La situation sécuritaire dans ce pays, gangrené par la violence et livré aux bandes armées, va effectivement de mal en pis. La Libye est, aujourd’hui, au bord de l’explosion et menace en réalité la stabilité de tous les pays de la région.
Pour le président du mouvement tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, l’instabilité que vit actuellement la Tunisie au plan sécuritaire a une seule origine : la Libye voisine. «Il y a une vague terroriste résultant du trafic d’armes à partir de la Libye vers la Tunisie et du resserrement de l’étau sur les groupes violents qui a suscité des réactions de la part de ces derniers», a-t-il répondu à une question sur la situation sécuritaire en Tunisie, en marge de l’ouverture du 5e congrès du mouvement Ennahda (formation politique algérienne) dont les travaux se sont déroulés jeudi à Alger.
A cette occasion, le leader islamiste tunisien a souligné que la riposte des forces de l’ordre aux opérations terroristes était ferme, soutenant que «la violence en Tunisie n’a pas d’avenir» et qu’«il ne peut y avoir de révolution violente contre la démocratie». Il a en outre précisé que «le phénomène de la violence en Tunisie est isolé», précisant que son pays s’inspire dans sa politique de lutte antiterroriste de l’expérience algérienne. M. Ghannouchi – qui semble ainsi répondre à tous ceux qui, en Tunisie, accusent Ennahdha de complaisance à l’égard des extrémistes ou des terroristes – a ajouté que ces groupes ne peuvent représenter une menace pour le régime en place car étant appuyé par une volonté populaire réelle. Quid, maintenant, de la situation politique dans son pays ? S’il a reconnu que la situation politique dans son pays n’était pas satisfaisante, le président du mouvement Ennahdha a toutefois insisté sur l’idée que celle-ci n’était «pas inquiétante».
Le leader du mouvement tunisien Ennahdha, qui a été reçu hier par le président Bouteflika, n’a pas tout à fait tort de désigner la Libye comme l’une des principales sources des problèmes de la Tunisie.
La situation sécuritaire dans ce pays, gangrené par la violence et livré aux bandes armées, va effectivement de mal en pis. La Libye est, aujourd’hui, au bord de l’explosion et menace en réalité la stabilité de tous les pays de la région. Pas plus tard qu’hier, deux personnes ont été tuées et 24 autres blessées dans le sud de Tripoli, lorsqu’une milice a tiré sur des centaines de manifestants venus réclamer pacifiquement le départ de ces ex-rebelles de leur quartier général. Jeudi, c’est un imam, un ex-officier de police et un soldat des forces spéciales qui ont été assassinés à Benghazi, dans l’Est libyen.
Les Libyens otages des milices
Au plan économique, le topo est également catastrophique. La Libye est à genoux bien qu’elle soit un important producteur d’hydrocarbures. Plusieurs autres terminaux pétroliers dans l’Est du pays sont en effet bloqués depuis un certain temps par des sit-in organisés par des hommes armés qui cherchent à faire main basse sur le pétrole. Le gouvernement libyen, dirigé par Ali Zeidan, a estimé jeudi à près de 5 milliards d’euros le coût des manifestations dans les ports pétroliers libyens, qui commencent, selon lui, à affecter la fourniture d’électricité dans l’Ouest du pays.
A Misrata, par exemple, les protestataires qui organisent depuis quelques jours un sit-in devant le complexe gazier de Milinia (ouest de la Libye) ont maintenu hier l’arrêt de l’exportation du gaz vers l’Italie. «Les opérations d’exportation du gaz vers l’Italie sont toujours à l’arrêt, alors que le terminal pétrolier est encore bloqué devant les camions qui attendent pour charger du brut», a indiqué le porte-parole de la compagnie nationale de pétrole de la Libye, Mohamed Al Harari. Ce responsable a précisé en outre que les protestataires – qui ont aussi bloqué le pipeline qui transporte le gaz du champ pétrolier d’Al Wafaa vers le complexe de Milinia – ont uniquement autorisé le pompage du gaz vers le pipeline côtier qui ravitaille les centrales électriques. Entre-temps, les Libyens sont aussi au bord d’une crise alimentaire.
Ayant connu une dérive maffieuse, les milices armées formées d’ex-rebelles – dont certaines entretiennent des liens étroits avec Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) – tiennent les Libyens en otage et, par-dessus tout, ne reconnaissent pas la légitimité du Premier ministre, Ali Zeidan. Le comble dans tout cela est que le gouvernement libyen leur accorde salaires et avantages.
Spécialisées dans le trafic de drogue et d’armes, ces bandes armées ont, chacune, fait main basse sur une région de la Libye et s’emploient actuellement à saper tous les efforts consentis par le gouvernement libyen pour bâtir un Etat viable, afin de poursuivre paisiblement leur «business». En l’absence d’une armée et d’une police professionnelles, la Libye se transforme peu à peu en sanctuaire pour trafiquants et terroristes.
L’inquiétude aujourd’hui est que le gouvernement de Ali Zeidan ne dispose d’aucun moyen pour leur faire face. Il n’a aucune emprise sur le terrain. A ce propos, les responsables libyens risquent de regretter bientôt amèrement la décision prise jeudi de licencier plus de 900 soldats et officiers au seul prétexte qu’ils avaient combattu dans les rangs des forces loyales de l’ancien dirigeant Mouammar El Gueddafi.
En tout cas, Ali Zeidan – qui a été récemment enlevé par une milice armée – sait mieux que quiconque qu’il ne peut pas compter sur des groupes d’ex-rebelles pour assurer la sécurité dans le pays.TunisieSecret
Zine Cherfaoui, quotidien algérien El-Watan du 16 novembre 2013
Pour le président du mouvement tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, l’instabilité que vit actuellement la Tunisie au plan sécuritaire a une seule origine : la Libye voisine. «Il y a une vague terroriste résultant du trafic d’armes à partir de la Libye vers la Tunisie et du resserrement de l’étau sur les groupes violents qui a suscité des réactions de la part de ces derniers», a-t-il répondu à une question sur la situation sécuritaire en Tunisie, en marge de l’ouverture du 5e congrès du mouvement Ennahda (formation politique algérienne) dont les travaux se sont déroulés jeudi à Alger.
A cette occasion, le leader islamiste tunisien a souligné que la riposte des forces de l’ordre aux opérations terroristes était ferme, soutenant que «la violence en Tunisie n’a pas d’avenir» et qu’«il ne peut y avoir de révolution violente contre la démocratie». Il a en outre précisé que «le phénomène de la violence en Tunisie est isolé», précisant que son pays s’inspire dans sa politique de lutte antiterroriste de l’expérience algérienne. M. Ghannouchi – qui semble ainsi répondre à tous ceux qui, en Tunisie, accusent Ennahdha de complaisance à l’égard des extrémistes ou des terroristes – a ajouté que ces groupes ne peuvent représenter une menace pour le régime en place car étant appuyé par une volonté populaire réelle. Quid, maintenant, de la situation politique dans son pays ? S’il a reconnu que la situation politique dans son pays n’était pas satisfaisante, le président du mouvement Ennahdha a toutefois insisté sur l’idée que celle-ci n’était «pas inquiétante».
Le leader du mouvement tunisien Ennahdha, qui a été reçu hier par le président Bouteflika, n’a pas tout à fait tort de désigner la Libye comme l’une des principales sources des problèmes de la Tunisie.
La situation sécuritaire dans ce pays, gangrené par la violence et livré aux bandes armées, va effectivement de mal en pis. La Libye est, aujourd’hui, au bord de l’explosion et menace en réalité la stabilité de tous les pays de la région. Pas plus tard qu’hier, deux personnes ont été tuées et 24 autres blessées dans le sud de Tripoli, lorsqu’une milice a tiré sur des centaines de manifestants venus réclamer pacifiquement le départ de ces ex-rebelles de leur quartier général. Jeudi, c’est un imam, un ex-officier de police et un soldat des forces spéciales qui ont été assassinés à Benghazi, dans l’Est libyen.
Les Libyens otages des milices
Au plan économique, le topo est également catastrophique. La Libye est à genoux bien qu’elle soit un important producteur d’hydrocarbures. Plusieurs autres terminaux pétroliers dans l’Est du pays sont en effet bloqués depuis un certain temps par des sit-in organisés par des hommes armés qui cherchent à faire main basse sur le pétrole. Le gouvernement libyen, dirigé par Ali Zeidan, a estimé jeudi à près de 5 milliards d’euros le coût des manifestations dans les ports pétroliers libyens, qui commencent, selon lui, à affecter la fourniture d’électricité dans l’Ouest du pays.
A Misrata, par exemple, les protestataires qui organisent depuis quelques jours un sit-in devant le complexe gazier de Milinia (ouest de la Libye) ont maintenu hier l’arrêt de l’exportation du gaz vers l’Italie. «Les opérations d’exportation du gaz vers l’Italie sont toujours à l’arrêt, alors que le terminal pétrolier est encore bloqué devant les camions qui attendent pour charger du brut», a indiqué le porte-parole de la compagnie nationale de pétrole de la Libye, Mohamed Al Harari. Ce responsable a précisé en outre que les protestataires – qui ont aussi bloqué le pipeline qui transporte le gaz du champ pétrolier d’Al Wafaa vers le complexe de Milinia – ont uniquement autorisé le pompage du gaz vers le pipeline côtier qui ravitaille les centrales électriques. Entre-temps, les Libyens sont aussi au bord d’une crise alimentaire.
Ayant connu une dérive maffieuse, les milices armées formées d’ex-rebelles – dont certaines entretiennent des liens étroits avec Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) – tiennent les Libyens en otage et, par-dessus tout, ne reconnaissent pas la légitimité du Premier ministre, Ali Zeidan. Le comble dans tout cela est que le gouvernement libyen leur accorde salaires et avantages.
Spécialisées dans le trafic de drogue et d’armes, ces bandes armées ont, chacune, fait main basse sur une région de la Libye et s’emploient actuellement à saper tous les efforts consentis par le gouvernement libyen pour bâtir un Etat viable, afin de poursuivre paisiblement leur «business». En l’absence d’une armée et d’une police professionnelles, la Libye se transforme peu à peu en sanctuaire pour trafiquants et terroristes.
L’inquiétude aujourd’hui est que le gouvernement de Ali Zeidan ne dispose d’aucun moyen pour leur faire face. Il n’a aucune emprise sur le terrain. A ce propos, les responsables libyens risquent de regretter bientôt amèrement la décision prise jeudi de licencier plus de 900 soldats et officiers au seul prétexte qu’ils avaient combattu dans les rangs des forces loyales de l’ancien dirigeant Mouammar El Gueddafi.
En tout cas, Ali Zeidan – qui a été récemment enlevé par une milice armée – sait mieux que quiconque qu’il ne peut pas compter sur des groupes d’ex-rebelles pour assurer la sécurité dans le pays.TunisieSecret
Zine Cherfaoui, quotidien algérien El-Watan du 16 novembre 2013