Alors que la Tunisie a perdu sa Souveraineté, que son économie est en faillite, qu’elle s’apprête à subir une vague d’attentats qui peut la plonger dans l’anarchie civile, et que son endettement est comparativement onze fois supérieur à celui du gouvernement Mustapha Khaznadar, dont la gestion devait « justifier » le traité du Bardo, tu as choisi de divertir la horde pour prolonger ton règne avilissant et perpétuer le mythe de la « révolution » bouazizienne. C’est-à-dire la conspiration islamo-atlantiste, qui s’est terminée par le coup d’Etat du 14 janvier 2011. De cette diversion de bas étage, nul n’est dupe, pas même la horde et à plus forte raison le peuple tunisien, qui a fini par comprendre l’ampleur de l’imposture du « printemps arabe », mais pas au point de suivre l’exemple égyptien dans son admirable sursaut patriotique.
Fidèle en infidélité, tu n’as pas résisté à la tentation d’assouvir ta basse vengeance en essayant de souiller l’honneur de journalistes, d’avocats et d’intellectuels, y compris les plus illustres de ce pays, dont je ne citerai ici que le père de l’archéologie tunisienne, Mhamed Hassine Fantar, l’éminent professeur Mongi Chemli, Mohamed Mahjoub, Noureddine Mejdoub, Mohamed Salah al-Jabri, Lafif Lakhdar, Jaafar Majed, Moncef Souissi, Olfa Youssef… Des noms qui rappellent la richesse et la grandeur de la pensée tunisienne autant qu’ils mettent en exergue ta petitesse intellectuelle et ta leucémie éthique et politique.
A dire vrai, je ne suis pas déçu qu’un tel torchon, le « Livre noir », ait pu voir le jour. Je suis même ravi que certains scribouillards et avocassiers y figurent, parce qu’ils ont hurlé avec les loups, qu’ils ont pris part au lynchage des patriotes et qu’ils ont contribué au mythe de la «révolution du jasmin », par conformisme, par opportunisme ou par lâcheté. Ils savent désormais que lorsqu’on apporte sa pierre au mensonge, on finit toujours par en payer le prix. Mais, puisque mon nom est associé aux leurs, je ne peux qu’en être solidaire, beaucoup plus par conviction que par compassion.
Par conviction, car je n’ai jamais cru à cette « révolution », ni à ses « martyrs », ni à ses slogans fumeux, ni à ces valeurs phosphorescentes, ni à ses figures emblématiques de la gauche encéphalopathique. Dès son accouchement par césarienne, je n’y voyais qu’une convulsion sociale dont le déclenchement est aussi mystérieux que la naissance du Christ. Heureux ceux qui ont cru sans voir, disait si justement le fils de Marie ! Je n’y voyais qu’une conspiration islamo-atlantiste, aux visées géopolitiques néocoloniales dépassant de loin « l’insignifiante » Tunisie. Tout au plus qu’un remake de la révolte arabe de 1916, dont les troupeaux ont été menés par le très pieux Lawrence d’Arabie, fondateur de la monarchie qui porte ce nom infâme et véritable messie de l’hérésie wahhabite.
Lorsque les Tunisiens ont été libéré de leur indépendance, et pour faire peau neuve, on m’a demandé de présenter mes excuses au sacro-saint peuple. Dans la solitude des vaincus et la certitude des philosophes, j’ai répondu que c’est au peuple de s’excuser auprès de la Nation ! On m’a demandé de retirer de mon anthologie le mot « Horde », j’ai répondu que la horde a manifesté, que la horde a voté, et que la horde est au pouvoir.
Depuis, grâce aux 7000 voix empruntées par la secte des Frères musulmans, elle-même redevable de l’argent sale de Qatraël et des Etats-Unis, la horde est au sommet de l’Etat, incarnée dans ce qu’il y a de plus vil et de plus détestable chez les Tunisiens. Se sachant provisoire, la crapule présidentielle qu’un caprice de l’Histoire a hissée à la tête d’un pays vassalisé, est empressée de parachever sa sinistre légende en détruisant les icônes de la Patrie. Les nains n’existent que dans la disparition des géants. Oui mon « cher » Moncef, tu n’arrives pas à la cheville du plus petit journaleux que tu as fourré dans ta liste noire et dont j’avais été la cible expiatoire bien avant que tu n’en deviennes l’objet de dérision. A plus forte raison les illustres journalistes et les personnalités académiques dont tu as voulu souiller l’honneur parce qu’ils t’ont toujours méprisé, aussi bien au moment de ton supplice imaginaire qu’à l’époque de ta présidence chimérique.
Mais le livre noir que tu viens de pendre n’est pas seulement l’œuvre d’une âme tourmentée, d’un esprit rongé par le ressentiment et gangrené par la haine. C’est aussi l’œuvre d’un renégat, l’effort titanesque d’un esclave exécutant au détail près un cahier des charges dicté par les « libérateurs » de la Tunisie, qui entendent effacer de ce pays soumis toute trace de résistance et de patriotisme. Tu es, tu devais être, tu ne pouvais qu’être à la Tunisie que ce que Jalel Talabani, Ahmed Chalabi et Ibrahim Jaafari furent pour l’Irak, sous le régime proconsulaire de Paul Bremer.
L’Irak, première pomme de discorde entre nous, après des années de lutte commune pour la démocratie en Tunisie. En 1998, j’étais à Bagdad, comme tous les six mois, à soutenir mes frères irakiens, lorsque tu m’as laissé un message hypocrite dans lequel tu t’expliquais sur la naissance du CNLT, sans moi, en raison du veto de Mustapha Ben Jaafar et de ses amis, me disais-tu. Archiviste, j’ai gardé cette cassette sonore que je rendrai publique et dans laquelle tu me suppliais de ne pas réagir à l’imminente déclaration de naissance du CNLT. Tu ne savais pas à l’époque que je m’attendais bien à cette trahison, pour avoir compris au détour d’une conversation amicale avec Mohamed Mokhtar Arbaoui et Jalloul Azzouna, qui se trouvaient également à Bagdad pour un symposium des écrivains arabes, que mon nom ne sera pas associé aux fondateurs du CNLT. Et pour cause : l’ami de Tarek Aziz ne pouvait pas faire partie d’une association qui comptait bien sur l’appui médiatique et financier des Etats qui ont participé à la destruction de l’Irak. Il fallait renoncer à la cause irakienne pour embrasser la nouvelle cause droit-de-l’hommienne de la soldatesque bushienne. C’est ainsi que les résistants de la première heure ont été ostracisé au profit des collaborateurs de la première heure.
Une année après, en compagnie de Haytam Manna et de ta fille, tu viendras chez moi me soutenir le même discours et me prier de ne pas quitter l’opposition. Mais ma décision était déjà prise : la compagnie des autocrates est bien moins pénible que la fréquentation des démagocrates. Autrement dit, la contribution à la réforme, plutôt que le soutien des mercenaires et des renégats. Une année plus tard, en avril 2000, lorsque j’ai décidé de rompre un exil de 12 ans, Mustapha Ben Jaafar m’avouera devant témoin (Taïeb Zahar), qu’il n’y était absolument pour rien dans cette affaire que tu avais monté de toute pièce.
Seconde pomme de discorde, la question islamiste. Tu sais et ils savent qu’avant que je ne découvre leur Taquiyya et leur antipatriotisme congénital, j’étais l’artisan de ton rapprochement avec les islamistes, comme d’ailleurs avec Mohamed Mzali et Ahmed Bennour. Si tu ne te souviens plus du dîner chez Habib Mokni, en 1995, celui-ci doit s’en rappeler. Ce soir d’hiver torride, j’avais exigé qu’avant toute entente avec les islamistes, ils devaient d’abord t’accorder une aide matérielle, puisqu’ils ne manquaient pas de moyens. Sur le chemin de retour chez moi, dans la banlieue sud de Paris, tu étais heureux comme un gosse que le coffre de ma voiture contienne le dernier cri des ordinateurs portables. Premier cadeau de Ghannouchi à Marzouki ! Il y en a eu bien d’autres par la suite. Mais, il y a plus grave que ce petit cadeau. Il y a ce que tes amis que tu as trahi et tes compatriotes que tu as vendu ignorent jusqu’à ce jour, c’est-à-dire ton adhésion à la secte des Frères musulmans dès 1998. C’était pour toi le seul moyen de gagner la confiance du grand prêtre, Rached Ghannouchi, et de disqualifier les autres stripteaseuses de l’islamisme « modéré », à savoir Ahmed-Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaafar et Hamma Hammami. Tu as embrassé la dogmatique islamiste comme on embrasse la « religion » maçonnique : dans l’initiation occulte et le secret absolu. Dès lors, les droits de l’homme sont devenus pour toi ce que l’islam est pour Rached Ghannouchi : une litanie subversive au service d’une ambition maladive. Toute ta vie, tu as couru derrière les droits de l’homme pour attraper le pouvoir.
C’est exactement ce que j’avais écrit dès 2002, dans mon livre « Carthage ne sera pas détruite », que ton torchon noir cite comme pièce à charge dans un procès sans contradiction et sans révision. Dans ton torchon noir, tu as réitéré ce que tu avais scribouillé sous divers pseudonymes depuis l’édition de mon livre en 2002, et même avant sa parution. Comme tes acolytes du microcosme parisien et londonien, tu t’attendais, en effet, à une apologie du régime et à un panégyrique de celui que je traitais déjà d’usurpateur lorsque tu soutenais publiquement sa candidature aux élections de 1989. Mais vous avez été tous déçu, la canaille du RCD comme la racaille de l’opposition. Comme l’avait écrit à l’époque l’académicien Maurice Druon, « Faute de préfacer ce livre somptueux et sans concession pour le pouvoir et pour l’opposition, je peux dire que Carthage ne sera pas détruite est l’œuvre d’un penseur qui a préféré le politique à la politique, la méditation à la médisance, la réflexion philosophique aux ratiocinations politiciennes, la voie réformiste à l’aventurisme révolutionnaire ». Je m’abstiendrais ici de citer d’autres intellectuels ou journalistes tunisiens.
Je sais que mon livre t’avait piqué au vif, nonobstant sa hauteur morale et son objectivité politique. Une semaine après sa sortie aux éditions Du Rocher (et non pas La Roche, comme l’écrivent par inculture tes scribes), je t’avais surpris chez Ahmed Kédidi en train d’en discutailler le fond et d’en peser les conséquences. Sur la table du jardin, il y avait mon livre ainsi qu’un dictionnaire ! Arrivé à l’improviste, je vous ai salué tous les deux et je vous ai rapidement laissé à vos palabres hautement politiques. Pour que les lecteurs de ton torchon noir comprennent ta vindicte à mon égard, voici quelques passages de Carthage ne sera pas détruite.
Page 381 : « L’on se demande si par transparence, ce mouvement politique nouvellement lancé par Moncef Marzouki (CPR), ne devrait pas plutôt s’appeler Congrès pour la République islamique ! Comme le feu et l’eau, le laïcisme et l’intégrisme n’ont jamais fait bon ménage. A moins de l’entendre dans le sens khomeyniste, qutbiste ou tourabiste du terme, ce qui semble être le cas du fondateur du CPR, on ne refait pas la République avec les ennemis de la République. Celle-ci n’a d’ailleurs pas besoin d’être refaite : Bourguiba l’a instaurée il y a 46 ans et, faute de la décréter résolument laïque, il a veillé à ce qu’elle soit radicalement anti-islamiste. C’est affligeant de constater que l’intellectuel le plus laïc –celui dont j’avais été l’un des rares à soutenir la candidature symboliques aux élections présidentielles de mars 1994 au moment où d’autres ironisaient sur sa vanité avant de se réjouir de son arrestation- soit aujourd’hui amené à courtiser les islamistes en les présentant comme des républicains et des démocrates parfaitement honorables et aucunement violents».
Et comme mon livre était, selon toi et tes complices, une « commande » de Ben Ali et la condition pour me faire pardonner, voici ce que j’écrivais sur son ennemi mortel, Moncef Marzouki :
Page 382 : « Le cas de Moncef Marzouki incarne à lui seul ce qu’il faudrait bien finir par appeler la quintessence des maladresses politiques commises ces dix dernières années, le grand gâchis politique tunisien : voilà un homme qui a passé sa vie à défendre les valeurs laïques et républicaines, à militer sincèrement pour le triomphe de l’idéal démocratique, à combattre par sa plume alerte et son discours tranchant la pensée intégriste, et qui se trouve aujourd’hui acculé à une alliance avec les islamistes pour abattre le régime bénalien. Ce n’est pas seulement l’échec d’un intellectuel laïc, authentiquement dévoué au respect des droits de l’homme, mais c’est également l’échec d’un gouvernement qui n’a pas su attirer vers lui ses alliés naturels contre l’ayatollachie ghannouchienne, ni même conserver ceux et celles qui se sont rangés à ses côtés et qui, de 1987 à 1995, ont été ses défenseurs les plus résolus ».
Parce le courage et la loyauté sont de mes vertus, d’autres ennemis mortels de Ben Ali ont eu droit à mes éloges, comme Mohamed Mzali, Ahmed Bennour, Ahmed Ben Salah, Abdelhamid Skhiri, Mohamed Charfi…ou des ennemis moins mortels, comme Mohamed Sayah, Mansour Moalla, Hédi Mabrouk… Ce serait trop long de multiplier les citations relatives pas seulement à Moncef Marzouki, mais à des personnalités patriotiques de l’opposition, à la corruption qui gangrène le régime, aux atteintes à la liberté d’expression, à la Justice qui est aux ordres, à la police de la pensée, à la défense du bourguibisme, à l’hégémonisme du RCD,…autant de thèmes qui répondent bien évidemment aux attentes de mon bienfaiteur Ben Ali ! Mais comme le Livre noir de Marzouki en parle, je ne peux pas ne pas citer cet autre passage de mon livre au sujet Des Masques, l’un des torchons de propagande du régime bénalien.
Page 336 : « Nous faisons allusion aux torchons dont la littérature de caniveau avait beaucoup plus nui au prestige de la Tunisie que servi la cause du régime. Les Masques, pour ne prendre que cet exemple, dont le scribouillard –un ancien agent congédié par les RG français- voulait mieux faire qu’un pseudo-journaliste tunisien, a trainé dans la boue tous les opposants ainsi que des personnalités représentatives d’ONG françaises. Ce faisant, c’est la Tunisie dont ces margoulins avaient usurpé la défense, qui a été discréditée et non point les ennemis de la Tunisie ».
Si mon livre était une « commande » rétribuée par le régime, comme tu l’as toujours soutenu et comme tu viens de l’écrire dans ton torchon noir, pourquoi ne figure t-il donc pas dans le tableau (pp.43-47), qui mentionne tous les livres que le régime a soutenu et financé via l’ATCE ? Est-ce une omission de tes apprentis-plumitifs, ou une honnêteté intellectuelle bien involontaire ? Autre anachronisme symptomatique de malversation et de falsification, cette phrase tirée d’une lettre que j’aurais adressée à Abdelwahab Abdallah et où je lui disais : « Par ce livre, mon objectif premier et final consiste à restaurer l’image de marque de notre pays et de notre président ». Cette lettre est datée du 11 juin 2006, alors que mon livre a été édité en septembre 2002 !
Mais si je ne l’ai pas dit à l’époque, je peux l’écrire aujourd’hui : oui, parmi les buts stratégiques de mon livre, il y avait bel et bien la restauration de l’image de la Tunisie et la dénonciation de l’alliance entre les archéo-islamistes et les néo-bolcheviques. Oui, j’ai soutenu la République bourguibienne contre les vermines de ton espèce et en attendant l’éclipse de Ben Ali, qui était bien plus honorable que toi. Oui, j’ai rendu à ce régime ses titres de noblesse et de faiblesse. Et bien plus important que tout cela, dans mon livre, il y avait surtout une pensée politique s’inscrivant dans la grande lignée du réformisme et du patriotisme tunisiens, ainsi qu’une vision prospective d’une Tunisie souveraine, moderne et démocratique, à l’abri de tes frères en secte, les islamo-atlantistes.
Je n’ai pas le temps et ce n’est pas le lieu de répondre aux autres inepties concernant mes articles, qui ont été publié dans les plus grands quotidiens de la presse internationale, ou concernant les honnêtes gens dont tu as livré en pâture les noms. Je me contente seulement de te dire que, si j’avais monnayé tous mes articles comme tu marchandais ta littérature « mercenariale » avec Al-Jazeera, je serai aujourd’hui dans une situation financière bien plus confortable. Mais la frugalité, le mépris même de l’argent, je les tiens de mon défunt père communiste. De même que ta boulimie pour l’argent et ta servilité à l’égard du roitelet de Qatraël, tu les tiens de ton père, richissime commerçant au Maroc et servilement lié au Makzen. Je ne dirai pas plus sur lui, ni sur ta première épouse, ni sur tes deux filles, ni sur les 6300 euros que tu percevais du ministère français de la Santé sans travail effectif, parce que tes collègues Français ne supportaient plus ta présence à l’hôpital de Bobigny. Les initiés savent à quel titre et pour quel genre de services tu touchais un tel salaire ! Chargé de mission à la Présidence, j’avais 2200 euros par mois. Ambassadeur à l’UNESCO, j’étais moins payé que ma collègue éthiopienne: 3300 euros !
Lorsque, dans trois mois, le reste de ma réponse sortira dans mon « Livre noir des mercenaires qui ont trahi leur pays, de 1989 à 2011 », tu ne seras peut-être plus là pour la lire, car je te prédis, sans te la souhaiter, mon cher ex-ami, une fin tragique ! Mais l’opinion publique tunisienne le lira et elle saura alors qui, parmi les noms dont tu as voulu salir l’honneur, ont loyalement servi leur Patrie, et qui parmi ceux dont tu as fait l’éloge, juste après tes 12 pages auto-hagiographiques, ont contribué à la destruction de la défunte Tunisie, en vendant leur âme à un émirat bédouin et à d’autres Etats atlantistes. Elle saura également pour quelles raisons et en contrepartie de quoi tu as ouvert les archives de l’Etat tunisien à Al-Jazeera, dont tu étais le « minable » collaborateur, comme l’a affirmé l’un de tes ex-éphémères conseillers, aujourd’hui exilé en France.
Avec ces deux livres noirs –si j’excepte un troisième que d’autres réaliseront après la victoire de la Résistance sur le néocolonialisme- les patriotes et les collabos seront alors devant le tribunal de l’Histoire, seule instance habilitée à rendre son verdict. Oui, cher ex-ami, ni toi, ni ton ramassis d’anciens larbins de Hamad et Mozza, ou collaborateurs de la chaine islamo-sioniste, ni ta justice transitionnelle, ne pourront rendre un verdict équitable et définitif. Cela est du ressort du tribunal de l’Histoire, comme les archives sont de la compétence des historiens et d’eux seuls.TunisieSecret
Mezri Haddad, Tunisie-Focus du 5 décembre 2013
Fidèle en infidélité, tu n’as pas résisté à la tentation d’assouvir ta basse vengeance en essayant de souiller l’honneur de journalistes, d’avocats et d’intellectuels, y compris les plus illustres de ce pays, dont je ne citerai ici que le père de l’archéologie tunisienne, Mhamed Hassine Fantar, l’éminent professeur Mongi Chemli, Mohamed Mahjoub, Noureddine Mejdoub, Mohamed Salah al-Jabri, Lafif Lakhdar, Jaafar Majed, Moncef Souissi, Olfa Youssef… Des noms qui rappellent la richesse et la grandeur de la pensée tunisienne autant qu’ils mettent en exergue ta petitesse intellectuelle et ta leucémie éthique et politique.
A dire vrai, je ne suis pas déçu qu’un tel torchon, le « Livre noir », ait pu voir le jour. Je suis même ravi que certains scribouillards et avocassiers y figurent, parce qu’ils ont hurlé avec les loups, qu’ils ont pris part au lynchage des patriotes et qu’ils ont contribué au mythe de la «révolution du jasmin », par conformisme, par opportunisme ou par lâcheté. Ils savent désormais que lorsqu’on apporte sa pierre au mensonge, on finit toujours par en payer le prix. Mais, puisque mon nom est associé aux leurs, je ne peux qu’en être solidaire, beaucoup plus par conviction que par compassion.
Par conviction, car je n’ai jamais cru à cette « révolution », ni à ses « martyrs », ni à ses slogans fumeux, ni à ces valeurs phosphorescentes, ni à ses figures emblématiques de la gauche encéphalopathique. Dès son accouchement par césarienne, je n’y voyais qu’une convulsion sociale dont le déclenchement est aussi mystérieux que la naissance du Christ. Heureux ceux qui ont cru sans voir, disait si justement le fils de Marie ! Je n’y voyais qu’une conspiration islamo-atlantiste, aux visées géopolitiques néocoloniales dépassant de loin « l’insignifiante » Tunisie. Tout au plus qu’un remake de la révolte arabe de 1916, dont les troupeaux ont été menés par le très pieux Lawrence d’Arabie, fondateur de la monarchie qui porte ce nom infâme et véritable messie de l’hérésie wahhabite.
Lorsque les Tunisiens ont été libéré de leur indépendance, et pour faire peau neuve, on m’a demandé de présenter mes excuses au sacro-saint peuple. Dans la solitude des vaincus et la certitude des philosophes, j’ai répondu que c’est au peuple de s’excuser auprès de la Nation ! On m’a demandé de retirer de mon anthologie le mot « Horde », j’ai répondu que la horde a manifesté, que la horde a voté, et que la horde est au pouvoir.
Depuis, grâce aux 7000 voix empruntées par la secte des Frères musulmans, elle-même redevable de l’argent sale de Qatraël et des Etats-Unis, la horde est au sommet de l’Etat, incarnée dans ce qu’il y a de plus vil et de plus détestable chez les Tunisiens. Se sachant provisoire, la crapule présidentielle qu’un caprice de l’Histoire a hissée à la tête d’un pays vassalisé, est empressée de parachever sa sinistre légende en détruisant les icônes de la Patrie. Les nains n’existent que dans la disparition des géants. Oui mon « cher » Moncef, tu n’arrives pas à la cheville du plus petit journaleux que tu as fourré dans ta liste noire et dont j’avais été la cible expiatoire bien avant que tu n’en deviennes l’objet de dérision. A plus forte raison les illustres journalistes et les personnalités académiques dont tu as voulu souiller l’honneur parce qu’ils t’ont toujours méprisé, aussi bien au moment de ton supplice imaginaire qu’à l’époque de ta présidence chimérique.
Mais le livre noir que tu viens de pendre n’est pas seulement l’œuvre d’une âme tourmentée, d’un esprit rongé par le ressentiment et gangrené par la haine. C’est aussi l’œuvre d’un renégat, l’effort titanesque d’un esclave exécutant au détail près un cahier des charges dicté par les « libérateurs » de la Tunisie, qui entendent effacer de ce pays soumis toute trace de résistance et de patriotisme. Tu es, tu devais être, tu ne pouvais qu’être à la Tunisie que ce que Jalel Talabani, Ahmed Chalabi et Ibrahim Jaafari furent pour l’Irak, sous le régime proconsulaire de Paul Bremer.
L’Irak, première pomme de discorde entre nous, après des années de lutte commune pour la démocratie en Tunisie. En 1998, j’étais à Bagdad, comme tous les six mois, à soutenir mes frères irakiens, lorsque tu m’as laissé un message hypocrite dans lequel tu t’expliquais sur la naissance du CNLT, sans moi, en raison du veto de Mustapha Ben Jaafar et de ses amis, me disais-tu. Archiviste, j’ai gardé cette cassette sonore que je rendrai publique et dans laquelle tu me suppliais de ne pas réagir à l’imminente déclaration de naissance du CNLT. Tu ne savais pas à l’époque que je m’attendais bien à cette trahison, pour avoir compris au détour d’une conversation amicale avec Mohamed Mokhtar Arbaoui et Jalloul Azzouna, qui se trouvaient également à Bagdad pour un symposium des écrivains arabes, que mon nom ne sera pas associé aux fondateurs du CNLT. Et pour cause : l’ami de Tarek Aziz ne pouvait pas faire partie d’une association qui comptait bien sur l’appui médiatique et financier des Etats qui ont participé à la destruction de l’Irak. Il fallait renoncer à la cause irakienne pour embrasser la nouvelle cause droit-de-l’hommienne de la soldatesque bushienne. C’est ainsi que les résistants de la première heure ont été ostracisé au profit des collaborateurs de la première heure.
Une année après, en compagnie de Haytam Manna et de ta fille, tu viendras chez moi me soutenir le même discours et me prier de ne pas quitter l’opposition. Mais ma décision était déjà prise : la compagnie des autocrates est bien moins pénible que la fréquentation des démagocrates. Autrement dit, la contribution à la réforme, plutôt que le soutien des mercenaires et des renégats. Une année plus tard, en avril 2000, lorsque j’ai décidé de rompre un exil de 12 ans, Mustapha Ben Jaafar m’avouera devant témoin (Taïeb Zahar), qu’il n’y était absolument pour rien dans cette affaire que tu avais monté de toute pièce.
Seconde pomme de discorde, la question islamiste. Tu sais et ils savent qu’avant que je ne découvre leur Taquiyya et leur antipatriotisme congénital, j’étais l’artisan de ton rapprochement avec les islamistes, comme d’ailleurs avec Mohamed Mzali et Ahmed Bennour. Si tu ne te souviens plus du dîner chez Habib Mokni, en 1995, celui-ci doit s’en rappeler. Ce soir d’hiver torride, j’avais exigé qu’avant toute entente avec les islamistes, ils devaient d’abord t’accorder une aide matérielle, puisqu’ils ne manquaient pas de moyens. Sur le chemin de retour chez moi, dans la banlieue sud de Paris, tu étais heureux comme un gosse que le coffre de ma voiture contienne le dernier cri des ordinateurs portables. Premier cadeau de Ghannouchi à Marzouki ! Il y en a eu bien d’autres par la suite. Mais, il y a plus grave que ce petit cadeau. Il y a ce que tes amis que tu as trahi et tes compatriotes que tu as vendu ignorent jusqu’à ce jour, c’est-à-dire ton adhésion à la secte des Frères musulmans dès 1998. C’était pour toi le seul moyen de gagner la confiance du grand prêtre, Rached Ghannouchi, et de disqualifier les autres stripteaseuses de l’islamisme « modéré », à savoir Ahmed-Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaafar et Hamma Hammami. Tu as embrassé la dogmatique islamiste comme on embrasse la « religion » maçonnique : dans l’initiation occulte et le secret absolu. Dès lors, les droits de l’homme sont devenus pour toi ce que l’islam est pour Rached Ghannouchi : une litanie subversive au service d’une ambition maladive. Toute ta vie, tu as couru derrière les droits de l’homme pour attraper le pouvoir.
C’est exactement ce que j’avais écrit dès 2002, dans mon livre « Carthage ne sera pas détruite », que ton torchon noir cite comme pièce à charge dans un procès sans contradiction et sans révision. Dans ton torchon noir, tu as réitéré ce que tu avais scribouillé sous divers pseudonymes depuis l’édition de mon livre en 2002, et même avant sa parution. Comme tes acolytes du microcosme parisien et londonien, tu t’attendais, en effet, à une apologie du régime et à un panégyrique de celui que je traitais déjà d’usurpateur lorsque tu soutenais publiquement sa candidature aux élections de 1989. Mais vous avez été tous déçu, la canaille du RCD comme la racaille de l’opposition. Comme l’avait écrit à l’époque l’académicien Maurice Druon, « Faute de préfacer ce livre somptueux et sans concession pour le pouvoir et pour l’opposition, je peux dire que Carthage ne sera pas détruite est l’œuvre d’un penseur qui a préféré le politique à la politique, la méditation à la médisance, la réflexion philosophique aux ratiocinations politiciennes, la voie réformiste à l’aventurisme révolutionnaire ». Je m’abstiendrais ici de citer d’autres intellectuels ou journalistes tunisiens.
Je sais que mon livre t’avait piqué au vif, nonobstant sa hauteur morale et son objectivité politique. Une semaine après sa sortie aux éditions Du Rocher (et non pas La Roche, comme l’écrivent par inculture tes scribes), je t’avais surpris chez Ahmed Kédidi en train d’en discutailler le fond et d’en peser les conséquences. Sur la table du jardin, il y avait mon livre ainsi qu’un dictionnaire ! Arrivé à l’improviste, je vous ai salué tous les deux et je vous ai rapidement laissé à vos palabres hautement politiques. Pour que les lecteurs de ton torchon noir comprennent ta vindicte à mon égard, voici quelques passages de Carthage ne sera pas détruite.
Page 381 : « L’on se demande si par transparence, ce mouvement politique nouvellement lancé par Moncef Marzouki (CPR), ne devrait pas plutôt s’appeler Congrès pour la République islamique ! Comme le feu et l’eau, le laïcisme et l’intégrisme n’ont jamais fait bon ménage. A moins de l’entendre dans le sens khomeyniste, qutbiste ou tourabiste du terme, ce qui semble être le cas du fondateur du CPR, on ne refait pas la République avec les ennemis de la République. Celle-ci n’a d’ailleurs pas besoin d’être refaite : Bourguiba l’a instaurée il y a 46 ans et, faute de la décréter résolument laïque, il a veillé à ce qu’elle soit radicalement anti-islamiste. C’est affligeant de constater que l’intellectuel le plus laïc –celui dont j’avais été l’un des rares à soutenir la candidature symboliques aux élections présidentielles de mars 1994 au moment où d’autres ironisaient sur sa vanité avant de se réjouir de son arrestation- soit aujourd’hui amené à courtiser les islamistes en les présentant comme des républicains et des démocrates parfaitement honorables et aucunement violents».
Et comme mon livre était, selon toi et tes complices, une « commande » de Ben Ali et la condition pour me faire pardonner, voici ce que j’écrivais sur son ennemi mortel, Moncef Marzouki :
Page 382 : « Le cas de Moncef Marzouki incarne à lui seul ce qu’il faudrait bien finir par appeler la quintessence des maladresses politiques commises ces dix dernières années, le grand gâchis politique tunisien : voilà un homme qui a passé sa vie à défendre les valeurs laïques et républicaines, à militer sincèrement pour le triomphe de l’idéal démocratique, à combattre par sa plume alerte et son discours tranchant la pensée intégriste, et qui se trouve aujourd’hui acculé à une alliance avec les islamistes pour abattre le régime bénalien. Ce n’est pas seulement l’échec d’un intellectuel laïc, authentiquement dévoué au respect des droits de l’homme, mais c’est également l’échec d’un gouvernement qui n’a pas su attirer vers lui ses alliés naturels contre l’ayatollachie ghannouchienne, ni même conserver ceux et celles qui se sont rangés à ses côtés et qui, de 1987 à 1995, ont été ses défenseurs les plus résolus ».
Parce le courage et la loyauté sont de mes vertus, d’autres ennemis mortels de Ben Ali ont eu droit à mes éloges, comme Mohamed Mzali, Ahmed Bennour, Ahmed Ben Salah, Abdelhamid Skhiri, Mohamed Charfi…ou des ennemis moins mortels, comme Mohamed Sayah, Mansour Moalla, Hédi Mabrouk… Ce serait trop long de multiplier les citations relatives pas seulement à Moncef Marzouki, mais à des personnalités patriotiques de l’opposition, à la corruption qui gangrène le régime, aux atteintes à la liberté d’expression, à la Justice qui est aux ordres, à la police de la pensée, à la défense du bourguibisme, à l’hégémonisme du RCD,…autant de thèmes qui répondent bien évidemment aux attentes de mon bienfaiteur Ben Ali ! Mais comme le Livre noir de Marzouki en parle, je ne peux pas ne pas citer cet autre passage de mon livre au sujet Des Masques, l’un des torchons de propagande du régime bénalien.
Page 336 : « Nous faisons allusion aux torchons dont la littérature de caniveau avait beaucoup plus nui au prestige de la Tunisie que servi la cause du régime. Les Masques, pour ne prendre que cet exemple, dont le scribouillard –un ancien agent congédié par les RG français- voulait mieux faire qu’un pseudo-journaliste tunisien, a trainé dans la boue tous les opposants ainsi que des personnalités représentatives d’ONG françaises. Ce faisant, c’est la Tunisie dont ces margoulins avaient usurpé la défense, qui a été discréditée et non point les ennemis de la Tunisie ».
Si mon livre était une « commande » rétribuée par le régime, comme tu l’as toujours soutenu et comme tu viens de l’écrire dans ton torchon noir, pourquoi ne figure t-il donc pas dans le tableau (pp.43-47), qui mentionne tous les livres que le régime a soutenu et financé via l’ATCE ? Est-ce une omission de tes apprentis-plumitifs, ou une honnêteté intellectuelle bien involontaire ? Autre anachronisme symptomatique de malversation et de falsification, cette phrase tirée d’une lettre que j’aurais adressée à Abdelwahab Abdallah et où je lui disais : « Par ce livre, mon objectif premier et final consiste à restaurer l’image de marque de notre pays et de notre président ». Cette lettre est datée du 11 juin 2006, alors que mon livre a été édité en septembre 2002 !
Mais si je ne l’ai pas dit à l’époque, je peux l’écrire aujourd’hui : oui, parmi les buts stratégiques de mon livre, il y avait bel et bien la restauration de l’image de la Tunisie et la dénonciation de l’alliance entre les archéo-islamistes et les néo-bolcheviques. Oui, j’ai soutenu la République bourguibienne contre les vermines de ton espèce et en attendant l’éclipse de Ben Ali, qui était bien plus honorable que toi. Oui, j’ai rendu à ce régime ses titres de noblesse et de faiblesse. Et bien plus important que tout cela, dans mon livre, il y avait surtout une pensée politique s’inscrivant dans la grande lignée du réformisme et du patriotisme tunisiens, ainsi qu’une vision prospective d’une Tunisie souveraine, moderne et démocratique, à l’abri de tes frères en secte, les islamo-atlantistes.
Je n’ai pas le temps et ce n’est pas le lieu de répondre aux autres inepties concernant mes articles, qui ont été publié dans les plus grands quotidiens de la presse internationale, ou concernant les honnêtes gens dont tu as livré en pâture les noms. Je me contente seulement de te dire que, si j’avais monnayé tous mes articles comme tu marchandais ta littérature « mercenariale » avec Al-Jazeera, je serai aujourd’hui dans une situation financière bien plus confortable. Mais la frugalité, le mépris même de l’argent, je les tiens de mon défunt père communiste. De même que ta boulimie pour l’argent et ta servilité à l’égard du roitelet de Qatraël, tu les tiens de ton père, richissime commerçant au Maroc et servilement lié au Makzen. Je ne dirai pas plus sur lui, ni sur ta première épouse, ni sur tes deux filles, ni sur les 6300 euros que tu percevais du ministère français de la Santé sans travail effectif, parce que tes collègues Français ne supportaient plus ta présence à l’hôpital de Bobigny. Les initiés savent à quel titre et pour quel genre de services tu touchais un tel salaire ! Chargé de mission à la Présidence, j’avais 2200 euros par mois. Ambassadeur à l’UNESCO, j’étais moins payé que ma collègue éthiopienne: 3300 euros !
Lorsque, dans trois mois, le reste de ma réponse sortira dans mon « Livre noir des mercenaires qui ont trahi leur pays, de 1989 à 2011 », tu ne seras peut-être plus là pour la lire, car je te prédis, sans te la souhaiter, mon cher ex-ami, une fin tragique ! Mais l’opinion publique tunisienne le lira et elle saura alors qui, parmi les noms dont tu as voulu salir l’honneur, ont loyalement servi leur Patrie, et qui parmi ceux dont tu as fait l’éloge, juste après tes 12 pages auto-hagiographiques, ont contribué à la destruction de la défunte Tunisie, en vendant leur âme à un émirat bédouin et à d’autres Etats atlantistes. Elle saura également pour quelles raisons et en contrepartie de quoi tu as ouvert les archives de l’Etat tunisien à Al-Jazeera, dont tu étais le « minable » collaborateur, comme l’a affirmé l’un de tes ex-éphémères conseillers, aujourd’hui exilé en France.
Avec ces deux livres noirs –si j’excepte un troisième que d’autres réaliseront après la victoire de la Résistance sur le néocolonialisme- les patriotes et les collabos seront alors devant le tribunal de l’Histoire, seule instance habilitée à rendre son verdict. Oui, cher ex-ami, ni toi, ni ton ramassis d’anciens larbins de Hamad et Mozza, ou collaborateurs de la chaine islamo-sioniste, ni ta justice transitionnelle, ne pourront rendre un verdict équitable et définitif. Cela est du ressort du tribunal de l’Histoire, comme les archives sont de la compétence des historiens et d’eux seuls.TunisieSecret
Mezri Haddad, Tunisie-Focus du 5 décembre 2013