concerné par vos hésitations que je me suis engagé envers beaucoup soit par mon parti pris pour Nida que pour sa composante unificatrice l'UPT.

J'avoue que l'annonce de la décision des listes électorales propres à Nida aurait pu être mieux préparée par une meilleure négociation avec ses composants. Cela aurait permis à Nida de jouer le rôle que joue Nahdha avec ses listes satellites. J'aurais vu en l'UPT un allié solide pour le Nida. Il lui aurait épargné les alliances contre nature d'où qu'elles émanent. Mais bon, le fait est que la vérité est différente.

Nous aurons tous beaucoup à faire pendant les élections et encore plus après car nous ne céderons pas facilement notre pays et nos institutions.
Notre sort n'est en grande partie plus entre nos mains et la solution reste régionale, c'est ce que m'a affirmé récemment un ténor bourguibien de la politique, je le concède mais en partie. Car demain nous voterons et nous serons les instigateurs de notre destin. Nous aurons alors toutes les raisons du monde de nous en vouloir à nous mêmes en cas d'échec.

Votons Nidaa Tounes et advienne que pourra

Mon devoir envers ceux qui m'ont soutenu de plusieurs régions du pays pour être sur les listes de l'UPT (Saïda, Abdelhakim, Moncef, Eliès, Montassar, Fadhel, Raoudha, Sahbi, Mezri, Lamia, Monia, Nejla, Fatma et les autres que je n'oublie pas) est de leur annoncer que ma décision de ne pas en être est murement réfléchie. J'estime, en effet, pouvoir rendre service par cette position en faveur de l'utilité des voix et j'espère ne pas me tromper.

Alors votons massivement Nida et advienne que pourra. Peut être qu'un vote massif Nida nous épargnera des déchirures et des fractures dont les cicatrices seraient le terrain de chéloïdes ou de mauvaises consolidations.

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui m'ont tant soutenu durant ces derniers mois soit à propos de mes engagements soit à propos de mon émission télévisée "le droit à la santé".

Je tiens aussi à m'excuser auprès de ceux que j'ai déçus et ils se reconnaitront. Je leur dis que ce n'est que partie remise et ils pourront eux mêmes assurer ce que je n'ai pu finaliser.

Docteur Maher Haffani, 29 août 2014.