A la mémoire de mon fils bien aimé Ahmed, par Saïda Agrebi


9 Avril 2016

Accablée et stigmatisée comme nulle autre personne du dernier régime patriotique, Saïda Agrebi a catalysé la haine des opposants gauchistes et intégristes, les calomnies des cybers-collabos et de la horde inculte des internautes que Facebook a permis d'exister. Que n'a t-on pas dit sur cette grande dame qui a consacré sa vie au service de sa Patrie ? A la suite du coup d'Etat du 14 janvier 2011 que certains traîtres ou idiots continuent d'appeler "révolution", on l'avait privé de son histoire, de son honneur, de ses diplômes obtenus dans les meilleures universités américaines, de ses nombreuses réalisations éducatives, sociales et caritatives... Et comme si toutes ses injustices n'étaient pas suffisantes, les nouveaux Janissaires des Ottomans l'ont privé du droit au deuil. Sans passeport, elle n'a pas pu assister aux funérailles de son fils unique, Ahmed Jeribi, prématurément disparu il y a exactement une année, laissant derrière lui une mère inconsolable, une jeune veuve et deux petites orphelines. Jusqu'à ce jour, Saïda Agrebi est toujours privée de son passeport, et même si elle n'a jamais été jugée ni condamnée -et pour cause!- une fiche Interpol émise par les autorités néocoloniales dont ses "amis" Foued Mebaza était le président, Béji Caïd Essebsi le premier ministre et Habib Essid le ministre de l'Intérieur, l'empêche de voyager. Jusqu'à quand ?


Le défunt Ahmed Jeribi avec sa mère SaÏda Agrebi et sa fille Emna, âgée aujourd'hui de 6 ans.
Le 9 avril 2015, le 9 avril 2016, un an déjà ! Tu es parti mon chéri en me laissant seule, meurtrie, triste et abandonnée. Heureusement que « bintibinti » Saida Emna et sa petite sœur Erij Essabeh et leur maman Madiha me rappellent que tu es toujours là parmi nous.

Au fait, il y a 40 ans, tu étais bien installé dans mon ventre où il me plaisait de sentir tes mouvements et parfois même tes coups de pieds, c’est exactement depuis cette heureuse période que j’ai appris à communiquer avec toi en t’écoutant et en partageant tout. Je savais que l’année 1977 était des plus heureuses, puisque je te portais  en moi mon bébé et je continuais ma vie active et professionnelle, en tant que fonctionnaire internationale, voyageant partout en ta compagnie dans mes entrailles, toutes les fois que j’atterrissais avec mon énorme ventre on se dépêchait de me servir du lait et toutes les attentions dues à une future maman qui attendait avec fierté un heureux évènement.

A l’arrivée du grand jour, je conduisais d’Ezzara, la banlieue où j’habitais, vers mon bureau à la bourse de travail à Tunis avec une valise placée d’avance dans la malle de ma voiture, en prévision d’une éventuelle alerte, jusqu’au moment où je sentais de douleurs d’annonce, j’ai conduit jusqu’à la clinique Magenta à El Omrane, j’ai appelé maman et mon gynéco leur annonçant les douleurs du travail qui a duré plus de 24 heures. Suite à une césarienne pratiquée par le Dr H. Ben Amor, je mis au monde un beau bébé de 3k700et de sexe masculin. A cette époque, les sciences n’avaient pas encore inventé l’échographie pour la prévision du sexe, pourtant, j’étais persuadée que je portais une fillette, j’avais même préparé tout le trousseau du bébé en rose. 

Le lundi 13 juin  1977 à 10h du matin, mon fils est né et je l’ai nommé Ahmed, du nom de son grand-père paternel, Ahmed Jeribi que j’adorais, un grand homme de savoir, de culture et de valeurs transmis dans les gènes de son petit-fils. Cette date est le démarrage de notre court parcours de 37 ans et de notre relation fusionnelle qui prirent forme et évoluèrent au fil des années avec tous les évènements heureux de sa croissance et de son développement socio culturel, scolaire et universitaire, professionnel et familial. Des moments forts de joies et d’émotions, de séparations et de retrouvailles, de réussites et de suspens depuis sa circoncision à l’âge de 3 ans, jusqu’à la rentrée solaire à l’âge de 6 ans, couronnée par la réussite de la 6eme à ElMenzah et du Baccalauréat au lycée Borj Baccouche de l’Ariana.

A l’âge de 20 ans, il a pris le chemin des universités américaines, tout comme moi, inscrit à l’université de Bridge Port, Connecticut USA, pour un BSC, sciences de la communication culturelle poursuivant ses études et sa formation professionnelle jusqu’à l’âge de 25  ans entre New York, Paris, Rome et le Caire pour réintégrer le pays et continuer son propre chemin professionnel, réalisant sa carrière dans le domaine touristiques, médiatiques et culturelles, aboutissant enfin à la création de sa propre société de production culturelle  « SAIDA PROD », du nom de sa mère domiciliée à la Soukra jusqu’à l’année 2011.

Il a consacré les dix dernières années de sa vie à construire sa vie familiale en épousant une  jeune et jolie journaliste et élevant leurs deux adorables petites filles Saïda Emna et Erij Essabah et à renforcer les assises de son entreprise qui prenait de l’ampleur grâce à la coopération internationale, les relations et les échanges dont notamment les pays arabes : étant lui-même très doué pour la musique puisqu’il jouait de l’orgue parfaitement bien.

En plus de ses compétences professionnelles et son know- how numérique et technique, il avait une fibre humaine et solidaire exceptionnelle. Il était toujours partant pour organiser des activités de solidarité au profit des plus démunis et des personnes aux besoins spécifiques, tant au niveau de la télévision tunisienne, « Maana Ahla », ou au niveau  des galas humanitaires Kheimat Ramadhan, kawafel el Aïd,…Sponsor des Jeunes Talents…..

Apres 2011, il continua à travailler dans le même domaine de la communication culturelle au Caire, à Dubai, à Tanger pour atterrir à Casablanca, où il a eu la chance de rencontrer un grand homme de générosité de cœur et d’humanisme qui, grâce au soutien qu’il lui a accordé, lui permit de travailler à SICPA et de vivre dignement le reste de ses jours avec sa petite famille à l’aise en tout honneur et respect. 

Et c’est dans une clinique marocaine que la vie de mon fils unique, de mon fils bien aimé Ahmed s’est arrêtée, loin de moi, il repartit vers son pays dans un cercueil depuis l’aéroport  du Roi Hassan II à l’aéroport Tunis Carthage pour y être inhumé sans la présence de sa mère.

Le jeudi 9 AVRIL 2015 à 6 heures du matin, mon fils m’appelle de Casablanca pour m’annoncer que l’intervention cardiaque pour placement du «  pace maker » prévue pour 9h du matin à la clinique ANFA a été reportée pour 21H pour cause de grève d’Air France qui devait ramener le rythmologue de Paris. Il m’a précisé que le 9 avril était la journée des martyrs en Tunisie et pourrait influencer les résultats de l’opération. Le cœur serré, je l’ai encouragé en lui disant que le Maroc ne célébrait pas cette journée et que le bon Dieu était avec lui. Il m’a alors informé qu’il irait avec son ami Sami pour prier à la mosquée et régler la crèche de sa fille. Le même soir, jeudi 9 avril à 22h30, mon frère Hédi m’annonce la plus triste et douloureuse nouvelle de ma vie, mon fils est décédé en martyr comme il l’a pressenti. Paix à son âme….

Du 10 au 11 avril, toutes les démarches et les interventions de mes amis de France et d’ailleurs pour me permettre d’accompagner mon cher et regretté étaient sans réponse. J’ai dû malheureusement suivre l’enterrement de mon propre enfant par Skype et assurer tous les rites du décès loin de lui, avec le soutien inoubliable de ceux qui par la présence, la plume et la générosité des gestes, ont partagé ma peine, essayant d’alléger ma profonde douleur. Heureusement que les deux messages symboliques de la colombe sur la tombe et le dernier fil de la césarienne apparus lors des funérailles m’incitent à croire que tu es avec moi.

MON FILS AHMED BIEN AIME : TA MAMAN, TON EPOUSE, TES FILLETTES, TA FAMILLE, TES AMIS NE T’OUBLIERONT JAMAIS, REPOSES EN PAIX, NOUS PRIONS TOUS POUR TOI LOVE.

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